Résumé de la décision
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation du procureur de la République de Lyon contre un jugement rendu le 7 mai 1954, qui avait relaxé Renée Cotte, prévenue d'une infraction à l'arrêté préfectoral du 21 octobre 1953. Cet arrêté interdisait aux prostituées de stationner ou de se livrer à des allées et venues aux abords de certaines installations militaires dans le département du Rhône. La Cour a confirmé que cet arrêté était illégal en raison de sa nature prohibitive excessive, portant atteinte à la liberté individuelle.
Arguments pertinents
1. Illégalité de l'arrêté préfectoral : La Cour a statué que l'arrêté du préfet du Rhône était dépourvu de légalité, ce qui a conduit à la relaxe de Cotte. Le jugement a souligné que seul le législateur a le pouvoir de restreindre les libertés individuelles, et que l'arrêté en question instaurait une prohibition quasi générale pour une catégorie de citoyens, ce qui est illégal.
> "Le jugement attaqué, statuant sur appel d'un jugement du Tribunal de simple police de Lyon... énonce que, ledit arrêté, étant dépourvu de légalité, ne peut servir de base au jugement de condamnations dont est appel."
2. Liberté d'aller et venir : La Cour a affirmé que la liberté d'aller et venir est un aspect fondamental de la liberté individuelle, et que l'arrêté en question violait ce principe en interdisant quasi totalement la circulation sur la voie publique pour une catégorie de personnes.
> "La liberté d'aller et venir à son gré est un des aspects de la liberté individuelle et se confond avec la liberté de circuler sur la voie publique."
3. Dépassement des pouvoirs de police : La décision a également précisé que l'arrêté dépassait les limites des pouvoirs de police conférés au préfet par la loi du 5 avril 1884, en raison de sa prohibition générale et excessive.
> "L'arrêté du préfet du Rhône... qui aboutit à l'interdiction, d'une manière quasi absolue, de la circulation sur la voie publique d'une catégorie de personnes déterminées, dépasse, en effet, la limite des pouvoirs de police."
Interprétations et citations légales
1. Article 97 de la loi du 5 avril 1884 : Cet article confère au préfet des pouvoirs de police, mais la Cour a interprété que ces pouvoirs ne peuvent pas être utilisés pour instaurer des interdictions générales qui portent atteinte aux libertés publiques.
> "L'arrêté... dépasse, en effet, la limite des pouvoirs de police que le préfet tient de l'article 97 de la loi du 5 avril 1884."
2. Article 471, paragraphe 15 du Code pénal : Cet article prévoit des sanctions pour les infractions à la réglementation de police. La Cour a conclu que, puisque l'arrêté était illégal, il ne pouvait pas être utilisé comme base pour des sanctions pénales.
> "N'ayant pas été légalement pris, il ne saurait être sanctionné par l'article 471 paragraphe 15 du Code pénal."
En conclusion, la décision de la Cour de cassation repose sur une interprétation rigoureuse des libertés individuelles et des limites des pouvoirs de police, affirmant ainsi le principe selon lequel les restrictions aux libertés doivent être légalement justifiées et proportionnées.