- sur la régularité de l'avis de la CNAC, l'absence de convocation de la société Difradis n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision de la Commission nationale ; par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 752-34 et R. 752-36 du code de commerce doit être écarté ;
- au regard des textes applicables et de la jurisprudence en la matière, la Commission nationale d'aménagement commercial, si elle avait admis la recevabilité du recours de la société Difradis, aurait donné un avis favorable au projet, de telle sorte que le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale aurait été délivré ;
- en ce qui concerne le critère de l'aménagement du territoire, le projet porte sur un transfert et agrandissement d'un magasin actuellement à saturation à l'enseigne Intermarché sur un terrain mitoyen de la zone d'Encoulaou ; la surface de vente augmente de 1 000 à 2 025 m², la population de la zone de chalandise étant en forte augmentation de 42,21 % entre 1999 et 2012 et aucun magasin alimentaire de format supermarché n'existant dans cette zone ; le projet, qui permettra de diversifier l'offre existante en diminuant ainsi l'évasion commerciale hors de la zone de chalandise, ne contribue pas à l'étalement urbain puisqu'il est dans la continuité du tissu urbain et dans une zone commerciale identifiée par le schéma de cohérence territoriale du Nord Toulousain ; le projet ne créera pas de friche dès lors que le bâtiment situé dans la seule zone d'aménagement commercial de la commune avec une accessibilité existante par la RD 1, garde son caractère attractif et jouira de la proximité du futur Intermarché et que la station-service, la station lavage et les autres boutiques restent implantées sur le site ; le projet sera desservi par la route départementale 1 et par la rue d'Encoulaou comme le bâtiment actuel ; un rond-point sera créé pour desservir l'ensemble de la zone et a donné lieu à une délibération du conseil municipal du 20 octobre 2015 acceptant la convention à signer avec le département gestionnaire de la RD 1 et s'engageant à réaliser les travaux d'un montant de 146 170,00 euros HT ; sa réalisation est effective ; le flux actuel des clients de l'Intermarché est de 600 par jour et l'impact journalier serait de 240 véhicules supplémentaires, soit une augmentation du flux de 3,2% ; le flux lié au " drive " de 20 véhicules et qui devrait passer à 50 véhicules par jour est mineur ; les flux des véhicules de livraisons, en baisse par rapport à ceux du magasin actuel, seront distincts des flux des clients ; quant à la desserte par les modes de déplacement alternatif et transports collectifs, l'accès à pied depuis le centre bourg est possible par le biais de trottoirs et passages piétons et par une rue parallèle à la RD 1 qui dessert le site du projet, et une piste cyclable relie le site au centre bourg de la commune ; en outre, il y a deux arrêts de bus à proximité du projet à 400 et 600 mètres ;
- en ce qui concerne le critère du développement durable, le projet a été conçu dans un souci de compacité architecturale avec un bâtiment le plus cubique possible afin de limiter la perte d'énergie ; les teintes des bardages métalliques ont été choisies dans une palette chromatique discrète et dans un souci d'insertion ; l'apport de lumière naturelle sera favorisé par un bandeau vitré mis en place sur la façade Sud-Ouest et des voûtes éclairantes ; l'éclairage du parc de stationnement, comptant 139 places, sera fait par des candélabres autonomes à énergie solaire ; le chauffage du point de vente est assuré par climatisation réversible ; les espaces verts représenteront une surface de 5 061 m2 soit 34 % de l'emprise foncière du projet avec 61 arbres ; il est prévu la mise en place d'enrochements perméables aux eaux de pluie et de talus végétalisés ; les eaux de ruissellement seront récupérées après traitement et stockées dans des noues paysagères ; s'agissant des nuisances olfactives, des locaux de déchets réfrigérés ont été intégrés au sein de l'édifice et les talus plantés situés face au groupe d'habitations recevront des plantes aromatiques ; s'agissant des nuisances sonores, les véhicules de livraisons entrent au sein de l'édifice pour décharger et recharger, les parois intérieures de l'aire de réception recevront un traitement phonique particulier ;
- en ce qui concerne le critère de la protection du consommateur et le critère social, le projet va permettre la création de 20 emplois supplémentaires qui s'ajouteront aux 20 emplois existants ; les consommateurs auront à proximité un point de vente alimentaire plus confortable et avec une gamme de produits élargie, ce qui limitera les flux de circulation vers le pôle de 1'agglomération toulousaine.
