Par un jugement n° 1404210, n° 145518 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'État à verser à M. C...une indemnité d'un montant de 700 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2017, M. B...C..., représenté par la SELAFA cabinet Cassel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2016 en tant qu'il limite à la somme de 700 euros la somme au paiement de laquelle l'État a été condamné et qu'il rejette ses conclusions dirigées contre le titre de perception émis à son encontre le 26 décembre 2013 en vue du recouvrement de la somme de 2 126,68 euros ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 29 janvier 2014 tendant au retrait du titre de perception émis à son encontre le 26 décembre 2013 en vue du recouvrement de la somme de 2 126,68 euros, ensemble ce titre de perception ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture de réexaminer sa situation et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme en cause ;
4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 2 126,68 euros en réparation du préjudice subi du fait de la négligence fautive des services du ministère de l'agriculture ;
5°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la créance est prescrite en application de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ;
- le titre de perception du 26 décembre 2013 n'est pas signé, en méconnaissance des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;
- le titre de perception litigieux ne mentionne pas les bases de liquidation de la dette et ne lui permet pas de comprendre à quel titre il aurait bénéficié d'un trop-perçu ;
- il n'est pas établi que les versements effectués du mois de décembre 2010 au mois de décembre 2011 étaient entachés d'illégalité, de sorte que le titre de perception constitue un retrait illégal ; qu'à supposer même qu'il ait indûment perçu ces avantages financiers, leur retrait ne pouvait légalement intervenir que dans le délai de quatre mois ;
- les services du ministère de l'agriculture ont commis une négligence fautive en lui versant du mois de décembre 2010 au mois de décembre 2011 une prime de fonctions et de résultats et en ne lui réclamant le trop-perçu que deux ans plus tard ;
- que, compte tenu des troubles dans les conditions d'existence causés par la nécessité de rembourser cette somme, il est fondé à demander l'octroi d'une indemnité égale au montant du trop-perçu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2017, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation des articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2016 ainsi qu'au rejet des demandes présentées par M. C...devant le tribunal.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour avoir rejeté à tort la fin de non-recevoir opposée aux conclusions indemnitaires de M.C... ; il est également insuffisamment motivé sur le préjudice subi par M.C... ;
- les conclusions dirigées contre le titre de perception émis le 26 décembre 2013 sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par M. C...contre le titre de perception ne sont pas fondés ;
- M. C...ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant du seul paiement de la créance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- l'arrêté du 6 novembre 2009 fixant les corps et emplois du ministère chargé de l'agriculture bénéficiant de la prime de fonctions et de résultats ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.A...,
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...C..., initialement recruté à compter du 1er octobre 2008 comme agent contractuel de catégorie B par le ministère chargé de l'agriculture et affecté à l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole de Pamiers (Ariège), a été titularisé à compter du 1er avril 2011 dans le corps des adjoints administratifs, de catégorie C.
En dépit de cette titularisation, il a continué à percevoir jusqu'au 31 décembre 2011 la prime de fonctions et de résultats qui lui était versée en qualité d'agent contractuel de catégorie B.
Le recouvrement de ces rémunérations indûment versées a donné lieu à l'émission,
le 26 décembre 2013, d'un titre de perception n° 009000 003 001 075485571 2013 0002108 pour un montant de 2 126,68 euros. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre ce titre de perception et qu'il a limité à la somme de 700 euros le montant de l'indemnité qu'il estime lui être due à hauteur du montant du titre de perception du fait des préjudices qu'il a, selon lui, subis en raison des négligences commises par les services du ministère chargé de l'agriculture dans la gestion de son dossier. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il a condamné l'État à indemniser
M. C...ainsi que le rejet des demandes présentées par ce dernier devant les premiers juges.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de l'instruction que M.C..., avant de saisir le tribunal administratif de Toulouse de conclusions tendant à l'annulation du titre de perception litigieux
du 26 décembre 2013, a adressé, le 29 janvier 2014, une réclamation dont le comptable chargé du recouvrement a précisé devant les premiers juges qu'il en avait accusé réception
le 31 janvier 2014 et qu'il l'avait transmise au ministre de l'agriculture en sa qualité d'ordonnateur, de sorte que la réception de cette réclamation par l'administration est établie contrairement à ce que soutient le ministre. Ainsi, la demande de M. C...tendant à l'annulation du titre de perception, enregistrée au greffe du tribunal le 4 septembre 2014, a été présentée dans le délai de recours contentieux ouvert par le rejet implicite de cette réclamation né du silence gardé par l'administration pendant six mois en application de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012. La circonstance que le délai de recours contentieux ouvert contre le titre de perception ait été expiré lorsque M. C...a présenté devant le tribunal le 18 novembre 2014, une demande distincte tendant à la condamnation de l'État à l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de la négligence fautive de l'administration à avoir poursuivi le paiement indu de sa prime, est par elle-même sans incidence sur la recevabilité de cette demande indemnitaire, contrairement à ce que soutient le ministre, alors au surplus que le titre de perception litigieux n'était pas devenu définitif.
