Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 août 2016, le préfet du Tarn demande à la cour d'annuler ce jugement n° 1603109 du 19 juillet 2016 et de rejeter la demande d'annulation de l'arrêté du 23 juin 2016 présentée par M.C....
Le préfet soutient que :
- le motif retenu par le premier juge, tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé. La Hongrie n'est pas formellement remise en cause dans son application du règlement dit " Dublin III ". Le Conseil d'Etat considère depuis l'année 2012 que la circonstance qu'un État membre de l'Union européenne ait ratifié la convention de Genève et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est une garantie suffisante en l'absence d'éléments constitutifs d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile. La cour européenne des droits de l'homme, dans une décision du 16 mars 2016, n'a pas prononcé de suspension du transfert de demandeurs d'asile vers la Hongrie sur le fondement de l'article 39 de son règlement en considérant que la Hongrie ne se trouvait pas dans la situation de la Grèce. Au demeurant, l'application du règlement " Dublin III " par les autorités hongroises n'est pas formellement remise en cause par les institutions européennes, la procédure d'infraction engagée par la Commission européenne le 10 décembre 2015 n'ayant à ce jour pas abouti à une phase contentieuse, et la Cour de justice de l'Union européenne a, dans son arrêt C-695/15 PPU du 17 mars 2016, estimé que certaines dispositions de la législation hongroise étaient conformes au droit européen et n'en a sanctionné aucune.
- M. C...n'apporte aucun élément concret et probant susceptible de démontrer que son dossier ne serait pas traité par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Dès lors le renvoi en Hongrie ne constitue pas un risque de traitement contraire au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- comme le révèlent les correspondances d'empreintes issues du fichier Eurodac, M. C... a déposé une demande d'asile auprès des autorités hongroises ;
- s'agissant de la méconnaissance de l'article 4 du règlement 604/2013, il a été informé par écrit et dans une langue qu'il comprend des dispositions du paragraphe 1 de cet article comme en atteste le document relatif à l'entretien individuel complété en présence d'un interprète en langue " Patcho " (sic). Ce document précise également que lui ont été remises les parties A et B du document élaboré par la Commission européenne ainsi que le guide d'accueil du demandeur d'asile rédigés en langue Patcho. Il a ainsi reçu toutes les informations lui permettant de faire valoir ses observations préalablement à la décision de réadmission ;
- M. C...a spontanément déclaré qu'il avait fait l'objet d'une prise d'empreintes en Hongrie. Le système Eurodac étant suffisamment fiable, il n'est pas nécessaire d'effectuer une vérification par un expert en empreintes digitales ;
- à la date de l'arrêté, M. C...résidait en France depuis quatre mois et il n'établit pas avoir créé de relations privées particulières. La décision de remise ne porte donc pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2016, M. B...C..., représenté par MeA..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la réformation du jugement en tant que l'Etat a été condamné à verser à Me D...la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 alors que l'aide juridictionnelle a été demandée par Me A...;
3°) à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de ces mêmes dispositions.
M. C...fait valoir que :
- le préfet n'apporte aucun élément nouveau ni aucun développement particulier tendant à démontrer que le tribunal aurait commis des erreurs en décidant d'annuler l'arrêté en litige. La solution adoptée par le premier juge a été tout récemment confortée par une décision de la cour ayant annulé un arrêté portant réadmission d'un demandeur d'asile vers la Hongrie en l'absence des garanties exigées par le respect du droit d'asile pour le traitement de sa demande d'asile dans ce pays et des risques de traitements contraires à l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- l'arrêté litigieux ne fait pas état de la possibilité de transfert volontaire prévue à l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 tout en omettant de préciser la date et le lieu auxquels le requérant devrait se présenter en cas d'exercice de cette faculté. Le préfet ne l'a pas informé de cette possibilité et a méconnu les articles 29.1 du même règlement et 7 du règlement d'application n° 1560/2013 de la Commission du 2 septembre 2013 en s'abstenant de lui délivrer le laissez-passer consulaire mentionné à ces articles ;
- l'arrêté en litige ne fait nullement état de ce que les autorités françaises seront responsables du traitement de sa demande d'asile en cas d'inexécution de la décision de transfert dans le délai de six mois suivant la décision d'acceptation des autorités hongroises, ce qui l'a privé d'une garantie ;
- cette décision est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été destinataire de l'intégralité des informations requises par l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, le préfet a méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 en date du 26 juin 2013 dans la mesure où les deux brochures prévues par cet article n'étaient pas rédigées dans sa langue maternelle ;
- le préfet n'établit pas qu'il aurait eu connaissance, lors de la prise d'empreintes décadactylaires, de la totalité des informations, dans une langue qu'il comprend, exigées par le paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (CE) n° 603/2013. Le résultat de la comparaison entre les empreintes relevées les 1er et 4 juillet 2015 par les autorités hongroises et celles figurant dans le système central n'a manifestement pas fait l'objet de la vérification par un expert en empreintes digitales, au rebours de l'article 25 paragraphe 4 du règlement n°604/2013 ;
