Par une requête, enregistrée le 6 février 2015, la commune de Bordeaux, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 décembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat départemental CFDT-Interco de la Gironde devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) de mettre à la charge du syndicat départemental CFDT-Interco de la Gironde la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal, qui a en réalité statué sur la légalité de l'engagement contractuel de MmeA..., qui n'était pourtant pas attaqué par le Syndicat, a annulé la délibération du conseil municipal de Bordeaux alors que celle-ci a uniquement prévu que le poste était susceptible d'être occupé par un agent contractuel ;
- la délibération litigieuse ne méconnaît pas le 2°) de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984, dès lors que le conseil municipal n'a pas entendu recruter exclusivement un agent contractuel sur le poste de directeur du musée des arts décoratifs de Bordeaux, mais, seulement, prévoir cette possibilité dans l'hypothèse où aucune candidature de fonctionnaire ne serait retenue, ce qu'il était parfaitement en droit de faire dès lors que l'emploi de conservateur en chef constitue un emploi de catégorie A ;
- le fait qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions revues par la loi du 26 janvier 1984 conditionne uniquement la légalité de la décision de nomination d'un agent contractuel et non de la délibération indiquant qu'un contractuel est susceptible d'être recruté ;
- en tout état de cause, et contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, le conseil municipal pouvait légalement autoriser le recrutement d'un agent contractuel par transformation du poste de conservateur en chef du patrimoine au constat de l'échec de la procédure de recrutement d'un fonctionnaire sur le poste de conservateur en chef du musée des arts décoratifs de Bordeaux ;
- à cet égard, le tribunal n'a pas tenu compte de l'importance accordée à l'orientation artistique du design parmi l'ensemble des collections exposées au Musée des arts décoratifs, qui constituait pourtant l'un des critères déterminants d'appréciation des candidats par le jury réuni le 27 juin 2012, qui a constaté alors que les profils des fonctionnaires se limitaient à l'enrichissement et à la mise en valeur des arts décoratifs sans aucune connaissance particulière de l'art design ;
- une nouvelle diffusion d'offre d'emploi, notamment dans le magazine Télérama (août 2012), ayant eu lieu de nouveau sans succès, c'est la raison pour laquelle la commune de Bordeaux a envisagé la possibilité de recruter un titulaire ou un agent contractuel sur ce poste qui semblait devoir rester vacant au départ de l'ancien directeur, prévu pour le 27 août 2012, à défaut de candidats titulaires adaptés au poste et à l'ambition de la structure ;
- la candidature de Mme A...est apparue particulièrement en adéquation avec le profil recherché par le jury, du fait de son expertise reconnue en design, qui procurait un avantage déterminant pour le Musée ;
- la circonstance que des fonctionnaires membres du cadre d'emplois des conservateurs de patrimoine avaient les compétences requises pour occuper le poste de directeur d'un musée, n'indique nullement que leur profil était le plus adéquat au musée des arts décoratifs de Bordeaux en raison de ses spécificités ;
- la spécificité forte des besoins du service justifiait de ce fait le recrutement d'un agent contractuel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2015, le syndicat départemental CFDT-Interco de la Gironde, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la commune de Bordeaux la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la commune de Bordeaux ne donne aucun élément sur les conditions et les dates de diffusion de la nouvelle publicité d'emploi qu'elle allègue avoir diffusée à la suite de la réunion du jury le 27 juin 2012 et ne produit pas davantage les candidatures censées avoir été reçues à l'issue de cette " nouvelle " diffusion d'offre d'emploi ;
- la délibération contestée ayant pour objet de transformer le poste de conservateur territorial en chef du patrimoine de façon à permettre le recrutement de MmeA..., la commune de Bordeaux ne peut sérieusement soutenir qu'elle aurait uniquement pour but de préciser que cet emploi était susceptible d'être occupé par un agent contractuel ;
- la délibération contestée méconnaît les dispositions de l'article 3-3 2°) de la loi du 26 janvier 1984, dès lors que les conditions dérogatoires qu'elles prévoient n'étaient pas remplies en l'espèce. A cet égard, le cadre d'emploi des conservateurs territoriaux du patrimoine, dont le statut particulier est issu du décret du 2 septembre 1991, a vocation à assurer les fonctions de directeur du Musée des arts décoratifs ;
- la commune de Bordeaux n'établit pas qu'aucun fonctionnaire n'aurait pu être recruté sur ce poste, dès lors qu'une expérience en art design, que l'offre d'emploi diffusée sur le site emploi territorial ne mettait pas en évidence, ne pouvait être considérée comme un critère déterminant d'appréciation des candidatures.
