Par une requête enregistrée le 9 août 2016, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 juin 2016 en tant qu'il annule ses décisions et met à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
2 °) de rejeter la demande présentée par Mme A...B...devant ce tribunal.
Il soutient que :
- le premier juge a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en annulant les décisions du 14 juin 2016 au motif que l'arrêté de réadmission vers l'Italie n'avait pas été précédé d'une décision expresse de non admission au séjour en France ;
- le tribunal administratif de Toulouse n'a pas tenu compte de ses observations orales ;
- le relevé des empreintes décadactylaires de MmeB..., effectué le 6 octobre 2015 lors de l'enregistrement de son dossier de demande d'asile, a révélé que l'Etat responsable de l'examen de sa demande était l'Italie en application de l'article 13.1 du règlement UE 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- Mme B...s'est vue remettre une convocation dite " Dublin III " portant expressément mention " ne vaut pas autorisation de séjour ", traduisant et caractérisant un refus de séjour sans qu'une décision expresse de refus ne soit nécessaire ; aucun texte n'impose au préfet de prendre une décision écrite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2016, MmeB..., représentée par Me Ducos-Mortreuil, avocat, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a annulé la décision portant remise aux autorités italiennes du 14 juin 2016 et celle du même jour ordonnant son placement en rétention administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de vingt-quatre heures suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le préfet ne fournit aucun élément à même de démontrer que le tribunal administratif de Toulouse n'aurait pas pris en compte ses observations orales ;
- la loi n° 2015/925 du 29 juillet 2015, qui prévoit que l'autorité préfectorale peut se limiter à édicter à l'encontre du demandeur d'asile une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande, n'est applicable qu'aux demandes d'asile présentées à compter du 1er novembre 2015 ; ayant formé sa demande le 6 octobre 2015, le préfet était tenu de statuer sur sa demande d'admission au séjour au regard de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de décider de sa remise aux autorités italiennes ;
- le préfet ne peut pas prétendre a posteriori que la remise de la convocation dite " Dublin III " serait suffisante pour caractériser l'existence d'une décision de refus d'admission au séjour prévue à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur jusqu'au 31 octobre 2015 ; ce document ne comporte aucune mention des voies et délais de recours, confirmant que l'autorité administrative n'a jamais eu la volonté de regarder cette convocation comme une quelconque décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile.
Par ordonnance du 18 aout 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 19 octobre 2016 à 12 heures.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 407/2002 du Conseil du 28 février 2002 fixant certaines modalités d'application du règlement (CE) n° 2725/2000 concernant la création du système Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile et à la procédure applicable devant la Cour nationale du droit d'asile, ensemble le décret n° 2015-1364 du 28 octobre 2015 pris pour l'application des articles 13, 16 et 20 de ladite loi ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante nigériane, née le 9 avril 1995, est entrée irrégulièrement en France le 6 septembre 2015 selon ses déclarations. A la suite du dépôt d'une demande d'asile effectuée par l'intéressée, le 6 octobre suivant, qui a permis de révéler que ses empreintes avaient été précédemment enregistrées en Italie, le préfet de la Haute-Garonne a estimé que la France n'était pas responsable de cette demande d'asile et a placé Mme B... sous le régime de la convocation dite " Dublin III ". Les autorités italiennes, saisies le 4 novembre 2015, ont accepté le 12 janvier 2016 la réadmission de l'intéressée. Par deux arrêtés du 14 juin 2016, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé, d'une part, la remise de l'intéressée aux autorités italiennes et, d'autre part, son placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 17 juin 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé ces deux arrêtés.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 septembre 2016. Par suite, ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 776-24 du code de justice administrative : " Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou par le magistrat désigné, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations. "
4. Selon les mentions du jugement attaqué, le préfet a pu prononcer des observations qui ont été retranscrites. Ces mentions, qui font foi jusqu'à preuve contraire, ne sont contredites par aucune pièce du dossier. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a souligné qu'elle prenait cette décision d'annulation pour défaut de décision préalable du préfet refusant l'admission au séjour " alors même que la convocation édictée dans le cadre de la procédure dite " Dublin III " préciserait qu'elle " ne vaut pas autorisation de séjour ", répondant ainsi aux développements oraux des services du préfet. Dès lors, le moyen selon lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse n'aurait pas pris en compte l'ensemble des observations orales du préfet, lequel relève au demeurant davantage du fond du litige que de la régularité de la décision, doit être écarté.