Par un mémoire, enregistré le 11 juin 2019, la société Difradis, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler la décision de la commission d'aménagement commercial du 7 juillet 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale du 4 août 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul-sur-Save et de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conditions de recevabilité du recours administratif préalable obligatoire exercé par la société Difradis étaient réunies ; la Commission nationale d'aménagement commercial n'ayant pas examiné le fond du projet mais s'étant bornée à apprécier la recevabilité des recours qui lui étaient soumis, l'irrégularité du rejet pour irrecevabilité des recours a eu une incidence sur le sens de la décision attaquée ; le permis de construire délivré par le maire de Saint-Paul-sur-Save est entaché d'une irrégularité en ce que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial était requis ;
- l'absence de convocation de la société requérante par la CNAC avant qu'il ne soit statué sur son recours est irrégulière ; l'audition aurait été de nature à lui permettre de démontrer aux membres de la commission la sous-estimation du dessin de la zone de chalandise du projet et le recoupement de celle-ci avec sa zone de chalandise ; aucun des requérants ayant saisi la CNAC n'ayant été reconnu recevable, cette commission n'a pas eu l'occasion d'examiner le bien-fondé de l'avis favorable rendu par la CDAC ; s'agissant d'un avis conforme rendu dans le cadre de la demande de permis de construire, en cas d'avis défavorable le permis de construire devait être refusé ; la décision d'irrecevabilité opposée par la CNAC au recours formulé auprès d'elle a eu une incidence sur la décision prise par l'administration ;
- sur le non-respect du critère de l'aménagement du territoire, le dossier est muet sur la reconversion du bâtiment abandonné ; la multiplication des surfaces de vente portera atteinte à la vie urbaine et rurale de la commune ;
- sur l'impact négatif du projet sur les flux de circulation, la société pétitionnaire n'apporte pas à son dossier la démonstration que la voirie desservant le terrain d'assiette est suffisante pour absorber le flux de circulation qui sera généré par le projet et par la nouvelle activité qui viendra s'implanter en lieu et place de l'ancien magasin existant ; la société pétitionnaire se contente d'indiquer que le conseil départemental de la Haute-Garonne a effectué en 2012, soit quatre ans avant la décision, un comptage du flux routier sur la RD 1, lequel enregistre 7 558 véhicules par jour ; les informations données sur le flux additionnel généré par le projet ne sont pas réalistes ; le terrain d'assiette du projet n'est pas desservi de façon sécurisée pour les piétons ni correctement desservi par les transports en communs, les flux de véhicules s'en trouveront renforcés ; il n'a été réalisé aucune étude sur la rue d'Encoulaou, alors même que l'accès au magasin se fera par cette rue ; la société IEM n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le caractère certain de la construction du carrefour giratoire avant l'ouverture au public du magasin projeté ;
- sur l'atteinte à l'animation de la vie urbaine et rurale, le projet aura pour effet d'obérer toute chance de retour à une animation commerciale en centre-bourg, au profit d'un développement périphérique, sur un terrain dont la vocation précédente était agricole ; eu égard à sa localisation, le projet n'a aucune vocation de proximité et ne participera pas à l'animation de la vie locale ;
- le projet est difficilement accessible par les modes doux ; il ne présente pas un accès sécurisé pour les piétons ; l'accessibilité par les transports en commun n'est pas satisfaisante ;
- les camions de livraison vont circuler sur l'aire de stationnement réservée à la clientèle pour se rendre à l'arrière du magasin, rendant ainsi l'accès des piétons au magasin dangereux ; les véhicules de livraison, les automobilistes et les utilisateurs du " Drive " vont partager le même accès, à savoir la rue d'Encoulaou, qui est trop étroite et inadaptée pour permettre une circulation sécurisée et une bonne régulation des flux futurs ;
