Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2018, sous le n° 18VE02322, le PREFET DES YVELINES demande à la Cour d'annuler ce jugement du 31 mai 2018.
Le PREFET DES YVELINES soutient que :
- M. C...n'établit pas sa présence habituelle et continue en France depuis dix ans ;
- il ne peut se prévaloir de l'ancienneté de son séjour en France dès lors qu'il a fait l'objet de mesures d'éloignement auxquelles il s'est volontairement soustrait ;
- l'arrêté ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dibie a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par les requêtes enregistrées sous les n° 18VE02322 et 18VE02372, le
PREFET DES YVELINES demande l'annulation et le sursis à exécution du même jugement. Par une ordonnance, enregistrée sous le n° 18VE03478, le président de la Cour administrative d'appel de Versailles a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'entière exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un même arrêt.
2. M.C..., ressortissant algérien né le 30 décembre 1963 à Shoba (Algérie), a sollicité auprès du PREFET DES YVELINES son admission au séjour sur le fondement des l'article 7 b) et 6-1° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté en date du 20 décembre 2017 dont M. C...a demandé l'annulation devant le Tribunal administratif de Versailles, le PREFET DES YVELINES a rejeté cette demande au motif notamment qu'il ne pouvait se prévaloir de l'ancienneté de son séjour en France dès lors qu'il avait fait l'objet de plusieurs refus de délivrance de titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français en 2008, 2012 et 2015 auxquelles il s'était volontairement soustrait, et que l'ensemble des périodes sans preuve de présence équivalait à plus de quatre ans. Par un jugement en date du 31 mai 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté sur le fondement de la violation du 1° de l'article 6 de l'accord franco algérien précité.
Sur la fin de non recevoir opposée par M. C...dans l'instance n° 18VE02322 :
3. Par arrêté du 23 avril 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture des Yvelines, le préfet des Yvelines a donné délégation à
Mme B...A..., attachée d'administration, chef du bureau de l'éloignement et du contentieux pour signer tous les actes dans la limite des attributions de ce bureau et à
M. Paulo Edouard, secrétaire administratif de classe normale de l'intérieur et de l'outre-mer à la section contentieux, en cas d'absence ou d'empêchement de MmeA.... La mention
" E. Paulo " figurant sur la requête permet, contrairement à ce que soutient le requérant, d'identifier sans ambiguïté son signataire. Le requérant n'établit pas que Mme A...n'a pas été absente ou empêchée. Il s'ensuit que la fin de non recevoir opposée par M. C...doit être rejetée.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1°/ au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
5. Pour refuser la délivrance d'un certificat de résidence algérien à M. C...sur le fondement des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le
PREFET DES YVELINES s'est fondé sur la circonstance que " l'intéressé n'est pas en mesure de justifier [sa présence en France] sa présence en France de fin mars à août 2008, de fin mars à août 2009, d'août 2010 à avril 2011, de fin mai à octobre 2012, de janvier à août 2013, d'avril à décembre 2014 et de juin 2015 à juin 2016 ", que " l'ensemble de ces périodes sans preuve de présence équivaut à plus de quatre ans ", de sorte que l'intéressé n'est pas en mesure de justifier d'une manière probante le caractère ancien et habituel de sa résidence en France depuis plus de dix ans.
6. L'intéressé a produit devant les premiers juges plusieurs pièces au titre des années en litige, en particulier des ordonnances médicales, des résultats d'analyses médicales, des tickets de caisse et factures de transport, des relevés de prestations de la caisse primaire d'assurance maladie, des documents relatifs à l'aide médicale d'Etat et à la couverture maladie universelle, ainsi que des relevés de compte bancaire et des déclarations de revenus et avis d'imposition.
7. Toutefois, pour l'année 2013, le requérant se borne à produire une ordonnance médicale, une attestation de la préfecture des Yvelines de dépôt d'une demande de titre de séjour et des relevés de banque faisant état de retraits d'argent. En outre, la production de l'avis d'impôt 2013 et de l'avis d'impôt 2014 sur les revenus de l'année 2013 faisant apparaître un montant nul d'impôt ainsi que le mouvement bancaire d'intérêts créditeurs, ne sont pas des pièces de nature à établir la présence en France de l'intéressé.
