Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2015, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1402943/5-3 du 10 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- M. A...ne remplissant pas l'une des conditions légales pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il aurait pris la même décision s'il s'était fondé, pour refuser ledit titre de séjour, sur l'absence de justification de la nationalité française de son enfant ;
- il est demandé à la Cour de procéder à une substitution de motifs laquelle ne prive pas M. A... d'une garantie de procédure ;
- en tout état de cause, M. A...ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;
- l'arrêté litigieux est motivé en droit et en fait ;
- cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- cet arrêté ne méconnaît pas davantage les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2015, ainsi que des pièces, enregistrées le 27 novembre 2015 et le 9 février 2016, ces dernières n'ayant pas été communiquées, M.B..., représenté par Me Chevrier, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi par lui résultant de l'absence de titre de séjour depuis le mois de janvier 2014 ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de saisir pour avis la commission du titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me Chevrier, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par M. A...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi en ce qu'elles soulèvent un litige distinct de celui de l'appel du préfet de police.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- et les observations de Me Chevrier, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant marocain entré en France le 28 avril 2012 selon ses déclarations, a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de français. Son épouse ayant introduit une requête en divorce le 13 avril 2012, M. A... a, au cours de sa demande de renouvellement de titre de séjour " vie privée et familiale ", sollicité son changement de statut, se prévalant de sa qualité de parent d'un enfant français né le 10 août 2011 et fondant sa demande sur les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 janvier 2014, le préfet de police a rejeté sa demande. Le préfet de police fait appel du jugement du 10 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 janvier 2014.
Sur les conclusions indemnitaires présentées par M.A... :
2. Les conclusions, enregistrées après l'expiration du délai d'appel, par lesquelles M. A... demande à la Cour de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation d'un préjudice subi du fait de la non-délivrance d'un titre de séjour depuis le mois de janvier 2014, doivent être regardées comme un appel incident. Ces conclusions soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel du préfet de police et ne sont, par suite, pas recevables.
Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] ; / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. / [...] ".
4. D'une part, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier si l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
5. Les premiers juges ont annulé l'arrêté en litige au motif que le préfet de police avait commis une erreur de fait en rejetant la demande de titre de séjour " vie privée et familiale " présentée par M. A...au motif qu'il ne justifiait pas qu'il participait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Si le préfet demande que soit substitué à ce motif un motif fondé sur le défaut de justification de la nationalité française de sa fille par M.A..., il ressort des termes de l'arrêté qu'il ne conteste pas sérieusement que celle-ci, née sur le territoire français d'une mère de nationalité française, est française.
6. D'autre part, il n'est pas contesté que M. A...se présentait régulièrement au centre de médiation pour voir sa fille mineure dans le cadre des visites qui lui ont été accordées, nonobstant la distance géographique séparant son domicile de ce centre, et versait la contribution de cent euros par mois fixée par le juge aux affaires familiales dans l'ordonnance de non-conciliation du 26 novembre 2012. En outre, il établit, par la production en première instance de tickets de caisse mentionnant son nom, qu'il a effectué de nombreux achats pour sa fille. Dans ces conditions, et alors qu'il est établi que la mère de sa fille refuse tout contact avec lui, M. A...justifie de sa participation effective à l'entretien et à l'éducation de cette dernière dans les conditions fixées par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si la Cour d'appel d'Angers a, par un arrêt du 18 octobre 2012, confirmé un jugement du
27 janvier 2012 du Tribunal de grande instance d'Angers condamnant l'intéressé à une peine de huit mois de prison avec sursis assortis d'une mise à l'épreuve de deux ans, elle a infirmé le jugement retenant la culpabilité du prévenu du chef de violences par ascendant sur la personne de sa fille. Dans les circonstances de l'espèce, M. A...est fondé à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du
30 janvier 2014. Le présent arrêt, eu égard au motif d'annulation, n'implique pas qu'il soit fait droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par M.A....
8. M. A...n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau de l'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 25 septembre 2015. Dans ces conditions, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du juillet 1991. Il y a lieu toutefois de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative invoqué par M.A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M.A..., la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions indemnitaires et à fin d'injonction présentées par M. A...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de police, à M. B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2016.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA00690