Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 août 2016, MmeC..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 29 février 2016 par lequel le préfet du Tarn lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., née le 24 avril 1984 et de nationalité albanaise, est entrée sur le territoire français le 10 juin 2012 avec ses trois enfants nés respectivement en 2001, 2004 et 2011 pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée le 7 septembre 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 9 décembre 2015. Le 29 février 2016, elle a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi opposé par le préfet du Tarn, puis a été assignée à résidence le 7 juin 2016 faute d'avoir exécuté la mesure d'éloignement. Par jugement du 8 juin 2016, le magistrat délégué du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, de la décision fixant le pays de destination et de la mesure d'assignation. Mme B...ne conteste plus la mesure d'assignation mais interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté a été signé par M. D...G..., préfet du Tarn, qui a été nommé par décret du Président de la République du 31 juillet 2014. Le moyen relatif à l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué qui vise les stipulations conventionnelles et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a entendu faire application, mentionne les considérations de fait sur lesquels repose la décision de refus de séjour. Par suite, et alors même que le préfet n'aurait pas indiqué l'ensemble des éléments dont Mme B...se prévalait, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée.
4. En troisième lieu, la motivation de la décision révèle que le préfet du Tarn s'est livré à un examen particulier de la situation de la requérante.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. /En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident est délivrée de plein droit à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné ".
6. Mme B...a déposé plainte en tant que représentante légale de son fils Sabjan pour attouchements sexuels avec violence et contrainte et s'est constituée partie civile. Si l'affaire est en cours et devrait être jugée par le tribunal correctionnel d'Albi, les faits en cause ne sont pas au nombre des incriminations mentionnées par les dispositions du code pénal limitativement énumérées à l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Mme B...ne peut donc se prévaloir de cet article.
7. En cinquième lieu, Mme B...réside sur le territoire français avec ses trois enfants depuis 2012 à la suite de l'assassinat en Albanie de son époux survenu en septembre 2011 et elle occupe des emplois de femme de ménage chez des particuliers. Mais ces circonstances ne suffisent pas à établir que le centre de sa vie familiale se serait trouvé en France à la date du refus de séjour en litige. Il n'est pas non plus établi que les troubles psychiatriques du fils de la requérante font obstacle à ce qu'elle reparte en Albanie avec ce dernier pour y poursuivre sa vie familiale. Par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de ce refus sur sa vie personnelle et méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En sixième lieu, la requérante fait valoir que le préfet aurait dû lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité. Toutefois, pour les mêmes motifs qu'au point précédent, Mme B...ne justifie d'aucun motif humanitaire ni d'aucune circonstance exceptionnelle l'autorisant à se prévaloir de cet article.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé par le préfet du Tarn.
En ce qui concerne les autres moyens à l'appui de la demande d'annulation de la mesure d'éloignement :
10. En premier lieu, et dès lors que le refus de séjour est suffisamment motivé, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire fondée sur les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. En deuxième lieu, la motivation de la décision révèle que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de MmeC..., notamment en ce qui concerne sa situation familiale.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.
13. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union sur lequel le premier juge s'est également fondé. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
14. En l'espèce, le refus de séjour opposé à Mme B...fait suite au rejet de la demande d'asile de l'intéressée dont l'instruction lui a permis de présenter de manière utile et effective ses observations au sujet de son séjour. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas eu la possibilité de faire valoir son droit d'être entendue.
15. En quatrième lieu, Mme B...ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui ne fixe pas par elle-même le pays de renvoi.
16. En cinquième lieu, Mme B...ne fait état d'aucun élément faisant obstacle à ce que ses enfants l'accompagnent et à ce que la cellule familiale puisse se reconstruire dans leur pays d'origine. En particulier il ne ressort pas des pièces du dossier que son fils aîné ne pourrait pas recevoir en Albanie les soins appropriés à son état de santé ni qu'un retour en Albanie ferait par lui-même obstacle au traitement de ses problèmes psychiatriques. De plus, les enfants de la requérante peuvent être scolarisés en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
17. Enfin, pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en indiquant qu'elle n'établissait pas les risques encourus en cas de retour en Albanie sans faire mention ni des risques qu'elle invoque ni de l'état de santé de son fils aîné, le préfet du Tarn aurait entaché sa décision d'erreurs de fait.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français qui lui ont été opposé par le préfet du Tarn.
19. En deuxième lieu, la décision mentionne que Mme B...est susceptible d'être éloignée vers l'Albanie, pays dont elle est ressortissante, qu'elle n'établit pas que sa vie ou sa liberté serait menacée ou qu'elle serait exposée à des traitements contraires aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine l'Albanie, pays dans lequel elle a vécu jusqu'en février 2012. Elle est ainsi suffisamment motivée.
20. En troisième lieu, il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment des articles L. 512-1 et suivants, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi. Par suite, Mme B...ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 prévoyant une procédure contradictoire, qui ne sont pas applicables.
21. En quatrième lieu, MmeC..., dont la demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 septembre 2012 et de la Cour nationale du droit d'asile du 9 décembre 2015, soutient qu'elle encourt des risques de persécutions, de violences et de traitements inhumains ou dégradants en raison du conflit privé qui a entraîné l'assassinat de son mari à la suite d'un conflit personnel. Ces allégations ne sont toutefois étayées par aucun élément probant quant aux risques personnels qu'elle encourrait en cas de retour en Albanie. De surcroît, les certificats médicaux que produit MmeC..., faisant état des problèmes de santé de son fils et établissant la nécessité d'un suivi psychiatrique de l'enfant n'indiquent aucune contre-indication au retour de l'enfant en Albanie, ainsi qu'il a été rappelé précédemment. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, même si le préfet n'a pas mentionné la situation spécifique du fils de la requérante en cas de retour en Albanie.
22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 février 2016 par lequel le préfet du Tarn lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent, par suite, être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme F...veuve B...est rejetée.
N° 16BX02834