Par un jugement nos 1903789 et 1905164 du 30 janvier 2020, le tribunal a rejeté
sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2020, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet de son recours administratif préalable ;
2°) d'enjoindre à l'OFII de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'OFII le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de base légale dont la décision est entachée dès lors que les dispositions du 2° de l'article L. 744-8 du code de l'entrée
et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires à la directive n° 2013/33 UE
du 26 juin 2013 ;
- la copie d'écran produite par l'OFII ne démontre pas qu'il aurait bénéficié d'un entretien d'évaluation de sa vulnérabilité ; au demeurant, ni la date et l'heure d'un tel entretien, ni l'identité de l'agent qui l'aurait réalisé, permettant de s'assurer de sa compétence, ne sont établis ; les dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers
et du droit d'asile, qui imposent un examen personnel de vulnérabilité pour toutes les personnes ayant déposé une demande d'asile, ont ainsi été méconnues, ce qui constitue un vice
de procédure de nature à entraîner l'annulation de la décision ;
- il n'a pu présenter aucune observation avant l'édiction de la décision, notamment expliquer les raisons pour lesquelles il n'a pu présenter une demande d'asile dès son arrivée en France, en méconnaissance du droit d'être entendu ; ce principe général du droit de l'Union européenne est applicable alors même que l'article D. 744-37-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit pas la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire ;
- la rédaction de la décision démontre que le directeur de l'OFII, qui n'a cherché
ni à recueillir, ni à étudier ses motifs légitimes, s'est cru à tort lié par la présentation de la demande d'asile plus de 90 jours après son entrée en France pour refuser l'octroi des conditions matérielles d'accueil sur le fondement de l'article L.774-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- alors que l'article 20 de la directive n° 2013/33 UE du 26 juin 2013 permet seulement de limiter les conditions matérielles d'accueil en cas de demande d'asile tardive, le 2° de l'article L. 744-8 et l'article D. 744-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent de les refuser, de sorte que la décision fondée sur une législation nationale contraire
à la directive est dépourvue de base légale.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision
du 6 mai 2020.
Par ordonnance du 1er septembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au
1er octobre 2020.
Un mémoire en défense présenté pour l'OFII a été enregistré le 9 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2013/33 UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais, entré en France le 3 novembre 2018, a déposé
une première demande d'asile en guichet unique le 27 juin 2019. Le même jour, le préfet
de la Haute-Garonne lui a délivré une attestation de demande d'asile en procédure accélérée, et le directeur territorial de l'OFII de Toulouse lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil au motif qu'il avait présenté sa demande d'asile plus de 90 jours après son entrée
en France sans motif légitime. Après avoir présenté un recours administratif préalable auprès
du directeur général de l'OFII par une lettre du 8 juillet 2019 restée sans réponse, M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la décision du directeur territorial de l'OFII du 27 juin 2019, et d'autre part, la décision implicite de rejet de son recours administratif préalable obligatoire, laquelle s'est substituée à la décision initiale. M. A... relève appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal a joint ses demandes et les a rejetées.
2. M. A... a fait valoir que les dispositions du 2° de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquelles le directeur territorial de l'OFII lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, étaient contraires à l'article 20 de la directive n° 2013-33 UE du 26 juin 2013, de sorte que la décision était dépourvue
de base légale. Le jugement ne répond pas à ce moyen, qui n'est pas inopérant. Par suite, il est entaché d'irrégularité et doit être annulé.
3. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A....
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en oeuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. / L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. / L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin. / (...). "
5. L'OFII a inséré dans son mémoire en défense devant le tribunal une copie d'écran du formulaire renseigné lors de l'entretien réalisé lors de l'enregistrement de la demande d'asile au guichet unique. L'intéressé y est identifié par ses nom, prénom et numéros d'enregistrement, et la réponse " non " est cochée pour tous les items de facteurs de vulnérabilité, ce qui a conduit à l'identification d'un niveau de vulnérabilité de 0 sur une échelle de 0 à 3. Les circonstances que ni la date et l'heure d'un tel entretien, ni l'identité de l'agent qui l'a réalisé ne figurent sur cette copie d'écran ne suffisent pas à faire douter de la réalité de l'entretien. Par suite, M. A..., qui au demeurant ne se prévaut pas de la qualité de personne vulnérable, n'est pas fondé à soutenir que les dispositions citées au point précédent auraient été méconnues.
6. En deuxième lieu, M. A..., qui a bénéficié d'un entretien au guichet unique
où il a déposé sa demande d'asile, a été en mesure de présenter des observations, et notamment d'expliquer les éventuelles raisons, qu'il n'a précisées ni devant le tribunal, ni devant la cour, pour lesquelles il n'aurait pu présenter une demande d'asile avant le 27 juin 2019 alors qu'il est entré en France le 3 novembre 2018. Par suite, il n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance du droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne.
7. En troisième lieu, les dispositions du 2° de l'article L. 744-8 du code de l'entrée
et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à l'OFII de refuser le bénéfice
des conditions matérielles d'accueil si le demandeur n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France prévu au 3° du III de l'article L. 723-2. En l'espèce, il ne ressort pas des termes de la décision initiale, implicitement confirmée par le rejet du recours administratif préalable obligatoire, que le directeur général
de l'OFII se serait estimé en situation de compétence liée pour refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à M. A....
8. En quatrième lieu, M. A... soutient que les dispositions du 2° de
l'article L. 744-8 mentionnées au point précédent, de même que celles de l'article D. 744-37 permettant, dans le même cas, de refuser le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile, méconnaissent le 2 de l'article 20 de la directive n° 2013/33 UE du 26 juin 2013 selon lequel : " Les États membres peuvent aussi limiter les conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils peuvent attester que le demandeur, sans raison valable, n'a pas introduit de demande de protection internationale dès qu'il pouvait raisonnablement le faire après son arrivée dans l'État membre. " Toutefois, dans la décision n° 428530 du 30 janvier 2017 invoquée par le requérant, le Conseil d'Etat a jugé que les cas de suspension, de retrait et de refus du bénéfice des conditions matérielles d'accueil prévus par les dispositions de l'article L. 744-8, issues de la loi du 29 juillet 2015 transposant en droit interne la directive précitée, correspondaient
aux hypothèses, fixées à l'article 20 de cette directive, dans lesquelles les Etats membres
peuvent " limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ". Les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée
et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui écartent toute automaticité de refus du bénéfice des conditions matérielles d'accueil et imposent un examen particulier de la situation
du demandeur d'asile, en particulier de sa vulnérabilité, ne peuvent être regardées comme ayant procédé à une transposition incorrecte de la directive. L'application des dispositions réglementaires de l'article D. 744-37 est soumise à ces exigences fixées par la loi. Par suite,
en l'absence d'incompatibilité avec les dispositions précitées de la directive n° 2013/33 UE
du 26 juin 2013, les dispositions du 2° de l'article L. 744-8 et de l'article D. 744-37 du code
de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pouvaient légalement fonder la décision contestée.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation
de la décision implicite de rejet de son recours préalable obligatoire à l'encontre de la décision du 27 juin 2019 par laquelle le directeur territorial de l'OFII de Toulouse lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile. Par suite, ses conclusions
à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse nos 1903789 et 1905164
du 30 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A... et à l'Office français
de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme I... G..., présidente,
Mme B... D..., présidente-assesseure,
Mme C... F..., conseillère.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.
La rapporteure,
Anne D...
La présidente,
Catherine G...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00855