8. Pour l'année 2014, M. C...se borne à produire trois ordonnances médicales, une nouvelle attestation de la préfecture des Yvelines de dépôt d'une demande de titre de séjour, une demande de changement de bureau de gestion de la banque postale et des relevés de banque faisant état de retraits d'argent. En outre, la production de l'avis d'impôt 2014 et de l'avis d'impôt 2015 sur les revenus de l'année 2014 faisant apparaître un montant nul d'impôt, ainsi que de deux lettres du Syndicat des transports d'Ile de France relatives aux droits à la solidarité transport, ne sont pas des pièces de nature à établir la présence en France de l'intéressé.
9. Pour l'année 2015, M. C...se borne à produire trois ordonnances médicales, une nouvelle demande de changement de bureau de gestion de la banque postale et des relevés de banque faisant état de retraits et de versement d'argent par carte. En outre, la production de l'avis d'impôt 2015, d'une attestation d'hébergement, d'un relevé bancaire faisant état de versement d'espèces, d'une attestation d'affiliation à la Couverture maladie universelle non datée, et d'une lettre d'information de la Caisse primaire d'assurance maladie, ne sont pas des pièces de nature à établir la présence en France de l'intéressé.
10. Ainsi, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les pièces produites au titre des années 2013, 2014 et 2015, ne permettent pas d'établir la continuité du séjour de
M. C...pendant plus de dix ans, à la date de l'arrêté du 20 décembre 2017. Il s'ensuit que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations du 1°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien pour annuler l'arrêté du
20 décembre 2017.
11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le Tribunal administratif de Versailles.
Sur la légalité de l'arrêté du 20 décembre 2017 :
12. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.(....) ".
13. Si M. C...soutient qu'il est francophone, qu'il peut faire état de nombreuses attaches personnelles et familiales en France notamment son père qui serait titulaire d'une carte de résident, et qu'il peut justifier d'une présence ininterrompue en France depuis douze ans, il n'établit ni la continuité de sa présence en France pendant plus de dix ans, ainsi qu'il a été dit aux points 6 à 10, ni la présence en France de son père ou d'autre membres de sa famille, ni de l'intensité de sa vie privée dans la société française. Au contraire, il ressort des pièces du dossier que M. C...a vécu en Algérie au moins jusqu'à l'âge de 43 ans et qu'il est marié et père de six enfants qui résident toujours avec leur mère en Algérie. Ainsi, compte tenu des attaches personnelles et familiales du requérant dans son pays d'origine et de ses conditions du séjour en France, M. C... n'établit pas qu'en refusant de l'admettre au séjour et en l'obligeant à quitter le territoire national dans un délai de trente jours, le PREFET DES YVELINES aurait porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris l'arrêté contesté. Par suite, l'arrêté préfectoral en litige n'a pas méconnu le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français attaqués seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation doit, pour les mêmes motifs, être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour attaqué n'est pas entaché d'excès de pouvoir. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, soulevé par la voie de l'exception à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 20 juin 2017. Par suite, les conclusions présentées par M. C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur la demande de sursis à exécution du jugement en litige:
16. Le présent arrêt statuant au fond, il n'y a plus lieu de se prononcer sur les conclusions du PREFET DES YVELINES tendant au sursis à exécution du jugement attaqué présentées dans la requête n° 18VE02322.
Sur la demande d'exécution du jugement en litige :
17. Le présent arrêt annulant le jugement en date du 31 mai 2018 du Tribunal administratif de Versailles annulant lui-même l'arrêté en date du 20 décembre 2017 du
PREFET DES YVELINES, enjoignant au PREFET DES YVELINES de délivrer à M. C...un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas, et mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions de M. C...tendant à ce que la Cour prescrive les mesures d'exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 31 mai 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Versailles par M. C... et ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18VE02372 du PREFET DES YVELINES.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C...tendant, sous le
n° 18VE03478, à l'exécution du jugement en date du 31 mai 2017 du Tribunal administratif de Versailles.
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N°18VE02322 - 18VE02372 - 18VE03478