Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2018, Mme D...C..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 24 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 juin 2017 par lequel le préfet du Gers a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gers de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet du Gers de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement pour écarter les moyens tirés du caractère irrégulier de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, du défaut d'examen sérieux de sa situation et de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cette décision a méconnu le principe du contradictoire en méconnaissance de l'article L. 122-1 du même code ;
- l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier dès lors que les rubriques de cet avis n'ont pas été intégralement renseignées et qu'il ne porte pas pour chacun des membres du collège médical ses nom, prénom et signature ;
- cet avis a été émis par un collège incompétent de médecins ;
- la décision n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;
- elle remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit dès lors que le
7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exige pas que l'étranger démontre l'existence de circonstances ou de considérations lui permettant de prétendre à son admission au séjour à titre exceptionnel ;
- elle remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en application
du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ladite décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation que le préfet tire notamment de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée en fait ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- elle est privée de base légale ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
- elle a été prise en violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée en fait ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22,
R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 30 novembre 2017, la demande de bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusée à MmeC....
Par ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 21 décembre 2017, le recours contre une décision d'aide juridictionnelle a été rejeté.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.A...,
- et les observations de MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante kosovare née le 4 août 1991, est entrée en France, selon ses déclarations, au mois de février 2015. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 10 juin 2015, confirmée le 17 février 2016 par
la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Elle a fait l'objet d'un premier arrêté du préfet
de Tarn-et-Garonne du 14 mars 2016 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre duquel elle a exercé un recours définitivement rejeté par arrêt de la présente cour du 21 mars 2017. Mme C...a présenté le 14 février 2017 une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 24 octobre 2017 ayant rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du
8 juin 2017 par lequel le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens tirés du caractère irrégulier de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), du défaut d'examen sérieux de sa situation et de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à contester la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Mme C...reprend en appel les moyens soulevés en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation des différentes décisions contenues dans l'arrêté du 8 juin 2017, du défaut de procédure contradictoire et du défaut d'examen particulier de sa situation, sans se prévaloir devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif et sans critiquer sérieusement l'analyse qu'en a fait ce dernier. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, Mme C...reprend en appel le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis rendu le 20 avril 2017 par le collège de médecins de l'OFII en ce que, d'une part, l'ensemble des rubriques de cet avis n'a pas été intégralement renseigné, d'autre part, il ne comporte pas les nom, prénom et signature de chacun des membres du collège médical et, enfin, ces médecins n'avaient pas la compétence requise, sans apporter devant la cour d'élément de fait ou de droit nouveau. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
5. En deuxième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 20 avril 2017 par le collège des médecins de l'OFII mentionne que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de cette prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé qui y sont proposés. Selon un certificat médical établi le 8 juin 2017, produit par l'appelante, cette dernière présente une symptomatologie anxio-dépressive réactionnelle au refus de sa demande d'asile et nécessite la poursuite d'un traitement associant antidépresseur, anxiolytique et hypnotique en plus d'un suivi psychothérapique. Il n'est cependant pas établi que l'intéressée ne puisse effectivement avoir accès au Kosovo à des médicaments contenant des principes actifs équivalents à ceux qui lui sont prescrits en France. L'attestation produite en appel par Mme C...et qui a été établie le 2 novembre 2017 par un neuropsychiatre d'un centre de diagnostic " Joni " situé à Kamenica (Kosovo), au seul vu de la documentation transmise par l'intéressée, ne saurait contester sérieusement l'avis rendu collégialement. La documentation générale sur l'offre de soins au Kosovo, au demeurant en partie ancienne, produite également par l'appelante ne peut pas davantage démontrer que cette offre ne serait pas adaptée à l'état de santé de cette dernière. Enfin, si Mme C...ajoute qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle résiderait à une quarantaine de kilomètres de Pristina, elle n'établit pas, en tout état de cause, que les moyens de transport existants ne lui permettraient pas de s'y rendre aisément, ainsi que l'ont retenu les premiers juges. Par suite, en prenant la décision attaquée, le préfet du Gers dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé lié par l'avis des médecins de l'OFII, n'a pas fait une inexacte application
du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à
l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
8. D'une part, contrairement à ce que soutient MmeC..., il ne ressort pas des termes mêmes de la décision litigieuse que le préfet lui aurait opposé l'absence de considération humanitaire ou de circonstance exceptionnelle pour lui refuser un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.
9. D'autre part, l'entrée en France de Mme C...est récente et la durée de son séjour est consécutive à l'instruction de sa demande d'asile en définitive rejetée. Elle est sans enfant et son compagnon de même nationalité fait l'objet d'une même mesure d'éloignement. Ainsi, compte tenu notamment des conditions de séjour en France de MmeC..., la décision portant refus de titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, alors même que l'intéressée soutient avoir oeuvré à une bonne intégration en France. Cette décision ne méconnaît donc ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.
10. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés précédemment, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait, en estimant qu'elle ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en n'usant pas de son pouvoir de régularisation, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
11. Mme C...qui n'établit pas l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale.
12. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et les libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux développés
au point 9 ci-dessus.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
13. Mme C...reprend en appel les moyens tirés, d'une part, par voie d'exception de l'illégalité de la mesure d'éloignement, d'autre part, de ce que le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée et, enfin, de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet à ne pas lui avoir octroyé un délai d'une durée supérieure à trente jours sans apporter devant la cour d'élément de fait ou de droit nouveau. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
15. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, les pièces produites par MmeC..., notamment une attestation de sa mère, ne permettent pas d'établir les risques personnels et actuels qu'elle encourrait en cas de retour au Kosovo. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Gers.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
Le rapporteur,
Didier A...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00315