Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2015, la SARL EST WAYS, représentée par Me Krief, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL EST WAYS soutient que :
- elle a justifié de la réalité des prestations de services effectuées par son sous-traitant, la société Bargware Premium limited, à hauteur de la somme de 322 131 euros facturée par cette dernière au titre des prestations rendues en 2007 ; l'administration a d'ailleurs abandonné le rappel fondé sur l'absence de justification de la réalité des prestations de transport vers la Russie par ailleurs facturées par le même sous-traitant, et doit être ainsi regardée comme ayant reconnu que celui-ci disposait des moyens matériels et humains nécessaires pour rendre les prestations litigieuses, annexes à ces transports ; l'administration ne se fonde que sur la présomption de l'article 238 A du code général des impôts, qui ne peut jouer dès lors que la réalité des prestations est établie, et n'apporte aucun élément tangible pour dénier l'existence des prestations, alors que, pour sa part, elle produit des pièces probantes ;
- l'administration, qui se borne à de simples affirmations sur le régime fiscal chypriote, et n'a pas eu recours à l'article 28 de la convention fiscale franco-chypriote prévoyant des échanges de renseignements, n'établit pas que le bénéficiaire des paiements des prestations, encaissés sur un compte bancaire à Chypre, est effectivement soumis à un régime fiscal privilégié, ni, par conséquent, que le rappel se fonde à bon droit sur les dispositions de l'article 238 A du code général des impôts.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bergeret,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL EST WAYS, qui exerce une activité d'organisateur de transports internationaux principalement vers la Russie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle s'est vu notifier un rehaussement en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2007 à la suite de la réintégration des charges correspondant à des prestations de service facturées par la société de droit britannique Bargware Premium limited à hauteur de 322 191 euros sur cet exercice ; que la SARL EST WAYS relève régulièrement appel du jugement du 5 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt sur les sociétés, outre intérêts de retard, mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2007 ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 238 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en Franceà des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent également à tout versement effectué sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un des Etats ou territoires visés au même alinéa " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle s'en prévaut pour contester la déduction de rémunérations, l'administration doit justifier soit que le bénéficiaire de ces rémunérations est soumis hors de France à un régime fiscal privilégié par comparaison avec celui auquel il serait soumis s'il les percevait en France, soit que ces rémunérations ont été versées sur un compte bancaire ouvert dans un Etat à régime fiscal privilégié ; qu'il incombe, ensuite, au contribuable, de démontrer que ces rémunérations correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ;
4. Considérant, d'une part, que si la SARL EST WAYS soutient que l'administration affirme, sans le démontrer, que le sous-traitant, société britannique domiciliée..., elle ne conteste aucunement que l'Etat chypriote, dont l'administration indique que le taux de l'impôt sur les sociétés n'était que de 10 % sur l'année considérée, répondait à la qualification d'Etat à fiscalité privilégiée au sens des dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts ; que, par suite, dans ces conditions, l'administration, qui n'était pas tenue de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 28 de la convention fiscale bilatérale, doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que les conditions d'application de ce texte et notamment de son troisième alinéa sont réunies en l'espèce, et qu'en conséquence, il incombe à la SARL EST WAYS d'apporter la preuve que les dépenses en litige correspondent à des opérations réelles et, le cas échéant, qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ;
5. Considérant, d'autre part, qu'en se bornant à produire la convention la liant à la société Bargware Premium limited ainsi qu'un tableau récapitulatif des sommes payées au titre du fret et des sommes récupérées auprès des clients russes, et en donnant des informations générales sur le contexte de son activité la liant avec son sous-traitant, alors que, pour sa part, l'administration établit que la société Bargware Premium limited était déclarée comme une société dormante auprès des autorités anglaises, qu'elle ne disposait pas de moyens humains et matériels et n'avait pas de numéro d'identification pour la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire, la SARL EST WAYS, qui n'apporte aucune pièce probante portant sur les prestations qui auraient été concrètement réalisées par son sous-traitant, n'établit pas que ce sous-traitant aurait effectivement réalisé tout ou partie des prestations qu'il lui a facturées au titre de l'année 2007 à hauteur de la somme précitée de 322 191 euros ; que, par suite, l'administration était fondée à rapporter cette somme au bénéfice imposable de la SARL EST WAYS, sur le fondement des dispositions précitées du premier et du troisième alinéa de l'article 238 A du code général des impôts ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la SARL EST WAYS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que la SARL EST WAYS demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL EST WAYS est rejetée.
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N° 15VE03574