Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet et 20 octobre 2015, M. C... B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n°1500903 du tribunal administratif de Toulouse du 28 mai 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 31 décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou une autorisation provisoire de séjour en cas d'annulation de la seule obligation de quitter le territoire français ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant algérien est, selon ses déclarations, entré en France le 25 septembre 2012. En réponse à sa demande de certificat de résidence en raison de son état de santé, le préfet de la Haute-Garonne lui a délivré un certificat de résidence valable un an à compter du 19 août 2013. Par un arrêté du 31 décembre 2014, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de renouvellement, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 mai 2015 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2014.
Sur la légalité de l'arrêté du 31 décembre 2014 :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) ". L'article R. 313-22 dudit code prévoit que cet avis est émis " dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ". L'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé, pris pour l'application de ces dispositions, prévoit notamment que le rapport médical du médecin agréé ou du praticien hospitalier est adressé sous pli confidentiel au médecin inspecteur de la santé publique ou au médecin chef de la préfecture de police, qui conserve ce rapport et transmet son avis à l'autorité préfectorale.
3. D'une part, il résulte des dispositions et stipulations citées au point 2 qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. D'autre part, il appartient au juge, pour contrôler si l'administration a correctement apprécié les possibilités d'accès effectif aux soins en Algérie, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments du dossier. Lorsque le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que les soins nécessaires étaient disponibles dans ce pays, il appartient à l'étranger d'apporter tous éléments de nature à infirmer cette affirmation.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B...est atteint du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), soigné par trithérapie, qu'il souffre de troubles oto-rhino-laryngologiques, pour lesquels il a subi trois interventions depuis son entrée sur le territoire national, et de dépression réactionnelle. Selon l'avis du médecin de l'agence régionale de santé émis le 10 juillet 2014, son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais le traitement approprié existe dans son pays d'origine. Pour établir qu'il ne peut accéder effectivement au traitement requis notamment en raison de pénuries récurrentes d'antirétroviraux en Algérie, M. B...produit plusieurs articles de presse, documents associatifs et rapports faisant état de l'existence de pénuries de médicaments entre 2010 et 2015, ainsi que deux certificats médicaux, dont l'un qui, bien que postérieur à l'arrêté en litige, est particulièrement étayé et conclut à l'existence d'" un risque significatif qu'il ne puisse bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ". Dans ces circonstances, eu égard à l'état de santé de l'intéressé et au traitement requis qui implique une consommation régulière de médicaments, et alors que le préfet de la Haute-Garonne ne produit aucun document de nature à infirmer les allégations du requérant, M. B...doit être regardé comme rapportant la preuve de son impossibilité d'accéder effectivement de manière continue au traitement requis par son état de santé. Par suite, le préfet a méconnu les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
6. Par voie de conséquence, l'obligation faite à M. B...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi sont entachées d'illégalité et doivent être également annulées.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 31 décembre 2014.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " .
9. Compte tenu du motif sur lequel elle repose, l'annulation de l'arrêté contesté implique nécessairement, en l'absence de nouveaux éléments, que soit délivré à M.B..., un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer ce titre de séjour à l'intéressé, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B...d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500903 en date du 28 mai 2015 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 31 décembre 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. B...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. B...une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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No 15BX02613