Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2016, Mme C...A...épouseB..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 24 juin 2016 ;
3°) d'annuler cet arrêté du 15 janvier 2016 du préfet de l'Indre ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Indre de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de condamner l'Etat " aux entiers dépens lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle ".
Elle soutient que :
- le tribunal a considéré à tort que la convention franco-algérienne n'oblige pas l'administration à s'assurer de l'accessibilité effective pour le patient d'un traitement approprié dans le pays d'origine dès lors que l'étranger malade ne fait pas état d'éléments susceptibles d'y faire obstacle au regard des possibilités de soins en Algérie ;
- le préfet ne démontre pas, ainsi que l'exige la jurisprudence, qu'elle pourra effectivement bénéficier d'une accessibilité réelle aux soins en considération des coûts de traitement et des modes de prise en charge. Or, sa prise en charge en Algérie n'a pas été satisfaisante puisqu'elle garde des séquelles de trois opérations qu'elle a subies dans ce pays. Par ailleurs, les avis de médecins spécialisés révèlent que sa prise en charge médicale ne peut être réalisée dans son pays d'origine. Sa dernière opération, le 6 mars 2016, a été réalisée par un service dit " hyperspécialisé ", et elle doit garder le fixateur qu'on lui a posé pendant un délai de six mois à un an. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation de son état de santé ;
- pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; elle justifie en outre d'attaches familiales en France en les personnes de sa fille et de son gendre.
Par ordonnance du 8 août 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2016 à 12 h.
Un mémoire présenté par le préfet de l'Indre, a été enregistré le 7 octobre 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Mme A...épouse B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante algérienne, est entrée sur le territoire français le 1er décembre 2014, sous couvert d'un visa de court séjour de 90 jours. Elle a sollicité le 27 juin 2015 un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Le préfet de l'Indre a rejeté sa demande le 15 janvier 2016 et a assorti ce refus de décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant comme pays de renvoi le pays dont elle a la nationalité. Mme B...relève appel du jugement du 24 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Bordeaux du 26 juillet 2016. Dès lors, ses conclusions tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur les conclusions en annulation :
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien : " Le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de la santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). " Selon l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades : " Le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; / - et la durée du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 cité ci-dessus, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. L'avis du 31 mars 2015 émis par le médecin de l'agence régionale de santé Centre-Val de Loire, produit par le préfet devant les premiers juges, énonce que si l'état de santé de Mme B..., qui souffre d'une pseudarthrose de la jambe droite consécutive à une fracture du tibia, nécessite des soins dont le défaut emporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce traitement peut être dispensé en Algérie. Aucune des pièces produites par Mme B... à l'appui de sa requête n'apparaît de nature à remettre en cause cet avis. S'il ressort des certificats médicaux produits qu'une intervention chirurgicale spécialisée permettant d'améliorer les capacités de marche de l'intéressée était envisagée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, cette opération était programmée ou devait l'être à bref délai. En outre, aucun de ces documents médicaux ne se prononce sur l'absence de traitement disponible en Algérie. Ils ne contredisent donc pas les mentions de cet avis sur ce point. Ils ne permettent pas davantage d'établir que les maux dont souffre Mme B...seraient la conséquence d'une prise en charge médicale défectueuse résultant des trois opérations qu'elle a subies dans son pays à la suite de sa fracture. En tout état de cause, ainsi que l'a relevé le tribunal, à supposer ce fait avéré, il ne saurait être de nature à démontrer les dires de la requérante selon lesquels le traitement approprié à sa pathologie ne serait pas effectivement disponible en Algérie. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que Mme B...ait fait valoir devant le préfet, au cours de l'instruction de sa demande, qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier des possibilités de traitement existant en Algérie en raison du coût de son traitement. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de délivrance du titre de séjour en litige méconnaîtrait les stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
6. Si Mme B...soutient qu'elle réside en France auprès de sa fille et de son gendre, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que la requérante, entrée récemment en France, à l'âge de 61 ans, n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie, où résident son mari et cinq de ses sept enfants. Dans ces conditions, et pour les motifs également évoqués au point précédent, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet de l'Indre aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 15 janvier 2016.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation présentées par MmeB..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 911-2 et suivants du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :
9. La présente instance ne comporte pas de dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, par ailleurs, obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance, le versement à l'avocat de la requérante d'une somme autre que celle à laquelle lui donne droit l'admission de Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B...tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Indre.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX02480