Par une requête, enregistrée le 15 février 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 janvier 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Il soutient que :
- contrairement aux motifs du jugement attaqué, l'arrêté contesté n'a pas été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens invoqués en première instance par l'intéressé ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2016, M.C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation du jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dellevedove a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant égyptien, né le 26 janvier 1978, a déclaré être entré en France en dernier lieu en 2005 ; qu'il a été mis en possession d'autorisations provisoires de séjour, puis à compter du 11 mai 2007 d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, qui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 13 mars 2014 ; qu'il a sollicité, le 10 septembre 2014, le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par l'arrêté contesté du 28 août 2015, le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ; que le préfet de police fait appel du jugement du 20 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint à l'administration de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que M. C...soutient posséder le centre de ses attaches privées et familiales en France depuis son entrée sur le territoire, en dernier lieu en 2005, en faisant valoir la présence de deux frères, titulaires d'une carte de résident, et d'un troisième de nationalité française, ainsi que ses emplois réguliers en qualité de peintre en bâtiment depuis l'année 2006 ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charges de famille en France et qu'il ne saurait être regardé comme dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et le reste de sa fratrie ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, contrairement aux motifs du jugement attaqué, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté litigieux du 28 août 2015 ; que, toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral litigieux comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et que le préfet de police s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de M. C...; que, dès lors, contrairement à ce que soutient l'intéressé, l'arrêté contesté est suffisamment motivé et n'est entaché d'aucun défaut d'examen de sa situation personnelle ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 de ce même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou par un médecin praticien hospitalier visé au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique " ; qu'aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " Au vu des informations médicales qui lui sont communiquées par l'intéressé ou, à la demande de celui-ci, par tout autre médecin, et au vu de tout examen qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier mentionné à l'article 1 er établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution " ; qu'aux termes de l'article 6 de ce même arrêté : " A Paris, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier visé à l'article 1er adresse son rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin désigné par le préfet de police. Celui-ci émet l'avis comportant l'ensemble des précisions mentionnées à l'article 4 ci-dessus et le transmet au préfet de police " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que, dans le cas où le médecin chargé d'émettre un avis destiné au préfet auquel a été adressée une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade n'est pas à même de se prononcer sur l'état de santé du demandeur, faute d'avoir reçu, de la part du médecin agréé choisi par le demandeur, le rapport médical que celui-ci doit établir ou les pièces complémentaires à ce rapport qui lui ont été réclamées, il appartient au médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, au médecin chef du service médical de la préfecture de police d'en informer l'autorité préfectorale ; qu'il incombe alors à cette dernière de porter cet élément, qui fait obstacle à la poursuite de l'instruction de la demande de séjour, à la connaissance de l'étranger afin de le mettre à même soit d'obtenir du médecin agréé qu'il a choisi qu'il accomplisse les diligences nécessaires soit, le cas échéant, de choisir un autre médecin agréé ;
7. Considérant que M. C...soutient que l'arrêté litigieux est entaché d'un vice de procédure dans la mesure où le préfet ne pouvait statuer sur sa demande sans avoir recueilli au préalable l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, et a été pris en méconnaissance des conditions de fond du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier et il n'est pas contesté que, par une note du 28 mai 2015, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a informé le préfet de police de ce que M. C...n'avait pas remis le rapport médical exigé par les dispositions précitées ; que, par lettre recommandée du 10 février 2015, le préfet de police en a informé M.C..., lui a rappelé cette exigence réglementaire, lui a prescrit de lui communiquer ce rapport dans un délai de 15 jours et a précisé que, à défaut, il ne sera pas possible d'instruire sa demande et d'y donner suite et que, en conséquence, il sera réputé y renoncer ; que le pli contenant cette lettre a été présenté le 11 février 2015 au domicile de M. C...qui, bien qu'avisé de la mise en instance de ce pli, n'a pas cru devoir le réclamer ; qu'en se bornant à produire le certificat médical en date du 11 septembre 2015 par lequel le DrA..., praticien hospitalier, déclare avoir rédigé et expédié à la préfecture de police un certificat médical au nom de M. C...sans d'ailleurs en préciser la date et la teneur, l'intéressé n'établit pas avoir remis le rapport requis alors que le préfet doit être regardé, dans ces conditions, comme ayant mis l'intéressé a même d'accomplir les diligences nécessaires ; que, dès lors, le préfet de police a pu, à la date à laquelle il a statué, estimer devoir clôturer la procédure et rejeter cette demande sans entacher son arrêté d'aucun vice de procédure, ni d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation au regard des dispositions susmentionnées ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ; qu'il appartient à l'étranger qui entend se prévaloir des dispositions précitées en raison de la pathologie dont il souffre de fournir au juge, qui se prononce au vu des pièces du dossier, les éléments relatifs à la nature et à la gravité de l'affection en cause, afin de lui permettre de déterminer si cette affection conduit à estimer qu'il remplit les conditions définies par lesdites dispositions à la date de la décision querellée ;
9. Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier que M. C...est atteint d'une hépatopathie chronique sévère au stade de la cirrhose, liée à une bilharziose contractée dans l'enfance, qui nécessite une prise en charge médicale en milieu hospitalier comportant des consultations régulières avec bilan biologique et qu'il est suivi par le service d'hépato-gastro-entérologie du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, les certificats médicaux qu'il produit sont insuffisamment circonstanciés et ne suffisent pas à établir qu'il ne pourrait pas disposer effectivement d'une prise en charge appropriée dans son pays d'origine, nonobstant l'existence de structures spécialisées en hépatologie et gastro-entérologie sur l'ensemble du territoire égyptien, ainsi que l'établit le préfet de police ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce mentionnées notamment aux points 3 et 9 ci-dessus, l'arrêté contesté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.C... ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
12. Considérant que si M. C...soutient que, compte tenu de son état de santé, un éloignement vers son pays d'origine aurait pour effet de l'exposer à des risques réels et d'une exceptionnelle gravité, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 9 ci-dessus que l'intéressé n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée à sa maladie en Égypte ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à obtenir l'annulation du jugement susvisé du 20 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté litigieux du 28 août 2015 et le rejet de la demande présentée par M. C...; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. C...aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 20 janvier 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris, ses conclusions d'appel aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...C.... Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- M. Privesse, premier conseiller,
- M. Dellevedove, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2016.
Le rapporteur,
E. DELLEVEDOVELe président,
B. EVEN
Le greffier,
A-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00659