Sur la légalité des arrêtés :
5. Aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à la loi du 29 juillet 2015 : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats ;(...) ". L'article 35 de la loi du 29 juillet 2015 dispose que : " (...) III.-Sous réserve des dispositions du II du présent article, les articles (...) L. 742-1 à L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) dans leur rédaction résultant de la présente loi, s'appliquent aux demandes d'asile présentées à compter d'une date fixée par décret en Conseil d'Etat, qui ne peut être postérieure au 1er novembre 2015. (...) ". L'article L. 742-3 nouveau prévoit que : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. " Aux termes de l'article 31 du décret du 21 septembre 2015 : " Les dispositions du présent décret autres que celles mentionnées aux I et II de l'article 30 entrent en vigueur le 1er novembre 2015. ".
6. Pour annuler les décisions en litige, le premier juge a estimé qu'il résulte des dispositions précitées qu'une décision portant remise d'un demandeur d'asile aux autorités d'un autre État doit être précédée d'une décision portant refus d'admission en France dans le cas où la demande d'asile a été présentée antérieurement au 1er novembre 2015 . Toutefois, et d'une part, la décision par laquelle le préfet décide de remettre un étranger à la disposition des autorités d'un autre pays de l'Union européenne membre de l'espace Schengen qui a accepté sa reprise en charge n'est pas prise pour l'application de la décision du préfet statuant, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour de l'intéressé, laquelle n'en constitue pas davantage la base légale. Par suite, l'étranger qui fait l'objet d'une telle mesure ne peut utilement soutenir que le défaut de refus d'admission au séjour en France entacherait d'irrégularité la procédure. D'autre part, il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables avant le 1er novembre 2015, que la décision portant remise d'un demandeur d'asile aux autorités d'un autre État doive être précédée d'une décision formalisée portant refus d'admission en France. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne, qui a suffisamment informé l'intéressée de l'engagement d'une procédure de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile en lui adressant une convocation dite " Dublin III " précisant qu'elle peut se voir notifier, lors de sa présentation en préfecture, un arrêté de réadmission et un arrêté de placement en centre de rétention administrative dans le cadre de l'application de cette procédure, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a fait droit au moyen soulevé par Mme B...tiré de ce que l'arrêté portant remise aux autorités italiennes en date du 14 juin 2016 serait entaché d'une erreur de droit.
7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif de Toulouse.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant remise aux autorités italiennes :
8. L'arrêté ordonnant la remise aux autorités italiennes indique la date d'entrée en France de Mme B...et la raison pour laquelle le préfet a considéré que l'Italie était responsable du traitement de sa demande d'asile. Il précise que les autorités italiennes ont accepté de la reprendre en charge. Contrairement à ce que soutient la requérante, cet arrêté indique également le motif pour lequel le préfet a refusé de mettre en oeuvre l'article 17 du règlement européen n° 604/2013 dans la mesure où il mentionne les observations de la requérante quant à son souhait d'une meilleure prise en charge en France où elle serait protégée du réseau de prostitution qui l'a exploitée en Italie, et conclut que la requérante n'établit ni être dans l'impossibilité de retourner en Italie, ni l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de transfert aux autorités responsables de sa demande d'asile et que cette décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation en fait de cet arrêté doit être écarté.
9. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. "
10. Si la requérante soutient d'une part qu'elle aurait été contrainte de quitter l'Italie pour éviter de devoir à nouveau se livrer à la prostitution et que, d'autre part, l'Italie doit faire face à un afflux de migrants ne permettant pas que sa demande de protection soit examinée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le droit d'asile, elle n'apporte aucun élément à même d'étayer ses allégations. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet a apprécié la situation individuelle de Mme B... avant de prendre la décision contestée et ne s'est pas estimé contraint de procéder à la remise de l'intéressée aux autorités italiennes. Par ailleurs, la circonstance que l'Italie serait confrontée à un afflux de migrants ne permet pas à elle seule de démontrer que la prise en charge des demandes d'asile y serait insuffisante. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application des dispositions dérogatoires citées au point 9 et en remettant Mme B...aux autorités italiennes.
11. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l' application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) "
12. Le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser son admission provisoire au séjour au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments indiqués au paragraphe 1 précité de l'article 4 du règlement.
13. Le préfet a produit en première instance une copie des brochures d'information qui ont été remises, comme l'atteste sa signature apposée sur ces documents, à Mme B...le 6 octobre 2015, lors de sa présentation à la préfecture en vue du dépôt d'une demande d'asile. Ces brochures intitulées " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " Dublin III " et figurant en annexe au règlement (UE) du 30 janvier 2014, étaient en langue anglaise, langue que l'intéressée avait déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré du manquement aux dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
14. L'arrêté litigieux vise les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles :" Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L.512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. " L'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyait, avant la loi du 29 juillet 2015, que :" Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats. (...) ". Mme B...soutient que ces dispositions n'étaient plus applicables aux mesures de réadmission des demandeurs d'asile depuis l'entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2015, laquelle a abrogé le premier alinéa de l'article L. 531-2 et créé un chapitre II du titre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la " Procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ", applicable à compter de la date du 1er novembre 2015 mentionnée par le III de l'article 35 de cette loi, ce qui a créé un vide juridique pour les étrangers ayant formé, comme elle, une demande d'asile entre le 30 juillet et le 1er novembre 2015.
15. Toutefois, la circonstance que les dispositions particulières applicables aux demandeurs d'asile n'entreraient en vigueur qu'au 1er novembre 2015 ne faisait pas obstacle à ce que le préfet fasse application des dispositions de l'article L. 531-1, alors même que le code ne spécifiait plus qu'elles s'appliquaient également aux demandeurs d'asile, dès lors qu'en application des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne, l'examen de la demande d'asile de l'étranger relèverait de la responsabilité de l'Etat vers lequel il est renvoyé. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions de l'arrêté attaqué, que le préfet a relevé qu'il ressortait des propres déclarations de l'intéressée qu'elle est entrée irrégulièrement sur le territoire français, en provenance directe de l'Italie, autre Etat membre de l'Union européenne, et qu'elle s'y est maintenue sans être munie des documents et visas exigés par les articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 du même code. Par suite, et contrairement à ce que soutient MmeB..., le préfet de la Haute-Garonne a pu, pour ce seul motif de l'entrée irrégulière, prononcer sa remise aux autorités italiennes en se fondant sur les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans entacher l'arrêté litigieux d'erreur de droit.
En ce qui concerne la décision ordonnant le placement en rétention administrative :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision de placer Mme B...en rétention serait illégale du fait de l'illégalité de la décision portant remise aux autorités italiennes doit être écarté.
17. En deuxième lieu, la décision du 14 juin 2016 ordonnant le placement en rétention de Mme B...fait état de ses déclarations relatives à sa volonté de ne pas retourner en Italie, de l'absence de garanties de représentations effectives et notamment d'un passeport en cours de validité, du fait qu'elle n'a pas déclaré de lieu de résidence effectif ou permanent et de ce qu'il n'existe pas de mesures moins coercitives pour s'assurer de sa personne. Elle est donc suffisamment motivée en fait.
18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...)/". Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) ".
19. Il résulte de ces dispositions que ce n'est que lorsque cette mesure apparaît proportionnée au but recherché, compte tenu des circonstances particulières de chaque espèce, que l'autorité administrative peut, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, ordonner le placement en rétention administrative d'un étranger faisant l'objet d'une décision de remise aux autorités d'un Etat tiers.
20. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...ne détenait pas de passeport ou document d'identité en cours de validité à la date de la décision litigieuse, ni n'avit déclaré de lieu de résidence permanent. La décision de la placer en rétention administrative, qui n'était pas inutile au sens de la directive 2008/115/CE du Parlement européen du 16 décembre 2008, n'est donc entachée d'aucune erreur d'appréciation et n'a par suite pas méconnu le principe de proportionnalité.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
21. Le présent arrêt, qui annule le jugement attaqué et rejette la demande de Mme B..., n'appelle pas de mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de vingt-quatre heures suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou de procéder au réexamen de sa demande, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991
22. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B...tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Les articles 2 à 5 du jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1602728 du 17 juin 2016 sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 16BX02762