Procédure contentieuse devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 avril 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 11 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- contrairement aux motifs du jugement attaqué, l'arrêté contesté n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions combinées des articles R. 723-2 et R. 213-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée au préalable à l'intéressée en français, assortie en outre d'un document indiquant le sens de la décision traduit en lingala, langue qu'elle comprend ;
- les autres moyens invoqués en première instance par l'intéressée ne sont pas fondés.
Une mise en demeure a été adressée le 23 mai 2016 à Mme A..., laquelle n'a produit aucun mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dellevedove a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 1er août 1993, a déclaré être entrée en France le 15 mai 2013 ; qu'elle a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié et la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 314-11.8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 février 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 9 décembre 2014 ; que, par l'arrêté contesté du 23 février 2015, le préfet de police a refusé de délivrer à Mme A... le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ; que le préfet de police fait appel du jugement du 11 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés ou apatrides ou, si recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 733-32 de ce même code : " Le secrétaire général de la Cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3 (...). " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 213-3 de ce même code : " L'étranger est informé du caractère positif ou négatif de cette décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il l'a comprend (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire français jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'OFPRA ou, si un recours a été formé devant elle, par la CNDA ; qu'en l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour, ni lui opposer un refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de réfugié, ni mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3. Considérant qu'il ressort des mentions de l'avis de réception, produit pour la première fois en appel par le préfet de police, que la décision de la CNDA du 9 décembre 2014 a été régulièrement notifiée à Mme A..., le 30 décembre 2014, ainsi que l'atteste la signature portée sur l'accusé de réception ; que l'intéressée, qui ne conteste pas avoir reçu cette décision en français et qui est ressortissante d'un pays francophone où elle a été scolarisée jusqu'en classe de cinquième, en sorte que sa connaissance du français était suffisante pour en comprendre le sens, ne saurait utilement soutenir que la notification de cette décision aurait été irrégulière au motif qu'elle ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'elle comprend, alors même qu'elle a indiqué parler le lingala dans son formulaire de demande d'asile et qu'elle a été entendue dans cette langue lors de son entretien tenu à l'OFPRA le 24 février 2014 ; qu'en outre, le préfet de police produit un document intitulé " la Cour nationale du droit d'asile a décidé de rejeter votre recours ", traduit en plusieurs langues, dont le lingala, qui accompagne systématiquement la notification des décisions de rejet informant les intéressés du sens de la décision les concernant et dont il n'est pas établi qu'il n'aurait pas été adressé à Mme A... ; que, dès lors, l'intéressée ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français en sa qualité de demandeur d'asile à la date de l'arrêté contesté du 23 février 2015, lequel n'est entaché à cet égard d'aucune illégalité au regard des dispositions précitées ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions précitées pour annuler l'arrêté litigieux du 23 février 2015 ; que, toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
6. Considérant que Mme A... soutient avoir reconstruit sa vie privée en France depuis son entrée sur le territoire en mai 2013 ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'elle est célibataire et qu'elle ne saurait être regardée comme dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment son enfant âgé de trois ans ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces mêmes circonstances ne sont pas de nature à faire regarder l'arrêté contesté comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
8. Considérant que Mme A... fait valoir qu'elle risque d'être soumise à des menaces pour sa vie contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Congo en raison de ce qu'elle aurait été accusée de complicité avec les rebelles de l'armée de résistance populaire, mouvement d'opposition dont son père aurait été un partisan, et qu'elle aurait déjà été arrêtée, maltraitée et violée par les forces de police lors de son arrestation ; que, toutefois, l'intéressée, qui a vu sa demande d'admission au statut de réfugié rejetée, ainsi qu'il a été dit au point 1, n'apporte, au soutien de ses allégations relatives aux risques que comporterait pour elle un retour dans son pays d'origine aucun élément probant permettant d'établir la réalité de tels risques auxquels elle serait personnellement exposée et qui seraient susceptibles de faire obstacle à sa reconduite à destination de ce pays ; que, dans ces conditions, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;
9. Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté contesté, en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour n'est entaché d'aucune illégalité ; que, dès lors, le moyen tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour présenté à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire ne peut qu'être rejeté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à obtenir l'annulation du jugement susvisé du 11 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté litigieux du 23 février 2015 et le rejet de la demande présentée par Mme A... ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 11 mars 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A.... Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- M. Privesse, premier conseiller,
- M. Dellevedove, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2016.
Le rapporteur,
E. DELLEVEDOVELe président,
B. EVENLe greffier,
A-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01307