Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 octobre 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 avril 2020 de la préfète de la Vienne ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de lui délivrer, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à défaut de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
- il est entaché d'incompétence de son auteur dès lors que la délégation de signature est trop large pour permettre de déterminer les attributions qui ont été déléguées ;
En ce qui concerne la décision portant de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée et n'a pas pris en compte les éléments récents de sa situation et de son état civil ;
- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le défaut de prise en charge de son état de santé pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut bénéficier d'un suivi identique ou équivalent dans son pays d'origine alors que son appareillage doit être entretenu et contrôlé par des professionnels ;
- elle méconnait l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle méconnait l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, qui déclare être né le 15 mars 2000, et être en France depuis le 8 juillet 2016, a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à la remise en cause de sa minorité en mars 2017. Le 26 juillet 2018, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou, à défaut sur le fondement du 11° du même article en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 8 avril 2020, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 22 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 3 février 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète de la Vienne a donné délégation à M. Emile Soumbo, secrétaire général, à l'effet de signer notamment toutes décisions entrant dans le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette délégation est suffisamment précise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes doit être écarté.
Sur la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des dispositions de droit dont il est fait application ainsi que des circonstances de fait, notamment la situation personnelle et familiale de M. A..., au vu desquelles la décision a été prise. La circonstance que la préfète qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances relatives à la situation personnelle de M. A..., n'aurait pas tenu compte d'un élément récent pour analyser la situation de M. A... est sans effet sur le caractère suffisant de la motivation de sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre de plusieurs pathologies, et en particulier d'une hépatite B pour laquelle il bénéficie d'un suivi au centre hospitalier de Poitiers, d'une surdité nécessitant un appareillage des deux oreilles, de troubles orthophoniques, de problèmes d'attention et de mémoire ainsi que de troubles psychologiques engendrés notamment par un état de stress post-traumatique. La préfète, qui s'est appropriée le sens de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 20 décembre 2020, a considéré que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ni le certificat du 18 juillet 2018 d'un médecin généraliste, antérieur à l'avis de l'OFII, ni la décision de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) fixant le taux d'incapacité de l'intéressé entre 50 et 79 % ne permettent de retenir que le défaut de prise en charge médicale serait de nature à entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Si le requérant produit un certificat du même médecin généraliste du 10 décembre 2020 attestant d'une part, de la nécessité de poursuivre le suivi médical de l'hépatite B par fibroscan pour visualiser un éventuel passage en phase active de l'hépatite, sans lequel les conséquences pourraient être dramatiques, et, d'autre part, de la possibilité de la commission " d'un acte irréversible " en l'absence d'un suivi psychologique, toutefois, cette attestation peu circonstanciée qui ne fait état d'aucune prescription médicamenteuse ni d'un suivi psychologique en cours n'est corroborée par aucun autre certificat médical. S'agissant de l'hépatite, il ressort du compte rendu du CHU de Poitiers du 21 août 2020, que celle-ci est peu active et sans fibrose et que l'examen réalisé le 12 août 2020 est rassurant. Si le requérant soutient qu'un suivi similaire ou équivalent ne serait pas disponible en Guinée, ses seules affirmations non circonstanciées ni étayées sur ce point ne sont corroborées par aucun élément du dossier. Dans ces conditions, les éléments fournis par l'appelant ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour contestée méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., célibataire et sans enfant, qui ne résidait en France que depuis quatre ans à la date de la décision attaquée, ne produit aucun élément permettant d'estimer qu'il serait isolé dans son pays d'origine où réside sa soeur qui l'a élevé jusqu'à son arrivée en France. Les circonstances qu'il ait été pris en charge à son arrivée en France par les services de l'aide sociale à l'enfance, au demeurant sur la base d'une fausse déclaration de minorité et qu'il justifie avoir suivi des cours de français, participé à des activités associatives, culturelles et sportives, et suivi une formation aux métiers du bâtiment à Poitiers, tout en suivant des formations proposées par Pôle emploi, ne suffisent pas pour permettre de retenir, eu égard à ses conditions de séjour, que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire national :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. En deuxième lieu, s'il résulte des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;(...) ", il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'état de santé de M. A... ne fait pas obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire.
10. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés au point 7 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. En premier lieu, M. A... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
13. En deuxième lieu, les pièces produites au dossier par M. A... ne permettent pas de caractériser l'existence de risques personnels et actuels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine alors en outre qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait isolé dans son pays d'origine où vit toujours sa soeur. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit, par suite, être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2020 de la préfète de la Vienne. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme B... E..., première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.
La présidente,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03821