Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 novembre 2016 et le 27 février 2017, Mme C...représentée par Me A...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 octobre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'arrêté est signé par une autorité incompétente dès lors que seul le préfet pouvait signer un tel arrêté, que le signataire ne bénéficiait pas d'une délégation de signature et qu'il n'est pas établi que le préfet aurait été absent ou empêché ;
- il appartient au préfet de produire l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 28 juillet 2015 sur lequel il s'est fondé pour refuser de lui délivrer un titre de séjour ; cet avis aurait dû être annexé à l'arrêté ; cette absence de communication nuit à l'exigence de procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la motivation, stéréotypée, de l'arrêté n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il ressort des pièces médicales qu'elle a produites que sa situation lui permet de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, en raison de la pathologie grave dont elle est affectée, du suivi nécessaire dont elle fait l'objet et de l'absence de traitement en Algérie, alors qu'elle ne dispose pas en tout état de cause de revenus suffisants ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en estimant sans en justifier qu'un traitement existe désormais dans son pays d'origine, alors qu'elle a bénéficié d'un titre de séjour d'un an en raison de l'absence de traitement en Algérie ;
- elle a fixé le centre de ses intérêts en France, et l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 6-5 et 6-7 de l'accord franco-algérien.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2017, le préfet de la
Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il confirme les termes de son mémoire produit en première instance.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gil Cornevaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., de nationalité algérienne, est entrée régulièrement en France
le 8 décembre 2012. Elle a obtenu à compter du 1er octobre 2014, un certificat de résidence valable un an, en raison de son état de santé, dont elle a demandé le renouvellement
le 30 septembre 2015. Par arrêté du 29 février 2016 le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C...relève appel du jugement du
18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aucun texte ou principe général ne s'oppose à ce que le préfet puisse déléguer sa compétence pour les décisions relatives au séjour des étrangers ainsi que les mesures d'éloignement prises à leur encontre. Par arrêté du 5 février 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture à la date de l'arrêté attaqué, M. Daguin, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Garonne a reçu délégation générale et permanente du préfet pour signer " tous actes, arrêtés, décisions, et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Haute-Garonne, à l'exception des arrêtés de conflits ". Contrairement à ce que soutient la requérante, une telle délégation, concerne les décisions prises dans le domaine du droit des étrangers. En outre, cette délégation n'est pas subordonnée à l'absence ou l'empêchement du préfet de la Haute-Garonne. Par suite, les circonstances alléguées que le préfet n'aurait pas été absent ou empêché sont en tout état de cause sans incidence sur la compétence du signataire de la décision contestée. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué émanerait d'une autorité incompétente doit être écarté.
3. Mme C...reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance, tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour. Elle ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
4. En vertu du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce prévoit que le préfet se prononce au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé sur la base d'un rapport établi par un médecin agréé et des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine.
5. Il résulte de ces stipulations et dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. Aucune disposition législative ou règlementaire n'obligeait le préfet à adresser à Mme C...l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé lors de l'édiction de la décision de refus de séjour attaquée. L'avis émis le 12 octobre 2015, a été produit par le préfet de la Haute-Garonne dans le cadre de la première instance, de sorte que le moyen tiré de ce que l'absence de communication de cet avis méconnaitrait l'exigence de procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
7. Par son avis du 12 octobre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut risque d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester cette appréciation, sur laquelle le préfet s'est notamment fondé pour refuser de renouveler son titre de séjour, Mme C...indique avoir antérieurement bénéficié, l'année précédente, d'un titre de séjour et soutient que le traitement nécessaire n'était pas plus disponible à la date de l'arrêté attaqué qu'il y a un an. Elle se prévaut également de certificats médicaux établis en 2013, 2014 et juin 2015 en dernier lieu. Toutefois ces certificats médicaux révèlent que l'état de santé de Mme C...ne nécessite plus de traitement par radiothérapie depuis juillet 2013 et par chimiothérapie (herceptine) depuis mars 2014 mais qu'un suivi est toujours nécessaire en oncologie et cardiologie. Dans ces conditions, les pièces qu'elle verse révélant une pénurie de médicaments en Algérie et particulièrement de l'anticancéreux dont elle a bénéficié jusqu'en mars 2014 ne peuvent pas remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé et le préfet. Il en va de même, en raison de la généralité des termes dans lesquels il est rédigé, du certificat médical de juin 2015, s'agissant du traitement par Tamoxifène et Coversyl. De plus, si la requérante fait valoir qu'elle se rend à des consultations tous les quinze jours dans un centre anti-douleur de Toulouse, et que de tels centres n'existeraient pas en Algérie avec comme conséquence qu'elle ne pourra bénéficier d'un suivi aussi satisfaisant que celui prodigué en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que les soins requis ne seraient pas disponibles en Algérie. Par ailleurs, si
Mme C...soutient également qu'elle sera dans l'impossibilité de pouvoir accéder effectivement auxdits soins faute de disposer de ressources suffisantes, elle ne produit aucun élément permettant d'estimer qu'elle ne pourrait bénéficier du système de sécurité sociale algérien assurant la prise en charge des soins dispensés aux personnes dépourvues de ressources, ou dont les ressources sont inférieures à certains seuils. Dans ces conditions, la décision de refus de renouveler le titre de séjour de la requérante n'a pas méconnu les stipulations
du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Le préfet de la Haute-Garonne n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Mme C...est entrée en France en 2012 à l'âge de 46 ans. Elle est hébergé chez un de ses enfants et fait valoir qu'une de ses filles et une enfant qui lui a été confiée par acte de kafala vivent en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'un de ses fils vit toujours en Algérie où elle-même a vécu l'essentiel de sa vie. Si elle prétend par ailleurs être intégrée en France notamment par son investissement au sein d'une association, elle ne l'établit pas. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
10. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 et 8 du présent arrêt, MmeC..., qui ne remplit ni les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, ni celles relatives à la protection de sa vie privée et familiale, n'est pas fondée à soutenir que le préfet ne pouvait pas prendre une mesure d'éloignement à son encontre.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :
Elisabeth Jayat, président,
Gil Cornevaux, président-assesseur,
Philippe Delvolvé, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 avril 2017
Le rapporteur,
Gil CornevauxLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03705