Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2018, et des pièces complémentaires, enregistrées le 27 avril 2018, Mme C...D..., représentée par Me Aklé, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler l'arrêté attaqué ;
3° à titre principal, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme D...soutient que :
Sur la légalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :
- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est illégale, dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet du Val-d'Oise a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Méry a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante congolaise (République Démocratique du Congo), née le 30 juillet 1949, entrée en France le 5 janvier 2003, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 18 octobre 2016, dans le cadre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 mars 2017, le préfet du Val-d'Oise a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.
Mme D...relève appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la compétence de l'auteur de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Par un arrêté n° 16-067 du 20 juin 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'État dans le Val-d'Oise le même jour, le préfet du Val-d'Oise a donné délégation à Mme A...B..., attachée principale, chef du service de l'immigration et de l'intégration, signataire des décisions contestées, à l'effet de signer, notamment, les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées manque en fait et doit être écarté.
Sur la motivation de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour et de la décision fixant le pays de destination :
3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, auquel sont désormais codifiées les dispositions de l'article 1 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui [...] restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code, auquel sont désormais codifiées les dispositions de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. D'une part, la décision de refus de renouvellement de titre de séjour attaquée vise les articles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application. Elle mentionne que Mme D...est entrée en France le 5 janvier 2003 et qu'elle a demandé le renouvellement de son titre de séjour le 18 octobre 2016, dans le cadre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise que la situation de l'intéressée ne répond pas aux conditions d'admission prévues par ces dispositions et se fonde sur l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé du 30 décembre 2016, selon lequel l'état de santé de Mme D...nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner pour elle de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et selon lequel il existe un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, et affirmant, en outre, que l'intéressée peut voyager sans risque. La décision de refus de renouvellement de titre de séjour attaquée est, à titre subsidiaire, prise au motif qu'elle ne méconnaît pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, 7°, l'intéressée étant célibataire, sans charge de famille en France et n'établissant pas qu'elle est dépourvue d'attache familiale dans son pays d'origine. Ainsi, la décision de refus de renouvellement de titre de séjour comporte la mention des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est suffisamment motivée au regard des exigences posées par les dispositions citées au point précédent. D'autre part, l'arrêté attaqué vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit que l'obligation de quitter le territoire français indique le pays à destination duquel l'étranger concerné doit être renvoyé. Il vise également les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que la décision opposée à l'intéressée ne contrevient pas aux stipulations de ceux-ci. Par suite, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée. En conséquence, le moyen tiré d'un défaut de motivation soutenu à l'encontre de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour et de la décision fixant le pays de destination ne peut être accueilli.
Sur la légalité interne des décisions attaquées :
En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...]11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ".
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'Agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Il ressort des pièces du dossier que le médecin de l'Agence régionale de santé, dans son avis du 30 décembre 2016, a déclaré que l'état de santé de Mme D...nécessite un traitement médical, dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les deux certificats médicaux produits par Mme D...ne remettent pas en cause les termes de cet avis médical. L'un de ces certificats, en date du 21 novembre 2016, antérieur à la décision attaquée, établi par un praticien hospitalier, indique que la requérante a besoin d'une surveillance semestrielle, biologique et échographique. Le second de ces documents, en date du 14 avril 2017, dont l'auteur est chef de service dans un établissement public de santé, fait mention de la nécessité, pour, Mme D...de prendre le traitement antiviral disponible en France. Aucun de ces deux certificats ne précise les conséquences d'une absence de traitement pour l'intéressée, dont la nécessité est soulignée seulement par un certificat postérieur à la décision de refus de renouvellement de titre de séjour attaquée, aux termes peu circonstanciés. En conséquence, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de renouvellement de titre de séjour qui lui est opposée a été prise en méconnaissance des dispositions 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...est entrée sur le territoire français alors qu'elle était âgée de 53 ans. Nonobstant la durée de séjour en France de l'intéressée, celle-ci n'apporte pas la preuve d'une insertion sociale sur le territoire national. Elle ne conteste pas qu'elle est célibataire et sans charge de famille et se prévaut de la seule présence en France de sa soeur, MmeE..., titulaire d'une carte de résident, sans apporter au demeurant la preuve du lien de parenté avec cette dernière, dont elle n'a pas déclaré la présence sur le territoire français lors de sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'intéressée ayant alors indiqué qu'elle avait un frère en France. Par ailleurs, la requérante a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, et si ses parents sont décédés, ainsi qu'elle le soutient, il n'apparaît pas qu'elle y serait isolée en cas de retour dans ce pays. Ainsi, et compte tenu également de ce qui a été dit au point 7, Mme D...n'apporte pas la preuve que la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France, par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ne peut, par suite, être accueilli. Il en est de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli.
11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 du présent arrêt, le préfet du Val-d'Oise n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...D...est rejetée.
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N° 18VE01416