Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 mai 2018 et 20 juin 2018, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801138 du 26 avril 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2018 du préfet de Seine-et-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle est à la charge de sa fille française et que le visa de long séjour n'est pas nécessaire ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.
1. MmeB..., ressortissante marocaine née en janvier 1945, a bénéficié de plusieurs visas de court séjour à entrées multiples lui permettant de rendre régulièrement visite à sa fille qui est installée en France depuis 2004 et a été naturalisée française le 22 mars 2013. Lors de l'une de ces visites, elle a, en avril 2016, demandé la délivrance d'un titre de séjour. Par arrêté du 19 janvier 2018, le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme B... fait régulièrement appel du jugement du 26 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française (...) ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) ".
3. Il ressort de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient Mme B..., la délivrance du titre de séjour " ascendant de français " à un étranger est conditionnée par la présentation d'un visa de long séjour. Il est constant que si, à la date de sa demande, Mme B... résidait régulièrement en France sous couvert d'un visa Schengen court séjour multi-entrées valable pour un séjour d'une durée maximale de 90 jours, elle ne détenait pas de visa long séjour, qui lui a été refusé notamment par une décision du consul général de France à Agadir du 4 août 2017. Dès lors, Mme B...ne remplissait pas, à la date de l'arrêté contesté, les conditions requises par le 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance de la carte de résident " ascendant à charge d'un ressortissant français ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. En second lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
5. Mme B...fait valoir que, divorcée en 1969, elle est dépourvue d'attaches familiales au Maroc depuis le décès de sa fille aînée le 9 janvier 2016, tandis que l'essentiel de ses liens personnels et familiaux se situent désormais en France où vivent sa fille cadette, son gendre et sa petite-fille, tous trois de nationalité française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'" attestation notariale de charge de famille " qui mentionnent des témoins ayant un lien de parenté avec l'intéressée, que MmeB..., n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu plus de 71 ans. En outre, hormis la production de relevés bancaires indiquant des transferts d'argent réguliers de la part de sa fille cadette depuis la fin de l'année 2016 à raison de 315 euros par virement, Mme B...ne fait pas état d'éléments permettant d'apprécier ses conditions d'existence. Enfin, l'appelante, qui n'a effectué que des séjours de courte durée en France, n'établit pas son insertion dans la société française. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, MmeB..., qui a fait récemment, ainsi que sa fille et la famille de celle-ci, de nombreux voyages entre la France et le Maroc, n'établit pas avoir en France, au regard des liens gardés avec son pays d'origine, des attaches privées et familiales telles que l'obligation de quitter le territoire français puisse être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels l'arrêté en litige a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que MmeB... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à ce qu'une somme représentative des frais exposés soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans le présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 janvier 2019.
Le rapporteur,
A. LEGEAILa présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01801