- la réalité de la prise d'empreintes par les autorités hongroises en juillet 2015 dans le cadre d'une procédure de demande d'asile n'est pas établie avec certitude. En l'absence d'éléments probants quant à la réalité d'une prise d'empreintes conformément notamment à l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que les obligations fixées par l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 auraient été satisfaites, s'agissant notamment des qualifications de l'agent administratif ayant procédé à l'audition du demandeur ou de la remise du résumé de cet entretien ;
- la compétence des autorités hongroises en vue de l'instruction de sa demande d'asile n'est pas établie par les pièces du dossier, en l'absence de précisions sur le critère retenu pour désigner la Hongrie comme pays responsable du traitement de sa demande. Le préfet devra communiquer les différentes pièces de la procédure de réadmission afin de s'assurer des motifs de la prise en charge et vérifier que ceux-ci sont identiques à ceux invoqués par la France ;
- c'est au prix d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation familiale et personnelle que le préfet lui a refusé le bénéfice de la clause de souveraineté mentionnée à l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, dès lors qu'il a indiqué qu'il se sent en sécurité en France et qu'il y a tissé des liens personnels. Il ressort en outre de la motivation de la décision litigieuse que l'administration s'est estimée à tort en situation de compétence liée pour prescrire son transfert de par, notamment, l'absence de prise en considération des éléments de sa situation personnelle. Le préfet a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;
- un transfert vers la Hongrie porterait gravement atteinte à ses droits car il ne pourrait y bénéficier de l'ensemble des garanties afférentes au droit d'asile et pourrait y subir des traitements contraires à l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet n'a sollicité aucune garantie des autorités hongroises alors que plusieurs juridictions ont reconnu l'existence de défaillances systémiques avérées dans ce pays. Une procédure en infraction est en cours auprès de la commission européenne pour non respect du droit d'asile par la Hongrie, certains points de la législation hongroises récemment modifiée apparaissant incompatibles avec le droit de l'Union. La décision attaquée a été prise en l'absence d'un examen préalable personnalisé et adapté à sa situation, en méconnaissance de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le jugement a condamné l'Etat à verser une somme de 1 200 euros à MeD..., qui s'est substitué à Me A...pour l'audience, alors que cette dernière a déposé la demande et que l'aide juridictionnelle lui a été accordée pour la procédure. Le jugement doit donc être réformé sur ce point.
Par ordonnance du 7 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 novembre 2016 à 12 heures.
M. C...bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant afghan né en 1993, est entré en France via la Hongrie dans le courant du mois de janvier 2016 et a déposé le 25 février suivant une demande d'asile auprès du préfet de la Haute-Garonne. Après avoir constaté par la consultation du fichier Eurodac que les empreintes de l'intéressé avaient déjà été relevées par les autorités hongroises les 1er et 4 juillet 2015 et obtenu, en l'absence de réponse à sa demande de réadmission formulée en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013, l'accord implicite de la Hongrie pour prendre en charge la demande d'asile de M. C...le 24 mai 2016, le préfet du Tarn a décidé, par un arrêté du 23 juin 2016, de remettre M. C...aux autorités hongroises. Le préfet du Tarn relève appel du jugement du 19 juillet 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. C...tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 juin 2016 :
2. Pour annuler l'arrêté en litige, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a estimé, d'une part, " que la Hongrie (...) a fait (...) l'objet le 10 décembre 2015, de l'ouverture par la Commission de l'Union européenne, d'une procédure d'infraction au sujet de sa législation en matière d'asile, mettant en évidence notamment, le caractère non suspensif des recours contentieux, le non-respect des garanties d'interprétation et de traduction et l'absence de garanties effectives du droit au recours et à l'accès à un tribunal impartial, faisant obstacle à la mise en oeuvre de la plénitude des garanties attachées à l'exercice, par la personne qui en demande le bénéfice, de son droit d'asile ", et d'autre part " que le 17 décembre 2015, le commissaire européen aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a, en vertu des stipulations de l'article 36 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, présenté des observations écrites dans deux affaires pendantes devant la Cour relatives au transfert de ressortissants étrangers de l'Autriche vers la Hongrie, dans lesquelles il indique, sur la base des constats qu'il a faits lors de sa visite en Hongrie en novembre 2015, que les demandeurs d'asile qui sont renvoyés vers cet Etat courent un risque considérable de subir des violations des droits de l'homme puisque les demandes d'asile déposées par les personnes renvoyées actuellement en Hongrie en application du règlement " Dublin III " ne sont généralement pas examinées au fond et que cette situation, qui prive les demandeurs d'asile du droit à ce que leur demande soit dûment examinée, les expose à un risque très élevé de refoulement vers d'autres pays ", et " que ces éléments récents et circonstanciés émanant, d'une part, du commissaire européen aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe qui, en vertu de la résolution (99)50 adoptée par le Comité des Ministres le 7 mai 1999, a notamment pour mandat d'identifier d'éventuelles insuffisances dans le droit et la pratique des Etats membres en ce qui concerne le respect des droits de l'homme et, d'autre part, de la Commission européenne dans sa mission de surveillance de l'application du droit de l'Union, constituent à la date de la décision attaquée de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Hongrie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, de nature à entraîner un risque de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ".