3. Il résulte, par ailleurs, des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'État à verser à M. C...une somme de 700 euros du fait de la faute commise par l'administration à lui avoir maintenu indûment le versement de la prime de fonctions et de résultats. Le tribunal n'a cependant aucunement mentionné la nature du préjudice subi par l'intéressé qu'il entendait ainsi indemniser et qui doit nécessairement être distinct de celui résultant du seul paiement de la créance. Le ministre est par suite fondé à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé sur ce point et à en obtenir dans cette mesure l'annulation.
4. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu pour la cour de se prononcer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de M. C...tendant à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 2 126,68 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la négligence fautive des services du ministère de l'agriculture et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions dirigées contre le titre de perception émis à son encontre
le 26 décembre 2013.
Sur les conclusions dirigées contre le titre de perception du 26 décembre 2013 :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives
pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive.(...) ". Et aux termes du second alinéa de l'article 2222 du code civil : " En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ".
6. Il résulte de l'instruction que les créances en cause sont constituées par le versement indu à M. C...de la prime de fonctions et de résultats au cours de la période allant du mois d'avril au mois de décembre 2011. Le délai de prescription de cinq ans applicable à ces créances en vertu de l'article 2224 du code civil antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions précitées de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 n'était pas expiré au 30 décembre 2011, date d'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions. Ainsi, un nouveau délai de prescription de deux ans a couru à compter de cette date. Dès lors, le titre de perception litigieux émis
le 26 décembre 2013 est intervenu dans le délai de prescription de deux ans qui courait à compter du 30 décembre 2011. Par suite, le moyen tiré de ce que la créance serait prescrite doit être écarté.
7. En deuxième lieu, l'appelant se borne à reprendre en appel les moyens tirés du défaut de signature du titre de perception litigieux en méconnaissance de l'article 4 de loi
du 12 avril 2000 et du défaut d'indication des bases de liquidation de la créance, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 6 novembre 2009 : " Les agents relevant des corps et emplois mentionnés ci-dessous bénéficient de la prime de fonctions et de résultats en application de l'article 1er du décret du 22 décembre 2008 susvisé : / - attaché d'administration du ministère de l'agriculture et de la pêche régi par les décrets
des 26 septembre 2005 et 15 septembre 2006 susvisés ; / - chef de mission de l'agriculture et de l'environnement régi par le décret du 4 janvier 2006 susvisé ; / - secrétaire général d'établissement d'enseignement supérieur agricole et vétérinaire régi par le décret
du 5 décembre 1996 susvisé ; / - secrétaire administratif du ministère de l'agriculture et de la pêche régi par le décret n° 94-1017 du 18 novembre 1994 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux corps des secrétaires administratifs des administrations de l'Etat et à certains corps analogues ". Le corps des adjoints administratifs dans lequel M. C...a été titularisé à compter du 1er avril 2011, n'est pas au nombre des emplois et corps ouvrant droit, en application des dispositions précitées, au versement de la prime de fonctions et de résultat prévue par le décret du 22 décembre 2008. M. C...ne pouvait ainsi légalement prétendre au versement de cette prime à compter de cette date.
9. En quatrième et dernier lieu, une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. En revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement. Pour l'application de ces règles à la détermination de la rémunération des agents publics, le maintien du versement d'un avantage financier ne peut être assimilé à une décision implicite accordant un avantage financier et constitue, comme en l'espèce, une simple erreur de liquidation non créatrice de droits, contrairement à ce que soutient l'appelant. L'administration n'a donc pas commis d'erreur de droit en demandant à M. C...le remboursement des sommes indûment perçues.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin
de non-recevoir opposée par le ministre de l'agriculture, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions dirigées contre le titre de perception émis à son encontre
le 26 décembre 2013 en vue de recouvrer la somme de 2 126,68 euros au titre de rémunérations indûment perçues ainsi que ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer ladite somme.
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'État :
11. Toute faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de créances non fiscales est de nature à engager la responsabilité de la collectivité publique à l'égard du débiteur ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de la créance, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans les conditions d'existence dont le débiteur justifie.
12. Il résulte de l'instruction que le maintien du versement indu au profit
de M. C...de la prime de fonctions et de résultats au cours de la période allant
du 1er avril au 31 décembre 2011 est exclusivement imputable à une erreur fautive commise par l'administration. Cependant, M. C...n'établit pas que les troubles dans ses conditions d'existence qu'il invoque constitueraient un préjudice distinct de celui résultant du seul paiement de la créance, alors qu'il a été informé du caractère indu de ce versement dès le mois
de mai 2012 et que l'administration a mis en oeuvre une procédure de remboursement échelonné de sa dette.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander la condamnation de l'État à lui verser l'indemnité d'un montant de 2 126,68 euros qu'il réclame.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande M. C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er décembre 2016 est annulé en tant qu'il a condamné l'État à verser à M. C...une indemnité d'un montant
de 700 euros.
Article 2 : La requête de M. C...et sa demande indemnitaire présentée devant le tribunal administratif de Toulouse sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 avril 2019.
Le rapporteur,
Didier A...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00123