Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 décembre 2014, M.B..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Barthélemy du 25 septembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 26 août 2011 par lequel le conseil exécutif de Saint-Barthélemy a accordé à M. A...un permis de construire pour un agrandissement et un changement de destination d'un local d'habitation sur un terrain sis à Lurin ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la collectivité de Saint-Barthélemy et de M. A...une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de dispositions du 5° de l'article 71 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy en l'absence de transmission de deux documents photographiques ;
- le dossier de demande comportait de nombreuses lacunes constituées par l'absence de photographies en nombre suffisant permettant d'apprécier l'impact du projet sur le secteur, l'absence d'indication du volume de remblais à déblayer, l'absence de pièce relative au traitement des espaces verts, de même que les ambiguïtés de la présentation du dispositif d'assainissement; ces lacunes empêchaient l'administration de se prononcer en parfaite connaissance de cause ; en se référant au précédent permis qui avait autorisé un dispositif d'assainissement, sans prendre en compte les effluents supplémentaires induits par l'activité de mareyage, le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- en méconnaissance des dispositions de l'article 72 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy, le pétitionnaire n'a pas produit de justification du dépôt de la demande d'autorisation ou de déclaration au titre du code de l'environnement nécessaire au regard de l'activité de mareyage envisagée ; il n'a pas joint non plus à sa demande de permis de construire la demande d'agrément sanitaire nécessaire en application de l'article L.932-4 du code rural et de la pêche maritime ;
- le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme car la construction autorisée, destinée à permettre une activité de mareyage, présente des risques pour la salubrité inhérents aux conditions d'évacuation et de traitement des eaux usées, alors que la collectivité n'était pas en mesure de connaître les caractéristiques exactes du dispositif d'assainissement existant ni d'apprécier son caractère suffisant au regard de la nouvelle activité exercée ; la tranquillité et la qualité de vie des habitants seront nécessairement troublées par les nuisances sonores résultant des allers et venues des livreurs puis des acheteurs ; d'importantes nuisances olfactives résulteront de la production d'une grande quantité de déchets alimentaires ; ce type de déchets présente en outre des risques sanitaires importants ;
- l'autorité compétente devait, pour contrôler la conformité du projet aux dispositions de l'article R.111-5 du code de l'urbanisme, apprécier si les caractéristiques de la voie d'accès à la propriété permettent ou non un accès, et dans quelles conditions, aux engins de lutte contre l'incendie et elle ne peut se contenter de prévoir que le projet devra répondre à la règlementation applicable sans contrôler que le projet y répond effectivement, éventuellement en assortissant sa décision d'une prescription spéciale.
Par ordonnance du 29 juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 17 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy ;
- le code de l'environnement de Saint-Barthélemy ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 26 août 2011, le conseil exécutif de Saint-Barthélemy a accordé à M. A... un permis de construire pour un agrandissement et un changement de destination d'un local d'habitation sur un terrain sis à Lurin. M. B...relève appel du jugement du 25 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 71 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " A. Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : 1º Le plan de situation du terrain ; 2º Le plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions, des travaux extérieurs à celles-ci et des plantations maintenues, supprimées ou créées ; 3º Les plans des façades et des toitures ainsi que le plan faisant apparaître la disposition intérieure de la construction projetée ; 4º Une ou des vues en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel à la date du dépôt de la demande de permis de construire et indiquant le traitement des espaces extérieurs ; 5º Deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe. Les points et les angles des prises de vue seront reportés sur le plan de situation et le plan de masse ; 6º Un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords. Lorsque le projet comporte la plantation d'arbres de haute tige, les documents graphiques devront faire apparaître la situation à l'achèvement des travaux et la situation à long terme ; 7º Une notice permettant d'apprécier l'impact visuel du projet. A cet effet, elle décrit le paysage et l'environnement existants et expose et justifie les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans ce paysage de la construction, de ses accès et de ses abords. (...) 10° Une notice indiquant le volume de remblais à déblayer ainsi que leur destination finale. (...) B. Les pièces 6 et 7 ne sont pas exigibles pour les demandes de permis de construire exemptées du recours à un architecte en application des dispositions de l'article 70. (...) Lorsque la demande concerne la construction de bâtiments ou d'ouvrages devant être desservis par des équipements publics, le plan de masse indique le tracé de ces équipements et les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages y seront raccordés. A défaut d'équipements publics, le plan de masse indique la destination de ces bâtiments ou ouvrages et les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. " Si la régularité de la procédure d'instruction d'un permis de construire requiert la production par le pétitionnaire de l'ensemble des documents exigés par les dispositions sus-rappelées, le caractère insuffisant du contenu de l'un de ces documents au regard desdites dispositions ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'autorisation si l'autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, d'apprécier l'ensemble des critères énumérés par les dispositions précitées.