- si l'appelante prétend que les besoins du service tiennent à l'impossibilité de recruter un fonctionnaire en raison de l'échec d'un appel à candidature resté infructueux, elle ne produit toutefois pas la déclaration de vacance d'emploi qui doit être faite au centre de gestion chargé de la publicité des offres d'emploi, pour les emplois permanents.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 91-839 du 2 septembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Afin de pourvoir au départ à la retraite de la conservatrice en chef, directrice du Musée des arts décoratifs de Bordeaux, envisagée à la fin de l'année 2012, la commune de Bordeaux a procédé à une publicité de cette vacance d'emploi à venir les 18 et 20 avril 2012 sur Internet et par voie de presse. A la suite de l'examen des six candidatures réceptionnées dans ce cadre lors de sa réunion du 27 juin 2012, qui émanaient toutes de fonctionnaires territoriaux, le jury de sélection a considéré qu'aucune d'entre elles ne présentait les compétences attendues sur le poste, notamment en matière d'art design. Peu après l'adoption d'une délibération du 17 décembre 2012 par laquelle le conseil municipal de Bordeaux a modifié le tableau des effectifs de la ville de Bordeaux en autorisant notamment la transformation du poste de conservateur en chef permettant d'accueillir un agent non titulaire, MmeA..., qui n'a pas la qualité de fonctionnaire, a été recrutée sur le poste de directeur du Musée des arts décoratifs de Bordeaux. Par un jugement du 9 décembre 2014 dont la commune de Bordeaux relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par le syndicat départemental CFDT-Interco de la Gironde, a annulé cette délibération du 17 décembre 2012 ainsi que la décision du 27 février 2013 par laquelle l'adjoint au maire de la collectivité territoriale a rejeté son recours gracieux formé le 12 février 2013 tendant au retrait de celle-ci.
2. Aux termes des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, issues du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 : " (...) Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, (...) par ordonnance, rejeter (...) après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".
3. Selon l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents (...) des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont (...) occupés (...) par des fonctionnaires régis par le présent titre (...) ". Aux termes de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984, issu de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi ; (...) ". L'article 2 du décret du 2 septembre 1991 susvisé dispose : " Les conservateurs territoriaux du patrimoine exercent des responsabilités scientifiques et techniques visant à étudier, classer, conserver, entretenir, enrichir, mettre en valeur et faire connaître le patrimoine d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public mentionné à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 précitée. Ils peuvent participer à cette action par des enseignements ou des publications. Ils organisent à des fins éducatives la présentation au public des collections qui leur sont confiées et participent à l'organisation des manifestations culturelles, scientifiques et techniques. (...) Ils ont vocation à occuper les emplois de direction de ces établissements et services ". L'existence, ou l'absence, du caractère permanent d'un emploi doit s'apprécier au regard de la nature du besoin auquel répond cet emploi et ne saurait résulter de la seule durée pendant laquelle il est occupé.
4. Il ressort des pièces du dossier que le directeur du Musée des arts décoratifs, placé sous l'autorité hiérarchique de la direction générale des affaires culturelles de la commune de Bordeaux, a notamment pour mission d'assurer le management général du musée et sa direction scientifique et technique, de proposer, en cohérence avec les orientations de la politique culturelle de la Ville, un projet scientifique et culturel permettant au musée de renforcer sa notoriété ainsi que son attractivité nationale et internationale sur la plan scientifique et culturel, de définir et de mettre en oeuvre une stratégie de communication et de mécénat pertinente en cohérence avec celle de la Ville et de garantir la mise en oeuvre administrative, juridique et technique du projet scientifique et culturel placé sous sa responsabilité. Ainsi, eu égard à l'ensemble de ses attributions, un tel emploi présente les caractéristiques d'un emploi permanent au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983.
5. Il est constant qu'avant l'adoption de la délibération litigieuse, l'emploi de directeur du Musée des arts décoratifs était occupé par des fonctionnaires territoriaux membres du cadre d'emploi des conservateurs territoriaux du patrimoine, relevant de la catégorie A de la fonction publique territoriale et ayant vocation à l'occuper, conformément à l'article 2 du décret du 2 septembre 1991 susmentionné. Contrairement à ce que soutient la commune de Bordeaux, il ressort de la chronologie des faits, telle qu'elle a été exposée au point 1, ainsi que d'un courrier en date du 27 février 2013 adressé par l'adjoint au maire de la commune de Bordeaux à la secrétaire départementale du syndicat intimé, mentionnant que " à l'unanimité, le jury (...) a proposé à Monsieur le maire de Bordeaux la candidature de MadameA... ", que la délibération contestée du 17 décembre 2012 ne s'est pas bornée à prévoir la possibilité de recruter un agent contractuel sur cet emploi dans l'hypothèse où aucune candidature d'un fonctionnaire ne serait finalement retenue, mais qu'elle avait pour objet même de transformer l'emploi de conservateur en chef du patrimoine afin de permettre le recrutement de l'intéressée, qui n'appartenait pas à un tel cadre d'emploi, au terme de la procédure d'examen des différentes candidatures au poste.