3. Le droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter la qualité de réfugié, constitue une liberté fondamentale et implique que l'étranger qui sollicite la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 1° de cet article permet de refuser l'admission au séjour en France d'un demandeur d'asile, lorsque la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat membre de l'Union européenne, en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers. Toutefois, le dernier alinéa du même article prévoit que " les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° ". Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " (...) / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. " Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, également repris à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
4. Il résulte de ces dispositions que la présomption selon laquelle un État appliquant le règlement dit " Dublin III " respecte ses obligations découlant de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant subi par ces derniers. Les dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 prévoient ainsi que chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par ce règlement. Cette possibilité, également prévue par l'article 17 du même règlement et reprise par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit en particulier être mise en oeuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ce cas, les autorités d'un pays membre peuvent, en vertu du règlement communautaire précité, s'abstenir de transférer les ressortissants étrangers vers le pays pourtant responsable de sa demande d'asile si elles considèrent que ce pays ne remplit pas ses obligations au regard de la Convention, notamment en cas d'étranger malade compte tenu de la durée du traitement et de ses effets physiques et mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge, de l'état de santé du demandeur et le cas échéant, de sa particulière vulnérabilité.
5. Si la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne, partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complété par le protocole de New-York, et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins au juge administratif de rechercher si, à la date de l'arrêté contesté, au vu de la situation générale du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile en Hongrie il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise aux autorités hongroises, il ne bénéficierait pas d'un examen effectif de sa demande d'asile et risquerait de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Le préfet du Tarn se prévaut en premier lieu de l'arrêt C-695/15 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 17 mars 2016 selon lequel la législation hongroise en matière d'asile serait conforme au droit européen. Toutefois cet arrêt, rendu sur renvoi préjudiciel d'un tribunal hongrois, s'est borné à estimer que les aspects de la législation hongroise en matière d'asile soumis à la Cour étaient compatibles avec le droit européen, en particulier que les autorités compétentes en matière d'asile d'un Etat-membre peuvent déclarer une demande de protection irrecevable si un demandeur a transité ou séjourné dans un pays sûr, qu'un Etat-membre peut procéder à un renvoi d'un demandeur vers un pays sûr même après avoir accepté de le reprendre en charge sur la demande d'un autre Etat membre, et que l'Etat-membre responsable n'a pas besoin d'informer l'Etat procédant au transfert de sa règlementation et de sa pratique en ce qui concerne les renvois vers les pays sûrs. Il ne saurait donc être utilement invoqué pour démontrer que la pratique de ce pays en matière d'asile serait de nature à lever les doutes exprimés sur d'autres points par le commissaire européen aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, évoqués au point 2.
7. En deuxième lieu, le préfet ne peut davantage invoquer une décision isolée de la Cour européenne des droits de l'homme refusant de suspendre, en application d'une procédure d'urgence, une procédure de remise à la Hongrie, sur laquelle aucune précision n'est apportée quant aux motifs qui ont présidé à cette décision.
8. En troisième lieu, la circonstance que la Commission européenne n'aurait pas donné suite à la procédure d'infraction à la législation européenne en matière d'asile engagée contre la Hongrie le 10 décembre 2015 n'est pas davantage de nature à démontrer que ce pays respecterait des conditions d'examen des demandes et de traitement des demandeurs d'asile conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet du Tarn n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision de remise de M. C... aux autorités hongroises pour méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
En ce qui concerne la première instance :
9. Le jugement attaqué a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à MeD..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens. Or il ressort des pièces du dossier que M. C...était représenté par Me A...et non par MeD..., qui s'est borné à se substituer à son confrère à l'audience. Dès lors, il y a lieu de réformer le jugement attaqué en enjoignant à l'Etat de verser la somme de 1 200 euros susénoncée à MeA....
En ce qui concerne l'appel :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que l'avocat du requérant renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Tarn est rejetée.
Article 2 : L'article 3 du jugement n° 1603190 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 19 juillet 2016 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à Me A...des sommes de 1 200 euros et 1 000 euros, au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens, respectivement en première instance et en appel, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
Paul-André BRAUDLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX02843