Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2015, le préfet de police demande à la Cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- Mme F...épouse D...étant mariée avec un ressortissant algérien titulaire d'un titre de séjours, son mari peut solliciter à son profit la procédure de regroupement familial ;
- si Mme F...épouse D...déclare être entrée en France le 11 mai 2011, elle ne justifie pas de cette date ni des conditions de son entrée sur le territoire, et ne démontre sa présence sur le territoire français qu'à compter de l'année 2012 ;
- si elle a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour délivrées en raison de son état de santé du 27 septembre 2012 au 16 mars 2014, cette circonstance ne lui confère pas de droit particulier au séjour en France, l'intéressée ayant vocation à retourner dans son pays d'origine dès que son état de santé le lui permet ;
- le médecin-chef de la préfecture a considéré, dans son avis du 29 août 2014, que si l'état de santé de Mme F...épouse D...nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- si Mme F...épouse D...s'est mariée le 27 avril 2012 à Paris avec un compatriote, titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'au 25 février 2020, leur communauté de vie n'est établie qu'à compter de l'année 2013 ;
- il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que les enfants de M. D...vivraient avec lui et non avec leur mère ;
- la scolarisation de la fille de Mme F...épouse D...n'est attestée que depuis le 12 mai 2014 ;
- Mme F...épouse D...a toujours déclaré être sans activité professionnelle, y compris lors que sa dernière présentation à la préfecture de police le 17 mars 2015 ; dès lors, le document de la SARL " Le Trigou bar " en date du 31 mars 2015 mentionnant que l'intéressée est nommée co-gérante de ladite société à compter du 1er avril 2015 pour une durée illimitée ne saurait démontrer une insertion professionnelle pérenne et significative ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2016, Mme F...épouseD..., représentée par Me Shebabo, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Polizzi,
- et les observations de Me Shebabo, avocate de MmeD....
1. Considérant que Mme F...épouseD..., ressortissante algérienne née le 26 janvier 1976, entrée sur le territoire français le 11 mai 2011 selon ses déclarations, a sollicité auprès de la préfecture de police le 17 mars 2015, son admission au séjour sur le fondement des stipulations des articles 6-5 et 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que par arrêté du 3 avril 2015, le préfet de police a rejeté sa demande et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 8 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a notamment annulé cet arrêté ;
Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que les premiers juges ont retenu que, compte tenu du mariage le 27 avril 2012 de Mme F...avec M.D..., titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'en 2020, de la présence de sa fille et des enfants de M. D...ainsi que des perspectives d'insertion professionnelle de Mme F...épouseD..., son arrêté, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme F...épouseD..., a méconnu les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, les pièces versées par l'intéressée ne sauraient attester d'un concubinage avec M. D... antérieurement à leur mariage ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les enfants, de nationalité française, de M. D...résideraient au domicile du couple et que celui-ci participerait à leur entretien et à leur éducation ; que M. D...n'est pas le père de l'enfant de MmeF... ; qu'il est sans emploi et ne saurait donc être regardé comme étant dans la capacité de subvenir aux besoins de l'intéressée ; que si Mme F...épouse D...produit un procès-verbal de délibération de l'assemblée générale de la SARL " Le Trigou Bar " situé 36 rue de Patay dans le 13ème arrondissement de Paris, du 31 mars 2015, lui cédant 50% des parts de cette société et en faisant d'elle la gérante, d'une part, ce document, antérieur de trois jours à la date de l'arrêté attaqué, ne saurait attester d'une insertion professionnelle durable antérieure de l'intéressée, d'autre part, celle-ci n'apporte aucune information complémentaire au sujet de cette société ni la raison pour laquelle un tel transfert a été effectué à son profit ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral du 3 avril 2015 comme méconnaissant les stipulations précitées ;
4. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme F...épouse D...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;
5. Considérant en premier lieu, que, par arrêté n° 2015-00163 du 16 février 2015, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 24 février suivant, le préfet de police a donné à M. A...B..., attaché principal d'administration de l'Etat, adjoint au chef du 9ème bureau de la direction de la police générale, délégation à effet de signer, tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que celui-ci a été pris par une autorité incompétente manque en fait ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté litigieux énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il s'ensuit qu'il répond aux exigences de motivation de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable ; que par ailleurs, il ressort des termes mêmes de cet arrêté que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée ;
7. Considérant, en troisième lieu, que si Mme F...soutient que le préfet de police ne justifie pas de l'existence de l'avis médical qu'il cite dans l'arrêté attaqué, ce moyen manque en fait dès lors que cet avis est versé au dossier ; qu'en outre, il mentionne l'identité de la personne qui en est l'auteur ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que si Mme F...soutient que le préfet de police a omis d'examiner sa demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces dispositions ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dès lors que leur situation est intégralement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien en ce qui concerne les demandes d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale ; que, dans ces circonstances, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national ;
9. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. " ;
10. Considérant que le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a, dans son avis émis le 29 août 2014, indiqué que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'une traitement approprié dans son pays d'origine ; que, contrairement à ce que soutient Mme F...épouseD..., la charge de la preuve de la disponibilité du traitement médical ne pèse pas uniquement sur l'administration, dès lors que s'applique en la matière le régime de la preuve objective ; que faute de produire des éléments contraires, les pièces versées au dossier ne sont pas de nature à infirmer les conclusions du médecin de la préfecture sur la disponibilité d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée ; que, par suite, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations précitées ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de Mme F... épouse D...ne pourrait pas vivre avec sa mère en Algérie où réside également son père ; que si Mlle G...est née en France en 2003, elle n'y est revenue avec sa mère qu'en 2011 ; qu'ainsi qu'il a été dit, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les enfants de M.D..., de nationalité française, résideraient avec leur père et l'intéressée ; que celle-ci n'atteste pas non plus contribuer à l'entretien et à l'éducation de ces derniers, pas plus que son époux ; que celui-ci est sans emploi et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; que, par suite, Mme F...épouse D...n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour aurait été pris en méconnaissance des stipulations précitées ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 avril 2015 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme D...tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1507325/6-3 du 8 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme F...épouse D...devant le Tribunal administratif de Paris et les conclusions qu'elle a présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...F...épouseD..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- MmeE..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 30 juin 2016.
Le rapporteur,
F. POLIZZILe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au la ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 15PA04158