3. Le dossier de demande du permis de construire déposé par M.A..., afin de transformer et agrandir un local à usage d'atelier de bricolage situé en rez-de-jardin de sa maison d'habitation afin d'y installer une activité de mareyage, ne comporte qu'une seule photographie qui ne permet pas de situer le terrain dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe, notamment par rapport aux constructions existantes. Aucune autre pièce du dossier ne permet de situer le projet dans son environnement proche et lointain. S'agissant des équipements privés prévus pour l'assainissement, la présentation du projet jointe au dossier de demande fait état d'un " système d'assainissement mis aux normes à l'aide d'une fosse septique toutes eaux de 3 300 litres dont un pré-filtre décolloïdeur de 300 litres et d'un épandage par lit filtrant à sable, non drainé, à flux vertical de 32 m2 disposé au Nord-Ouest de la maison. " Toutefois, le plan de masse joint au dossier de demande indique que le dispositif d'assainissement autonome comprend une fosse toutes eaux de 5 000 litres ainsi qu'un lit filtrant de 55 m². Le dossier de présentation du dispositif d'assainissement indique que la surface du lit d'épandage est de 30 m² et ne précise pas le volume de la fosse toutes eaux. Enfin l'attestation de conformité du dispositif d'assainissement produite par M. A...devant le tribunal mentionne quant à elle que le système d'assainissement comprend une fosse toutes eaux de 4 000 litres et un lit filtrant non drainé de 31,5 m². Par ailleurs, cette attestation de conformité en date du 24 novembre 2011 ne se réfère qu'aux travaux d'extension d'une maison individuelle à deux chambres autorisés par un précédent permis du 23 juillet 2009, alors que le nouveau projet de M. A... consiste à la fois à réaliser des travaux d'agrandissement et à créer une activité de mareyage au rez-de-chaussée de la maison en lieu et place de l'atelier de bricolage existant. En l'absence de toute explication sur l'étude de la suffisance du dispositif d'assainissement au regard de la nouvelle destination d'une partie de l'immeuble, entraînant une augmentation substantielle des eaux de lavage des locaux, les omissions et insuffisances du dossier de demande ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable et M. B...est fondé à soutenir que la composition du dossier de demande de permis de construire était irrégulière.
4. Aux termes de l'article 72, alinéa 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy : " Lorsque les travaux projetés concernent une installation soumise à autorisation ou à déclaration en vertu du code de l'environnement de Saint-Barthélemy, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'autorisation ou de la déclaration." L'activité de mareyage correspond à une activité répertoriée à la rubrique 2221 de la nomenclature des installations classées annexée au code de l'environnement de Saint-Barthélemy " Préparation de produits alimentaires d'origine animales " soumise à déclaration. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une justification du dépôt de la déclaration figurait dans le dossier de demande du permis de construire.
5. Pour l'application des dispositions de L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens invoqués par le requérant n'apparaissent pas de nature à fonder l'annulation du permis de construire en litige.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de justice administrative :
7. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. " Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire usage de la faculté prévue par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de M.A... une somme globale de 1 500 euros à verser à M.B....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1100066 du tribunal administratif de Saint-Barthélemy du 25 septembre 2014 et l'arrêté du 26 août 2011 par lequel le conseil exécutif de Saint-Barthélemy a accordé à M. A...un permis de construire sont annulés.
Article 2 : La collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy et M. A...verseront à M. B...une somme globale de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B..., à M. C...A...et à la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 14BX03700