Résumé de la décision
La commune de Marseille a décidé de vendre des parcelles de son domaine privé à la société civile immobilière du Vieux-Port (SCI) pour créer un hôtel de prestige. Dans ce cadre, la société Generim, gérante de la SCI, a versé une avance de 975 000 francs (148 637,79 euros) à la commune. La cession ne s'étant pas concrétisée, Generim a demandé le remboursement de cette avance. Le tribunal administratif de Marseille a été saisi, mais la cour administrative d'appel a déclaré la demande irrecevable pour incompétence. Le Conseil d'État a ensuite saisi le Tribunal des conflits pour déterminer la compétence juridictionnelle. Ce dernier a décidé que le litige concernant le remboursement relevait des juridictions judiciaires, considérant que la vente n'était pas soumise aux régimes exorbitants du droit public.
Arguments pertinents
Le Tribunal des conflits a fourni plusieurs arguments clés quant à la compétence juridictionnelle :
1. Nature du contrat de cession : Le tribunal a affirmé que « le contrat par lequel une personne publique cède des biens immobiliers faisant partie de son domaine privé est en principe un contrat de droit privé ». Ceci souligne que la cession de biens n'entraîne pas automatiquement le régime des contrats administratifs, sauf conditions spécifiques.
2. Absence de service public : Le Tribunal a conclu que « la vente des terrains, fût-elle conditionnée à la réalisation d'un hôtel… n'a pas pour objet l'exécution d'un service public ». Cela souligne que, même dans un contexte d'aménagement urbain, le caractère commercial du projet prévaut sur l'intérêt général.
3. Inexistence de clauses exorbitantes : Le tribunal a précisé qu'aucune clause du contrat n'implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs, concluant ainsi que la compétence revient à l'ordre judiciaire pour le litige relatif au remboursement.
Interprétations et citations légales
La décision s'appuie sur plusieurs textes législatifs qui méritent d'être examinés :
1. Loi des 16-24 août 1790 : Cette loi établit le cadre de la séparation des pouvoirs et de la compétence des juridictions administratives, mais s'applique ici dans le contexte spécifique des contrats administratifs.
2. Décret du 27 février 2015 : Ce décret, notamment son article 35, est crucial car il renforce la compétence du Tribunal des conflits pour trancher entre les conflits de juridiction.
Le Tribunal conclut que « les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour connaître de la demande en remboursement de l'avance versée... ». Cette conclusion confirme l'importance de l'interprétation contextuelle des relations contractuelles entre une collectivité publique et un acteur privé.
En somme, cette décision renforce l'idée que dans le cadre de la cession de biens de domaine privé, la qualification du contrat et ses objectifs déterminent la compétence juridictionnelle. Cela remet en question la tendance à classer systématiquement les cessions de biens publics sous le régime des contrats administratifs, en privilégiant une approche plus nuancée, fondée sur la nature et le but des obligations contractuelles.