Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 novembre 2016 et le 3 mars 2017, le préfet du Lot demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif Toulouse du 18 octobre 2016 ;
2°) d'annuler l'injonction qui lui a été faite de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ainsi que la condamnation de l'Etat à verser à M. Movsysian la somme de 1 000 euros.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal administratif est entaché d'erreur de fait et d'erreur de droit dès lors que c'est bien sur la base d'un nouvel élément de fait et sans méconnaître l'autorité de la chose jugée que le préfet a pris la décision de refus de séjour à l'encontre de M.Movsysian ;
- il a respecté l'injonction qui lui a été faite par le jugement n° 1505107 du tribunal administratif de Toulouse du 5 février 2016 de procéder au réexamen de la situation de M. Movsisyan.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2017, M.Movsysian, représenté par MeA..., conclut au rejet du recours du préfet et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés et que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M.Movsysian, ressortissant arménien né le 15 septembre 1981, est entré irrégulièrement en France en 2013. Après le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", qui a été rejeté par un arrêté du préfet du Lot en date du 16 juillet 2014. M. Movsysian a présenté le 29 septembre 2014 une nouvelle demande de titre de séjour en qualité de salarié. Par arrêté du 1er octobre 2015, le préfet lui a opposé un refus et assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français. Par jugement n° 1505107 du 5 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté comme étant entaché d'erreur manifeste d'appréciation et enjoint au préfet de réexaminer la situation du requérant. M. Movsysian a alors présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Conformément à l'injonction du juge administratif, il a disposé d'un récépissé dont la validité expirait le 16 avril 2016. Par arrêté du 19 avril 2016, le préfet du Lot a pris un nouvel arrêté portant refus de séjour de M. Movsysianet obligation de quitter le territoire sans délai et par un arrêté du même jour, il l'a placé en rétention administrative.
2. Par jugement du 25 avril 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du 16 avril 2016, ainsi que les arrêtés portant placement en rétention et maintien en rétention et renvoyé en formation collégiale le jugement des conclusions de la demande de M. Movsysiandirigées contre la décision de refus de séjour contenue dans le même arrêté. Par un arrêt n° 16BX01520 du 7 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement.
3. Par le présent recours, le préfet du Lot relève appel du jugement n° 1602353 du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 19 avril 2016 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et lui a enjoint de délivrer à M. Movsysianune carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
4. Il ressort des pièces du dossier que postérieurement au jugement n° 1505107 du 5 février 2016 du tribunal administratif de Toulouse enjoignant au préfet de réexaminer la situation de M.Movsysian, ce dernier a de nouveau saisi le préfet du Lot d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'appui de laquelle il a produit deux promesses d'embauche. Le préfet du Lot, après avoir relevé que les demandes de travail avaient fait l'objet d'avis défavorables de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, a estimé que l'intéressé, dont les perspectives d'emploi étaient ainsi inexistantes, ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels permettant de l'admettre exceptionnellement au séjour au titre du travail. Par suite, le préfet du Lot, qui a ainsi procédé à un nouvel examen de la situation de M. Movsysianet a pris sa décision sur la base de nouveaux éléments de fait, est fondé à soutenir que c'est à tort que pour annuler le refus de titre de séjour opposé le 19 avril 2016 à l'intéressé, le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur la méconnaissance de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 février 2016.
5. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M.Movsysian.
6. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. Gilles Quénéhervé, secrétaire général de la préfecture du Lot, habilité en application d'un arrêté du préfet du Lot n° 2015-062 en date du 7 septembre 2015 publié au recueil des actes administratifs spécial n° 46-2015-001 du 8 septembre 2015, à l'effet de signer notamment les décisions relevant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, la circonstance que l'arrêté en litige ne vise pas le décret de nomination du préfet du Lot est sans influence sur sa légalité.
8. En troisième lieu, la motivation de l'arrêté révèle que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé ainsi que le lui avait enjoint la décision du tribunal.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
10. M. Movsysiansoutient qu'il est parfaitement intégré en France où se trouve désormais le centre de ses intérêts privés et familiaux. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré récemment sur le territoire français et qu'il est célibataire et sans enfant. Il ne démontre pas avoir noué en France des liens particuliers et n'établit pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales et personnelles dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. Par suite, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour en France de M. Movsysian, la décision attaquée n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
11. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".
12. En cinquième lieu, en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " est envisageable.
13. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la situation de M. Movsysian sur le plan personnel, familial et professionnel telle qu'elle a été décrite précédemment, qu'en estimant que cette situation ne justifiait pas la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. La circonstance alléguée, selon laquelle l'intéressé encoure un risque en cas de retour en Arménie, ne révèle en tout état de cause ni considération humanitaire ni motif exceptionnel au sens de ces dispositions.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Lot est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 19 avril 2016 portant refus de titre de séjour.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, partie perdante, les conclusions de M. Movsysian tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1602353 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2: La demande de M. Movsysianprésentée devant le tribunal administratif de Toulouse et tendant à l'annulation du refus de séjour opposé le 19 avril 2016 par le préfet du Lot est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. Movsysiansur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, et à M. Vladimir Movsysian.
Copie en sera adressée au préfet du Lot.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 avril 2017.
Le rapporteur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03647