Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 février et le 25 mars 2020, la société SMA SA, représentée par Me C..., demande au juge des référés de la cour :
1°) de réformer cette ordonnance du 21 janvier 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'elle a ordonné une expertise concernant des désordres atteints par la prescription décennale ;
2°) d'étendre les opérations d'expertise à la recherche de tous éléments permettant de déterminer si les nouveaux désordres allégués par la communauté de communes de l'Île de Ré ont été dénoncés dans le délai de dix ans à compter de la réception des travaux et déclarés préalablement à la SMA SA dans un cadre amiable ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Île de Ré une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il ne peut être fait droit à une demande d'expertise formulée à l'appui de prétentions qui se heurtent à la prescription ;
- or, en l'occurrence, l'expert a été chargé par l'ordonnance attaquée de se prononcer relativement à l'état des panneaux acoustiques alors que ce désordre n'a pas été dénoncé dans le délai de dix ans depuis la réception des travaux et n'a pas davantage fait l'objet d'une demande amiable qui lui aurait été adressée ;
- plus généralement, la mission de l'expert n'a pas été définie de manière suffisamment précise puisqu'il ne lui a pas été demandé de dire si les désordres allégués étaient nouveaux ou constituaient une aggravation de désordres dénoncés dans le délai décennal ;
- enfin, il n'a pas été demandé à l'expert de se prononcer sur la vétusté de l'ouvrage à la date des différentes déclarations de sinistre.
Par deux mémoires, enregistrés les 27 février et 14 août 2020, la communauté de communes de l'Île de Ré, représentée par la selarl Cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête en tant qu'elle conclut à l'annulation de l'ordonnance attaquée et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que :
- le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a été saisi d'un référé sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative afin que fussent constatés les nouveaux désordres affectant le complexe aquatique Aquaré, ces désordres se rattachant à la même origine que ceux qui sont apparus dans le délai de la garantie décennale et qui ont dûment été constatés et dénoncés dans ce délai, ainsi que l'aggravation de certains de ces derniers désordres ;
- en tout état de cause, les désordres affectant les panneaux acoustiques ont fait l'objet d'une déclaration de sinistre le 26 février 2019, soit avant l'expiration du délai de garantie ;
- par ailleurs, la société à responsabilité limitée Arcature a bien acquis la société civile professionnelle Arcature et il lui appartient d'établir qu'à cette occasion elle n'a pas repris le passif de cette dernière.
Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2020, la société par actions simplifiée Bureau Veritas construction, venant aux droits de la société Bureau Veritas SA, conclut, à titre incident et principal, à la réformation de l'ordonnance du 21 janvier 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'elle a ordonné une expertise concernant des désordres atteints par la prescription décennale et, à titre incident et subsidiaire, à l'extension des opérations d'expertise à la recherche de tous éléments permettant de déterminer si les nouveaux désordres allégués par la communauté de communes de l'Île de Ré ont été dénoncés dans le délai de dix ans à compter de la réception des travaux, par les mêmes moyens que ceux soulevés à l'appui de ses conclusions par la société SMA SA.
Par un mémoire, enregistré le 4 août 2020, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Alta, la société à responsabilité limitée Arcature et la société par actions simplifiée Elec therm ingenie service (Ethis), représentées par Me D..., concluent à titre incident à la réformation de l'ordonnance du 21 janvier 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'elle a ordonné une expertise concernant des désordres atteints par la prescription décennale, au rejet de la demande de la communauté de communes de l'Île de Ré portant sur les panneaux acoustiques, à la mise hors de cause de la société Arcature, à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes de l'Île de Ré le versement, à chacune, d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la société à responsabilité limitée Arcature ne saurait être concernée par la demande d'expertise, seule la société civile professionnelle homonyme l'étant, avec laquelle elle n'a aucun lien ;
- la demande portant sur les panneaux acoustiques n'a pas été effectuée dans le délai de dix ans à compter de la réception de l'ouvrage, en conséquence toute action au fond est prescrite et il ne saurait être sollicité de l'expert qu'il se prononce sur ces prétendus désordres.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné M. F... en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 12 avril 2005, le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Île de Ré a autorisé la réalisation du complexe aquatique Aquaré et en a délégué la maîtrise d'ouvrage à la société SEMDAS. Par acte d'engagement du 5 février 2008, cette dernière a conclu un marché public de services concernant la souscription d'une assurance dommage-ouvrage dans le cadre de la réalisation du complexe aquatique précité avec la société Sagena, devenue la société SMA SA. La construction de ce complexe aquatique a été confiée par lots à différentes sociétés. Les travaux ont été réceptionnés le 22 juin 2009. La gestion du complexe aquatique a été confiée à la société Vert Marine dans le cadre d'un contrat de délégation de service public.
2. Cependant, dès 2013 l'exploitant a constaté des infiltrations d'eau dans l'ouvrage. La communauté de communes de l'Île de Ré a alors déclaré un sinistre auprès de son assureur dommage-ouvrage. D'autres sinistres ont ensuite été déclarés par le maître d'ouvrage, notamment des désordres affectant le gros oeuvre ou de nature à porter atteinte à la sécurité des utilisateurs et des usagers de l'ouvrage. L'ensemble de ces désordres a fait l'objet de 25 déclarations de sinistres auprès de l'assureur dommage-ouvrage.