6. Pour justifier de la nécessité de recruter un agent contractuel sur le poste de directeur du Musée des arts décoratifs, par dérogation aux dispositions susmentionnées de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983, la commune de Bordeaux soutient en appel, comme elle l'a déjà fait devant les premiers juges, que les six fonctionnaires ayant déposé leur candidature en vue de leur examen par le jury, réuni le 27 juin 2012, ne disposaient pas du profil requis pour occuper ce poste dès lors qu'il se limitait à l'enrichissement et à la mise en valeur des arts décoratifs sans aucune connaissance particulière de l'art design, qui, constituait l'un des critères déterminants d'appréciation des candidatures et, partant, de sélection du directeur. Toutefois, si l'offre d'emploi publiée en avril 2012, versée par la commune en première instance, mentionnait que le musée est " doté d'une riche collection en arts décoratifs des XVIIème XVIIIème et XIXème siècles et en design des XXème et XXIème siècles, il dispose pour la présentation des collections permanentes d'un espace de 1 200 m2 dont 300 m2 consacrés au design ", et comportait ainsi une référence à l'art design, il n'est pas établi que les missions confiées au directeur du Musée des arts décoratifs, telles qu'elles ont été exposées au point 4, requéraient une compétence particulière dans ce domaine. L'offre d'emploi susmentionnée précisait ainsi expressément que le candidat au poste devrait posséder notamment une " très bonne connaissance de l'histoire de l'art, de la muséologie et muséographie et du marché de l'art (spécialité arts décoratifs) ", une " bonne appréhension des enjeux artistiques et culturels des collectivités territoriales ", une " capacité d'innovation et de projection dans l'évolution du musée ", un " sens confirmé des responsabilités et de l'organisation ", " une capacité avérée à manager une équipe et à mener une démarche projet partagée ", de " bonnes capacités relationnelles ", un " sens du service public et garant de sa qualité " et ajoutait que une " expérience de direction d'un musée de France [était] souhaitée ", sans pré-requis spécifiques dans l'art design. Il ressort en outre des pièces du dossier que les six candidatures des fonctionnaires territoriaux concernés émanaient d'un attaché de conservation du patrimoine et de cinq conservateurs du patrimoine, et, plus particulièrement, d'une conservatrice du Musée de l'Ile de France à Sceaux, qui comporte des collections en beaux-arts et arts décoratifs du XVIIème au XXIème siècles, une directrice du Musée du Président J. Chirac à Sarran, précédemment conservatrice du patrimoine en chef du Musée national des douanes de Bordeaux, dont le curriculum vitae mentionne d'ailleurs une expérience en art design, une conservatrice du patrimoine au Musée des Beaux-arts de la ville de Tours, qui comporte des collections de sculptures et d'arts décoratifs, une conservatrice des Musées et du Patrimoine du département des Landes, et une conservatrice en chef du Musée des Beaux-arts et de la Dentelle d'Alençon, dont les profils correspondaient ainsi aux exigences définies dans l'offre d'emploi. Par ailleurs, la commune de Bordeaux n'établit pas, par ses seules allégations, avoir procédé à une nouvelle publicité d'offre d'emploi par voie de presse, en août 2012, afin de permettre le recrutement de fonctionnaires sur ce poste de directeur. Dans ces conditions, en se bornant à soutenir que la candidature de Mme A... est apparue particulièrement en adéquation avec le profil recherché par le jury, du fait de son expertise reconnue en design, qui procurait un avantage déterminant pour le Musée, la commune de Bordeaux ne justifie pas plus en appel qu'elle ne l'avait fait devant le tribunal que les circonstances de l'espèce justifiaient qu'il fût dérogé au principe d'un recrutement prioritaire des fonctionnaires territoriaux sur l'emploi en cause sur le fondement du 2°) de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984.
7. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions pouvait être utilement soulevé devant le tribunal par le syndicat départemental CFDT-Interco de la Gironde à l'encontre de la délibération du 17 décembre 2012 ainsi que, par voie de conséquence, de la décision du 27 février 2013 rejetant le recours gracieux formé contre cette délibération, alors même qu'il n'avait pas contesté directement la décision de recrutement de MmeA....
8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la commune de Bordeaux est manifestement dépourvue de fondement et peut dès lors être rejetée, en ce compris ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par les dispositions, précitées au point 2, du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune appelante la somme de 1 500 euros à verser au syndicat départemental CFDT-Interco de la Gironde au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la commune de Bordeaux est rejetée.
Article 2 : La commune de Bordeaux versera la somme de 1 500 euros au syndicat départemental CFDT-Interco de la Gironde en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Bordeaux et au syndicat départemental CFDT-Interco de la Gironde.
Fait à Bordeaux, le 27 mars 2017
La présidente de la Cour,
Anne Guérin,
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 15BX00446