- sur le non-respect du critère du développement durable, compte tenu de l'éloignement du projet des lieux de vie, de l'absence d'aménagements favorisant le déplacement de la clientèle par des modes de transports alternatifs à la voiture, la CNAC aurait été conduite à considérer que le projet contribuera à accroître la pollution par la production de gaz à effet de serre du fait des déplacements automobiles ; le projet de la société pétitionnaire ne comprend aucune mesure tendant à développer les énergies renouvelables ; il conduira à une consommation excessive de l'espace ; outre le fait que la construction d'un nouveau bâtiment n'est nullement justifiée, il n'est fourni aucun effort de compacité des bâtiments ; le projet ne prévoit aucune mesure compensatoire s'agissant de l'imperméabilisation importante du terrain d'assiette ;
- sur le non-respect du critère de la protection des consommateurs, il est démontré que le projet ne sera pas accessible aux cyclistes ni même aux piétons ; la sécurité n'est pas assurée pour cette catégorie d'usagers ;
- le vice de procédure résultant de l'absence d'avis de la CNAC, pourtant régulièrement saisie d'un recours administratif préalable obligatoire d'un concurrent, emporte annulation du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ; le sursis à statuer dans l'attente de l'examen du projet en vue de la régularisation du projet par un permis de construire modificatif n'est juridiquement pas fondé ; les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables à une telle espèce, dès lors que l'irrégularité de la décision d'irrecevabilité du recours administratif préalable obligatoire n'est pas une illégalité purement formelle et que le magasin est irrégulièrement exploité depuis juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 20 juin 2019 :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Difradis.
Considérant ce qui suit :
1. La commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Garonne a émis, le 3 mars 2016, un avis favorable sur la demande d'autorisation d'exploitation commerciale présentée par la société Immobilière européenne des Mousquetaires en vue de la création, après transfert et extension, d'un supermarché à l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente de 2 025 m² ainsi que d'un point permanent de retrait sur le territoire de la commune de Saint-Paul-sur-Save. La Commission nationale d'aménagement commercial, saisie de trois recours par les sociétés Difradis, Grenadine et Lidl, exploitantes de supermarchés sur des communes voisines, a décidé dans sa séance du 7 juillet 2016 de rejeter ces recours comme irrecevables en l'absence d'intérêt à agir, au motif que ces sociétés n'étaient pas situées dans la zone de chalandise définie pour le projet. Par un arrêté du 4 août 2016, le maire de Saint-Paul sur-Save a délivré le permis de construire correspondant au projet, pour une surface de plancher créée de 3 676 mètres carrés, sur une parcelle cadastrée section B n° 510. La société Difradis, exploitante d'un supermarché à l'enseigne " Carrefour Market " sur la commune de Mondonville, demande l'annulation du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale du 4 août 2016. Par un arrêt avant-dire droit du 29 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, sursis à statuer et transmis au Conseil d'Etat le dossier de la requête pour avis sur plusieurs questions de droit. Le Conseil d'Etat a émis, le 15 avril 2019, un avis contentieux n° 425854 sur les questions posées par la cour.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 7 juillet 2016 :
2. Dans sa rédaction issue de l'article 52 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, le I de l'article L. 752-17 du code de commerce dispose : " Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. Le maire de la commune d'implantation du projet et le représentant de l'Etat dans le département ne sont pas tenus d'exercer ce recours préalable ".
