Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2015, le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision du 9 avril 2015 rejetant le recours hiérarchique de MmeC..., lui a enjoint de réexaminer sa demande dans le délai de trois mois et mis à la charge de l'Etat le versement à l'intéressée de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2° de rejeter les conclusions à fin d'annulation de cette décision, à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la demande présentée par Mme Pereira devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- eu égard à la situation personnelle et familiale de MmeC..., notamment à la durée de son séjour en France, aux attaches familiales dont elle peut se prévaloir sur le territoire français, alors que l'intéressée, née en 1945, a vécu jusqu'en 2011 dans son pays d'origine, et à son état de santé, qui ne fait pas obstacle à son éloignement, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la décision en litige avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à supposer que Mme Pereiraait entendu les soulever en première instance, les autres moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 313-11 (7°), L. 313-14 et L. 314-11 (2°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. d'Haëm a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante capverdienne née en 1945 et entrée en France le 9 mai 2011 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, a sollicité, le 18 octobre 2012, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 (7°), L. 313-14 et L. 314-11 (2°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 10 décembre 2014, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; que le recours hiérarchique formé par Mme Pereiracontre cet arrêté a été rejeté par une décision du 9 avril 2015 ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR relève appel du jugement du 29 octobre 2015 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a annulé sa décision du 9 avril 2015 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision en litige en date du 9 avril 2015, Mme Pereiraa fait valoir, d'une part, qu'elle vivait seule au Cap-Vert, depuis le décès de son époux le 7 avril 1995, ses six enfants et ses petits-enfants séjournant en France, d'autre part, qu'elle est entrée sur le territoire français, le 9 mai 2011, en vue d'un court séjour, mais que son état de santé s'est dégradé, des investigations médicales, effectuées au mois de septembre 2014, ayant mis en évidence une formation tumorale au cerveau, et qu'en raison de sa pathologie, elle ne peut plus vivre seule, ses enfants la prenant en charge à tour de rôle ;
4. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., qui est entrée en France en 2011 et qui a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans, dont plus de seize années après le décès de son époux, éloignée de ses enfants, n'établit pas qu'elle y serait dépourvue de toute attache privée et familiale ; que, par ailleurs, si l'un des fils de l'intéressée est de nationalité française et trois de ses filles sont titulaires d'une carte de résident, son fils Joao Baptista, né en 1970, séjourne sur le territoire de façon irrégulière et sa fille Maria de Lourdes n'est titulaire que d'un récépissé de demande de carte de séjour ; qu'enfin, MmeC..., qui s'est maintenue irrégulièrement au-delà de la durée de validité de son visa, n'établit pas, par les quelques pièces qu'elle produit, notamment deux certificats médicaux établis les 22 octobre 2014 et 21 janvier 2015 par un neurochirurgien, qui ne font état que d'une tumeur bénigne, sans indication chirurgicale d'urgence, ainsi que de la nécessité d'un suivi régulier, et un certificat établi le 5 février 2015 par un médecin généraliste, non circonstancié, que sa présence en France, auprès de ses enfants, revêtirait pour elle un caractère indispensable, ni qu'elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'une prise en charge médicale ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de son séjour en France, du fait qu'il n'est pas démontré qu'elle soit dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu de nombreuses années, ni qu'elle ne pourrait y bénéficier d'un suivi médical adapté à sa pathologie, la décision en litige en date du 9 avril 2015 rejetant le recours hiérarchique formé par Mme Pereiracontre l'arrêté préfectoral en date du 10 décembre 2014 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a pas ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le
MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de cet article pour annuler sa décision du 9 avril 2015 ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Pereiradevant le tribunal administratif ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'à supposer qu'en citant leurs dispositions, Mme Pereira ait entendu se prévaloir des articles L. 313-13 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision en litige ne peut être regardée, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, comme ayant été prise en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ou comme étant entachée d'une erreur manifeste qu'aurait commise l'autorité ministérielle dans son appréciation de la situation de l'intéressée au regard des dispositions l'article L. 313-14 ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...). " ;
8. Considérant, d'une part, que Mme Pereirane justifie pas être en possession d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, ni, d'ailleurs, de la régularité de son séjour sur le territoire ; que, d'autre part, elle ne justifie pas davantage être à la charge de son fils, de nationalité française, alors qu'elle indique, dans ses écritures, être prise en charge par ses enfants à tour de rôle ; que, par suite, le moyen, à le supposer soulevé, tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé sa décision du 9 avril 2015 rejetant le recours hiérarchique de MmeC..., lui a enjoint de réexaminer sa demande dans le délai de trois mois et mis à la charge de l'État le versement à l'intéressée de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1505041 en date du 29 octobre 2015 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.
Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation de la décision du MINISTRE DE L'INTERIEUR en date du 9 avril 2015, à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la demande présentée par Mme Pereiradevant le Tribunal administratif de Montreuil sont rejetées.
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N° 15VE03655