Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2016, MmeB..., représentée par Me Cesso, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" ou à défaut, de statuer à nouveau sur son droit au séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme
de 1 800 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le signataire doit justifier de sa compétence ;
- la demande de titre de séjour n'a pas été présentée par elle, mais adressée par une association " Droit au quotidien à domicile " ; dès lors que le préfet a admis qu'elle pouvait la représenter au titre d'une demande de séjour, il devait également reconnaître qu'elle pouvait agir pour le compte de son employeur ;
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est intégrée dans la société française, a de la famille en France et parle couramment le français ;
- la décision de refus de séjour résulte d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle remplit les conditions pour bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit, dès lors que le préfet n'a pas correctement apprécié l'admission exceptionnelle au séjour ; une promesse d'embauche peut être prise en compte afin de constituer un motif exceptionnel d'admission au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; contrairement à ce qu'indique le tribunal administratif, le préfet n'a pas pris en considération la promesse d'embauche ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit, dès lors que le préfet lui a reproché de ne pas justifier d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) en méconnaissance de l'article R. 5221-20 du code du travail ;
- son dossier n'a pas été étudié au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est en situation de se voir attribuer de plein droit un titre de séjour et ne peut donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2016, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête et renvoie à ses écritures présentées en première instance.
Par une ordonnance du 14 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 novembre 2016.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Philippe Delvolvé a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., née le 7 février 1989, de nationalité marocaine, est entrée en France avec un visa de court séjour, le 8 août 2015. Elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 3 septembre 2015. Par arrêté du 8 février 2016, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement du 13 juillet 2016, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.
2. M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, qui a signé l'arrêté contesté, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Gironde en date du 18 décembre 2015, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Gironde n° 115 du 29 décembre 2015, à l'effet de signer notamment tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, requêtes, mémoires, correspondances et documents concernant les attributions de l'État dans le département de la Gironde, à l'exception de trois matières au nombre desquelles ne figurent pas les mesures relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. L'article 2 de l'arrêté du 18 décembre 2015 précise que : " La délégation de signature consentie à M. Thierry Suquet à l'article 1er du présent arrêté s'applique aux décisions suivantes relevant des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESÉDA) : (...) - toutes décisions d'éloignement et décisions accessoires s'y rapportant prises en application du livre V du CESÉDA, (...) - décisions d'assignation à résidence, de désignation du pays d'éloignement et de placement en rétention administrative, (...) - toutes décisions de refus de délivrance de titres de séjour, de refus de délivrance de documents provisoires de séjour (...) ". Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.
3. Mme B...soutient que sa demande de titre de séjour a été adressée par l'association " Droit au quotidien à domicile ". Cependant, elle n'établit pas que la demande de titre de séjour a été présentée par cette association. Il ressort des pièces du dossier que la fiche famille contenue dans la demande d'admission au séjour est revêtue de sa signature. C'est donc à bon droit que le préfet de la Gironde a instruit sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de la vie privée et familiale et des motifs humanitaires ou exceptionnels, sans considérer qu'elle était également présentée par son employeur, au travers de ladite association.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
4. L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de
l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. Mme B...soutient qu'elle est intégrée dans la société française, dès lors qu'elle est liée à sa soeur, qui est mariée avec un ressortissant français et qui a deux enfants, qu'elle justifie d'une promesse d'embauche dans l'entreprise de son beau-frère, qu'elle est membre d'un club de full contact et d'une association culturelle et a le projet de créer une activité immobilière sous le régime d'auto-entrepreneur. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée très récemment sur le territoire national, qu'elle est célibataire et sans enfant et n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de MmeB....
6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à
l'article L. 311-7. (...) ".
7. Si MmeB..., ressortissante du Royaume du Maroc, peut invoquer les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 relatives aux titres de séjour délivrés en raison de la vie privée et familiale, les circonstances qu'elle invoque, rappelées au point 5, ne peuvent être regardées comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Aux termes de l'article 3 de l'accord entre la République française et le Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord (...) ". L'application des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain ne fait pas obstacle à l'application des dispositions du code du travail relatives aux conditions d'analyse des demandes d'autorisation de travail qui ne font pas l'objet de stipulations spécifiques dans l'accord. Le bénéfice de l'article 3 de l'accord franco-marocain demeure ainsi conditionné à la présentation d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Les dispositions des articles R. 5221-3, 6°, R. 5221-11, R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail prévoient que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger qui est déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur et que le préfet saisi d'une telle demande, présentée sous la forme des imprimés Cerfa, ne peut refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente, dès lors qu'il appartient au préfet de faire instruire la demande d'autorisation de travail par ses services. Toutefois, la seule production d'une promesse d'embauche, non accompagnée d'une demande d'autorisation de recrutement d'un salarié étranger émanant d'un employeur, ne peut pas être assimilée à une telle demande.
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...n'a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour qu'une promesse d'embauche non signée datée du 19 août 2015, établie à l'en-tête de la boulangerie de son beau-frère, et non le contrat de travail exigé par les dispositions susmentionnées. Par suite, le préfet, qui n'était tenu par aucune disposition de faire compléter sa demande par l'intéressée, a pu légalement estimer, sans commettre d'erreur de droit, que la requérante ne remplissait pas les conditions posées par l'article 3 de
l'accord franco-marocain pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salariée et qu'en raison de l'absence de production d'un tel contrat de travail, la circonstance qu'elle ait présenté une promesse d'embauche ne pouvait être accueillie.
10. Enfin, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a étudié la demande de titre de séjour de Mme B...au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Mme B...soutient qu'elle est en situation de se voir attribuer de plein droit un titre de séjour et qu'elle ne peut donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit précédemment concernant le refus de titre de séjour, le moyen ne peut qu'être écarté.
12. Dans les circonstances énoncées au point 5 ci-dessus, en prenant à l'encontre de la requérante la décision l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeB....
13. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Philipe Delvolvé, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 avril 2017.
Le rapporteur,
Philippe DelvolvéLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°16BX03275