3. Saisi par la communauté de communes précitée, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a désigné M. B... en qualité d'expert, par ordonnance du 4 mars 2016 afin de procéder au constat des désordres allégués et plus généralement de l'état de l'ouvrage. Le rapport de l'expert, déposé le 24 mars suivant, a relevé de nombreux désordres nécessitant la fermeture temporaire du complexe aquatique. Puis, par ordonnance du 14 octobre 2016, ledit juge des référés a désigné à nouveau M. B... en tant qu'expert afin d'analyser les désordres concernés. Au cours des opérations d'expertise, le 15 novembre 2017, la communauté de communes a mis en demeure la société SMA SA de se conformer à ses obligations contractuelles, à savoir d'assurer le préfinancement des travaux de reprise des désordres de nature décennale. Par courrier du 15 mai 2018, la communauté de communes de l'Île de Ré a fait part à la société SMA SA de son intention de procéder aux réparations telles que préconisées par l'expert judiciaire dans une note aux parties et l'a mise en demeure de lui verser la somme de 3 471 221 euros au titre de son assurance dommage-ouvrage.
4. Par une ordonnance du 4 février 2019 le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a condamné la société SMA SA à verser à la communauté de communes de l'Île de Ré une provision de 3 447 000 euros, toutes taxes comprises, destinée au préfinancement des travaux de réparation des désordres de nature décennale affectant le complexe aquatique. Le montant de cette provision a été ramené à 2 396 431 euros par ordonnance du 2 septembre 2019 du juge d'appel des référés de la présente cour.
5. Sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, la communauté de communes a sollicité, le 19 décembre 2019, du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers la désignation d'un expert aux fins de constater contradictoirement l'aggravation des désordres et l'apparition de nouveaux désordres affectant l'ouvrage. La société SMA SA relève appel de l'ordonnance du 21 janvier 2020 par laquelle ce juge des référés a fait droit à cette demande en tant qu'il a ordonné une expertise concernant des nouveaux désordres atteints par la prescription décennale. Les sociétés Bureau Veritas construction, Alta, Arcature et Ethis présentent des conclusions incidentes identiques aux conclusions de la société SMA SA.
6. Aux termes de l'article R. 531-1 du code de justice administrative : " S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d'avocat et même en l'absence d'une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction ". Si ces dispositions font obstacle à ce que les mesures sollicitées sur leur fondement excèdent le seul constat d'une situation de fait, elles n'excluent pas qu'il puisse être demandé au juge des référés d'ordonner, à ce titre, que soient effectuées des mesures ou des constats d'ordre matériel. Par ailleurs, il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de constat présentée sur le fondement de ces dispositions, d'apprécier l'utilité de la mesure sollicitée à la date à laquelle il statue.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 5 de la présente ordonnance, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers n'a pas été saisi d'une demande de désignation d'un expert aux fins d'obtenir l'extension d'une expertise précédemment ordonnée mais de conclusions fondées sur l'article R. 531-1 du code de justice administrative et tendant notamment à ce qu'un expert soit désigné pour procéder à la constatation de l'aggravation des désordres et à l'apparition de nouveaux désordres affectant le centre aquatique Aquaré. S'il ressort tant des motifs que du dispositif de l'ordonnance attaquée que le premier juge s'est mépris sur la nature de la demande qui lui était adressée, en la regardant comme présentée sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, il résulte de l'instruction que les désordres ayant justifié la demande ayant conduit à l'ordonnance attaquée sont susceptibles, y compris les nouveaux désordres et en particulier ceux concernant les panneaux acoustiques, d'avoir les mêmes origines que les désordres mentionnés par les ordonnances du même juge des référés des 4 et 14 octobre 2016, intervenues avant l'acquisition du délai de la garantie décennale et l'ayant interrompu. Par conséquent, le constat des nouveaux désordres affectant le centre aquatique Aquaré présente un caractère utile.
8. S'agissant, par ailleurs, des conclusions de la société à responsabilité limitée Arcature tendant à ce qu'elle soit mise hors de cause, il résulte de l'instruction qu'elle a acquis la société civile professionnelle homonyme en 2011. Par suite et dans la mesure où elle n'établit ni même n'allègue ne pas avoir repris le passif de la société civile professionnelle précitée, les conclusions précitées de la société à responsabilité limitée Arcature ne peuvent qu'être rejetées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés SMA SA, Bureau Veritas construction, Alta, Arcature et Ethis ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a désigné un expert, M. B..., afin qu'il se prononce sur l'existence de nouveaux désordres affectant le centre aquatique Aquaré. Par voie de conséquence, les conclusions de ces sociétés relatives aux frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées. Il y a lieu, en outre, de mettre à la charge solidaire des sociétés SMA SA, Bureau Veritas construction, Alta, Arcature et Ethis la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 20BX00363 de la société SMA SA et les conclusions incidentes des sociétés Bureau Veritas construction, Alta, Arcature et Ethis sont rejetées.
Article 2 : Les sociétés SMA SA, Bureau Veritas construction, Alta, Arcature et Ethis verseront, solidairement, la somme totale de 1 500 euros à la communauté de communes de l'Île de Ré au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SMA SA, à la communauté de communes de l'Île de Ré, à la société par actions simplifiée Bureau Veritas construction, à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Alta, à la société à responsabilité limitée Arcature, à la société par actions simplifiée Elec therm ingenie service, à la société Hervé Thermique, à Me A... E... liquidateur de la société Player's équipement, à la société groupe Vinet, à la société Erreba, à la société ERC Harranger. Copie en sera adressée à M. B..., l'expert.
Fait à Bordeaux, le 2 septembre 2020.
Le juge d'appel des référés,
F...
La République mande et ordonne au préfet de Charente-Maritime, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 20BX00363