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 18 juin 2014 de laquelle elles sont issues, que le législateur a entendu que, pour tout projet simultanément soumis à autorisation d'exploitation commerciale et à permis de construire, toute contestation touchant à la régularité ou au bien-fondé d'une autorisation d'exploitation commerciale ne puisse désormais être soulevée que dans le cadre du recours introduit, le cas échéant, contre le permis de construire finalement délivré, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
4. Par suite, tout acte pris par la Commission nationale d'aménagement commercial sur un recours introduit devant elle contre un avis favorable délivré par une commission départementale d'aménagement commercial, qu'il soit exprès ou tacite et qu'il ait ou non la nature d'un avis, revêt le caractère d'un acte préparatoire, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il en va notamment ainsi des actes par lesquels la Commission nationale rejette, que ce soit ou non à bon droit, le recours comme irrecevable. En conséquence, ainsi que la cour le relève dans un arrêt du même jour n°16BX03277, les conclusions de la société Difradis, renouvelées dans la présente requête, demandant l'annulation de " la décision du 7 juillet 2016 " par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté son recours sont irrecevables.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 4 août 2016 :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir :
5. Aux termes de l'article R. 752-30 du code de commerce : " Le délai de recours contre une décision ou un avis de la commission départementale est d'un mois. Il court : (...) / 3° Pour toute autre personne mentionnée à l'article L. 752-17, à compter de la plus tardive des mesures de publicité prévues aux troisième et cinquième alinéas de l'article R. 752-19. / Le respect du délai de recours est apprécié à la date d'envoi du recours ". Aux termes de l'article R. 752-31 du même code : " Le recours est présenté au président de la Commission nationale d'aménagement commercial par tout moyen sécurisé ou, lorsqu'il est présenté par le préfet, par la voie administrative ordinaire. / A peine d'irrecevabilité, le recours est motivé et accompagné de la justification de la qualité et de l'intérêt donnant pour agir de chaque requérant. / (...) ". Aux termes de l'article R. 752-32 de ce code : " A peine d'irrecevabilité de son recours, dans les cinq jours suivant sa présentation à la commission nationale, le requérant, s'il est distinct du demandeur de l'autorisation d'exploitation commerciale, communique son recours à ce dernier soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit par tout moyen sécurisé (...) ".
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Garonne a émis son avis le 3 mars 2016 et qu'il a fait l'objet d'une publicité le 24 mars 2016. Il ressort des pièces du dossier ainsi que des termes de la décision de rejet de la Commission nationale d'aménagement commercial, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas apportée en l'espèce, que la société Difradis a introduit son recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial le 21 avril 2016, avant l'expiration du délai de recours mentionné à l'article R. 752-30 du code de commerce. En deuxième lieu, le recours préalable présenté par la société Difradis était suffisamment motivé et respectait les exigences de l'article R. 752-31 du code de commerce. Enfin, ce recours a été notifié à la société Immobilière Européenne des Mousquetaires le 22 avril 2016. Les fins de non-recevoir tirées de la méconnaissance des articles R. 752-30, R. 752-31 et R. 752-32 du code de commerce doivent donc être rejetées.
7. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...). A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire ". Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I. Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes de l'article R. 752-3 du même code : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants ".
8. Pour l'application de l'article L. 752-17 du code de commerce, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation donnée à ce projet par la commission départementale puis, en cas d'autorisation à nouveau donnée par la commission nationale, un recours contentieux. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.
9. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société immobilière européenne des Mousquetaires consiste en la création, par transfert et extension, d'un commerce à l'enseigne " Intermarché " de 2 025 m² de surface de vente ainsi que d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique d'une emprise au sol de 38 m² et de deux pistes de ravitaillement. La société pétitionnaire a circonscrit la zone de chalandise aux consommateurs dont le temps d'accès en voiture maximal est de 22 minutes, mais l'a cependant limitée à l'est afin de tenir compte des équipements commerciaux existants, en particulier des pôles commerciaux de Blagnac, de Cornebarrieu ou de Toulouse - Purpan situés à une vingtaine de kilomètres de la parcelle d'assiette du projet. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le magasin à l'enseigne " Carrefour Market " exploité par la société Difradis sur le territoire de la commune de Mondonville, d'une surface de 1 800 m², est situé à 6,1 kilomètres soit 7 minutes de trajet en voiture de l'établissement projeté par la route nationale 224 qui structure la zone de chalandise. En outre, les deux lignes de bus n° 69 et 73 desservant le futur établissement passent dans la commune de Mondonville. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment des études géomarketing produites par la société Difradis, qu'un nombre significatif des porteurs de cartes de fidélité actifs résidaient, tant en 2016 qu'en 2018, au-delà de la zone de chalandise définie par le porteur de projet et notamment à l'est de la commune de Saint-Paul-Sur-Save, mais également que des clients réguliers viennent de l'ouest en dépit de l'attraction des pôles commerciaux toulousains. Par suite, la société Difradis est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du projet autorisé, de connaître sur son activité une incidence significative.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que la société Difradis dispose d'un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge administratif l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur ce point doit être rejetée.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 4 août 2016 :
11. D'une part, aux termes de l'article R. 752-34 du code de commerce : " (...) Quinze jours au moins avant la réunion de la commission nationale, les parties sont convoquées à la réunion et informées que la commission nationale ne tiendra pas compte des pièces qui seraient produites moins de dix jours avant la réunion, à l'exception des pièces émanant des autorités publiques ". Aux termes de l'article R. 752-36 du même code : " La commission nationale peut recevoir des contributions écrites. / La commission nationale entend toute personne qui en fait la demande écrite au secrétariat, en justifiant les motifs de son audition, au moins cinq jours avant la réunion. / Sont dispensés de justifier les motifs de leur audition : l'auteur du recours devant la commission nationale (...) ".
12. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
13. Il ressort des pièces du dossier que la société Difradis a introduit un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial le 21 avril 2016. Il n'est pas contesté qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-34 du code de commerce, la société Difradis n'a pas été convoquée à la séance du 7 juillet 2016 au cours de laquelle la décision qu'elle critique a été prise, alors pourtant que par un courrier du 13 mai 2016 le secrétariat de la Commission nationale d'aménagement commercial lui avait indiqué qu'elle serait informée de la date à laquelle la CNAC examinerait son recours. Il s'ensuit qu'elle n'a pas été mise en mesure de connaître la date avant laquelle il lui appartenait, selon les dispositions de l'article R. 752-36 du code de commerce, de demander son audition. La société requérante fait valoir, sans être démentie sur ce point par la commission nationale, qu'elle a ainsi été empêchée de répondre aux objections des membres de cette commission, et notamment de débattre de la pertinence de la délimitation de la zone de chalandise, telle qu'opérée par la société pétitionnaire, et de la recevabilité de son recours.
14. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que la société Difradis était recevable à présenter un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial. Or, les deux autres recours présentés par les sociétés Grenadine et Lidl devant la Commission nationale d'aménagement commercial tendant à l'annulation de l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial du 3 mars 2016 ont également été jugés irrecevables par décision du 7 juillet 2016. Par suite, si l'obligation de saisir préalablement la Commission nationale d'aménagement commercial avant toute introduction d'un recours contentieux ne constitue pas une garantie pour les personnes intéressées, l'absence d'examen par la Commission nationale d'aménagement commercial a pu avoir une incidence sur le sens de la décision accordant le permis de construire du 4 août 2016.
15. Il résulte de ce qui précède que la procédure devant la Commission nationale d'aménagement commercial est irrégulière, ce qui entache d'illégalité le permis de construire délivré par le maire de Saint-Paul-sur-Save en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.
16. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
17. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " (...) La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale (...) ".
18. Si la société Difradis soutient que les critères de l'article L. 752-6 du code de commerce n'ont pas été respectés, il résulte de ces dispositions combinées avec celles de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme que l'avis par lequel la CNAC doit se prononcer sur le bien-fondé du projet, qui conditionne la légalité du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, se substituera à l'avis de la CDAC. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce doivent être regardés en l'état comme inopérants, sans que cela fasse obstacle à ce que la société requérante puisse ultérieurement invoquer de tels moyens pour contester l'éventuel permis de construire modificatif qui serait accordé après l'avis de la CNAC.
19. Par suite, il y a lieu de surseoir à statuer et d'impartir à la Commission nationale d'aménagement commercial un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins de procéder à un nouvel examen du recours de la société Difradis, et au maire de Saint-Paul-sur-Save un délai de deux mois pour tirer les conséquences de son avis.
DECIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité de l'arrêté du maire de Saint-Paul-sur-Save du 4 août 2016 jusqu'à l'expiration d'un délai de 6 mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre d'une part à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder, dans un délai de quatre mois, à l'examen du recours présenté par la société Difradis et d'autre part au maire de Saint-Paul-sur-Save de prendre, dans un délai de deux mois, un nouvel arrêté au vu de cet avis.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Difradis, à la société anonyme immobilière européenne des Mousquetaires, à la commune de Saint-Paul-sur-Save et au ministre de l'économie et des finances (Commission nationale d'aménagement commercial). Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.
Le rapporteur,
C... Le président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.
N° 16BX03291 10