Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 mai 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1803130/6-1 du 25 avril 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande de Mme B....
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a retenu, pour annuler l'arrêté, que Mme B... remplissait les conditions prévues pour l'entrée sur le territoire européen ;
- les autres moyens de la demande de première instance sont infondés.
La requête a été communiquée à Mme B...qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- la communication 2017/C 111/11 des montants de référence requis par l'Espagne pour le franchissement des frontières extérieures, tels que visés à l'article 6, paragraphe 4, du règlement (UE) 2016/399 ;
- la communication 2014/C 224/05 des montants de référence requis par la France pour le franchissement des frontières extérieures, tels que visés à l'article 5, paragraphe 3, du règlement (CE) 562/2006 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante hondurienne née en septembre 1987, est arrivée en France, à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle, le 18 février 2018, en provenance de San Pedro Sula (Honduras) via Mexico. Par une décision du même jour, l'accès au territoire français lui a été refusé au motif qu'elle ne détenait pas d'attestation d'assurance et qu'elle ne disposait pas des moyens de subsistance suffisants au regard de la durée et des conditions du séjour qu'elle avait prévu en Europe. Par une ordonnance du 22 février 2018, le juge des libertés et de la détention a autorisé son maintien en zone d'attente pour une durée de 8 jours. Après avoir refusé deux fois d'embarquer sur un vol à destination du Mexique, l'intéressée a été placée en garde à vue le 25 février 2018. Par arrêté du 26 février 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination. Il fait régulièrement appel du jugement du 25 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
2. Le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 511-2 du même code : " Le 1° du I et le a du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : 1° S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (...) ". L'article 6 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 abrogeant le règlement (CE) n° 562/2006 et établissant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) dispose : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours (...) les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : a) être en possession d'un document de voyage en cours de validité (....) ; b) être en possession d'un visa en cours de validité si celui-ci est requis (...) ; c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) 4. L'appréciation des moyens de subsistance se fait en fonction de la durée et de l'objet du séjour et par référence aux prix moyens en matière d'hébergement et de nourriture dans l'État membre ou les États membres concernés, pour un logement à prix modéré, multipliés par le nombre de jours de séjour. / Les montants de référence arrêtés par les États membres sont notifiés à la Commission conformément à l'article 39. L'appréciation des moyens de subsistance suffisants peut se fonder sur la possession d'argent liquide, de chèques de voyage et de cartes de crédit par le ressortissant de pays tiers. Les déclarations de prise en charge, lorsqu'elles sont prévues par le droit national, et les lettres de garantie telles que définies par le droit national, dans le cas des ressortissants de pays tiers logés chez l'habitant, peuvent aussi constituer une preuve de moyens de subsistance suffisants (...) ". Aux termes des communications 2014/C 224/05 et 2017/C 111/11 notifiées à la Commission européenne en vertu du 2ème alinéa du paragraphe 4 de l'article 6 précité et publiées au Journal officiel de l'Union européenne, le montant de référence pour les moyens de subsistance s'élève à la somme de 70,77 euros par jour pour une personne seule en Espagne et à la somme de 120 euros par jour en France, sauf pour la période couverte par une réservation hôtelière où il s'élève alors à 65 euros par jour.
3. MmeB..., qui, du fait de sa nationalité, est exemptée de visa pour effectuer un séjour de moins de 90 jours dans l'Espace Schengen, a déclaré à son arrivée en France le 18 février 2018 se rendre à Madrid pour y faire du tourisme. Elle présentait des billets d'avion Roissy-Madrid, aller le 18 février et retour le 2 mars, ainsi que le billet d'un vol de retour de Roissy vers Panama City puis San Pedro Sula le 4 mars. A son arrivée, elle disposait de la somme de 900 euros en liquide et d'une carte de crédit, non créditée d'après ses déclarations. Le préfet de la Seine-Saint-Denis ne conteste pas qu'elle a reçu le 19 février 2018 un virement de sa famille portant à 1 500 euros la somme dont elle disposait et qu'elle a fourni, les 21 et 22 février durant son maintien en zone d'attente, les justificatifs de ce qu'elle détenait une assurance médicale et les ressources suffisantes requises par l'Espagne et la France pour la durée de son séjour dans chacun de ces deux pays, soit 120 euros par jour pour son séjour en France du 2 au 4 mars dans la mesure où elle n'a pas produit d'attestation d'accueil ou de réservation d'hôtel pour cette période. Le préfet de la Seine-Saint-Denis soutient toutefois que Mme B... ne justifiait pas de la réalité de l'objet de son séjour, compte tenu de l'impréparation manifeste de son voyage et des incohérences de son discours. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux d'audition, que Mme B...a affirmé de manière constante être venue dans le but de visiter la ville de Madrid, en citant un certain nombre de lieux en particulier, et n'avoir pas été alertée par l'agence de voyages sur le fait que l'escale à Roissy au retour ne durait pas seulement quelques heures comme celle de l'aller. La circonstance qu'elle n'avait pas prévu de logement pour la période du 2 au 4 mars 2018 à Paris ne saurait fonder, à lui seul, un doute quant à l'objet touristique de son séjour. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que Mme B...était démunie des documents et justificatifs nécessaires à une entrée régulière en France et pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 février 2018. Sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B.... Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 janvier 2019.
Le rapporteur,
A. LEGEAILa présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01824