Résumé de la décision
La Cour de cassation a été saisie d'un pourvoi du Procureur général près la Cour d'appel de Paris contre un arrêt de cette même cour, daté du 20 juin 1962. Cet arrêt avait confirmé un jugement du Tribunal correctionnel de la Seine qui s'était déclaré compétent pour connaître d'une poursuite pour diffamation publique intentée contre Roger X..., ministre de l'Intérieur, par le Y... de Z.... La Cour de cassation a cassé l'arrêt en ce qu'il avait déclaré recevable la citation en diffamation, estimant que les poursuites pénales contre un ministre dans l'exercice de ses fonctions ne pouvaient être engagées que devant la Haute Cour de Justice, conformément aux dispositions de la Constitution.
Arguments pertinents
1. Responsabilité pénale des membres du gouvernement : La décision souligne que, selon l'article 68 de la Constitution du 4 octobre 1958, les membres du gouvernement sont pénalement responsables des crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions, et qu'ils ne peuvent être poursuivis que devant la Haute Cour de Justice. La Cour a affirmé que "ces dispositions qui excluent, pour le ministère public et les particuliers, la possibilité de mettre en mouvement l'action publique et d'en saisir les juridictions répressives de droit commun, sont d'ordre général et absolu".
2. Incompétence des juridictions répressives de droit commun : La Cour a noté que la citation directe délivrée par le Y... de Z... contre Roger X... pour diffamation publique était irrecevable, car les faits reprochés à un ministre dans l'exercice de ses fonctions ne pouvaient pas être jugés par les juridictions répressives de droit commun. La Cour a déclaré que "les faits de la cause n'étant susceptibles d'aucune poursuite devant les juridictions répressives de droit commun, il n'y a lieu à renvoi".
Interprétations et citations légales
1. Article 68 de la Constitution du 4 octobre 1958 : Cet article stipule que "les membres du gouvernement sont pénalement responsables des crimes et délits accomplis dans l'exercice de leurs fonctions". Il est précisé que "les poursuites et le jugement des membres du gouvernement ne peuvent être engagés que devant la Haute Cour de Justice". Cette disposition crée une protection juridique spécifique pour les membres du gouvernement, limitant les instances pouvant les juger.
2. Loi du 29 juillet 1881 sur la presse : L'article 48, alinéa 6, de cette loi précise que "les poursuites pour diffamation publique envers un particulier ne peuvent être engagées que dans les conditions prévues par la loi". La Cour a interprété que, dans le cas d'un ministre, cette loi ne s'applique pas car la compétence revient exclusivement à la Haute Cour de Justice.
En conclusion, la décision de la Cour de cassation illustre l'importance des dispositions constitutionnelles qui protègent les membres du gouvernement contre des poursuites pénales ordinaires, affirmant ainsi le principe de séparation des pouvoirs et la nécessité d'un cadre juridique spécifique pour juger les actes des ministres dans l'exercice de leurs fonctions.