Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 novembre 2020, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 12 février 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant abrogation de son visa de long séjour et refus de séjour méconnaît l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la communauté de vie avec son époux de nationalité française a cessé en raison des violences qu'il lui faisait subir ; c'est à tort que les premiers juges ont retenu que ces violences n'étaient pas établies par les pièces du dossier ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle renvoie à ses écritures de première instance.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... D...,
- et les observations de Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante ukrainienne née le 27 juillet 1974, est entrée en France le 25 février 2018, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 20 février 2018 au 20 février 2019, à la suite de son mariage le 21 octobre 2017 avec un ressortissant français. Par un arrêté du 12 février 2019, la préfète de la Gironde a abrogé son visa de long séjour valant titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme E... relève appel du jugement du 14 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...). " Aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". (...) ".
3. Il est constant que la vie commune de Mme E... avec le ressortissant français qu'elle a épousé a cessé au mois de juillet 2018, la requérante ayant quitté le domicile conjugal. Mme E... expose y avoir été contrainte afin d'échapper aux violences psychologiques dont elle était victime depuis plusieurs mois, en particulier depuis son retour d'Ukraine où elle s'était rendue au mois de novembre 2017 pour refaire son passeport. Pour établir la matérialité de telles violences, elle produit notamment une main courante du 2 juillet 2018, deux plaintes déposées les 16 juillet et 6 septembre 2018 pour des faits de violence sans incapacité par une personne étant le conjoint de la victime et un certificat médical du 9 juillet 2018 d'un médecin généraliste mentionnant qu'elle " prétend être victime de violence " et " a très peur ". Ces pièces ne reposent toutefois que sur les seules déclarations de l'intéressée et ne sauraient permettre d'établir les violences qu'elle indique avoir subies, alors notamment qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les plaintes qu'elle a déposées auraient donné lieu à des poursuites. En outre, si Mme E... soutient avoir reçu de son époux des photographies de menaces, les documents qu'elle produit à l'instance sont d'une insuffisante qualité pour permettre de corroborer ses allégations. Enfin, la circonstance que son époux ait été condamné en 2010 pour des faits de menace à l'encontre de sa précédente épouse ne saurait constituer une preuve des violences en ce qui la concerne. Dans ces conditions, les témoignages des intervenants à l'association pour l'accueil des femmes en difficulté faisant état de la grande fragilité de Mme E... après qu'elle eut quitté le domicile de son époux n'étant pas davantage de nature à établir la matérialité des violences, le moyen tiré de ce que la préfète aurait, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à Mme E... de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour qui lui a été opposée ne peut qu'être écarté.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme B... D..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mai 2021.
La présidente,
Brigitte Phémolant
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03702