Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 2 octobre 2017, M. B... représenté par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de condamner l'INRA à lui verser la somme de 181 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis dans le déroulement de sa carrière, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts;
3°) de mettre à la charge de l'INRA la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car la minute n'a pas été signée ;
- il est établi qu'il pouvait se prévaloir de titres et de mérites, ainsi que d'une ancienneté supérieure à celle d'autres fonctionnaires ;
- il est établi que le jury de concours de recrutement dans le corps de directeur de recherche n'a pas été impartial, ce qui a eu pour effet de rompre l'égalité des candidats ;
- ses candidatures ont été rejetées de 1998 à 2012 pour des motifs sans rapport avec ses mérites ;
- de plus, la délibération du jury du concours organisé au titre de l'année 2007 a été annulée pour incompétence ;
- il a été privé d'une chance sérieuse d'obtenir le concours de directeur de recherche entre 1998 et 2012 ;
- il est fondé à demander la somme de 75 000 euros au titre des pertes de rémunération et la somme de 84 000 euros au titre de ses pertes de pensions de retraite ;
- il est fondé à demande la somme de 7 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence et la somme de 15 000 euros au titre de l'atteinte à sa réputation et de son préjudice moral.
Par un mémoire, enregistré le 22 mai 2018, l'INRA, représenté par Me G..., demande à la cour de rejeter la requête de M. B....
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
-la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
-le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 fixant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... C...,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., historien, spécialiste du monde rural, a intégré l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) en 1987, en qualité de chargé de recherche de 2ème classe, puis de 1ère classe. Il s'est présenté en vain chaque année de 1998 à 2012 au concours de recrutement des directeurs de recherche de l'INRA. Statuant sur ses requêtes, le Conseil d'Etat a annulé par une décision du 15 mai 2002, la délibération proclamant les résultats du concours de recrutement de directeur de recherche de 2ème classe organisé à l'INRA dans le groupe de disciplines " société, économie et décision ", session 2000 et par une décision du 10 juillet 2009, il a annulé la délibération du 11 octobre 2007 du jury d'accès au corps des directeurs de recherche de 2ème classe à l'INRA, session 2007. Après avoir été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour limite d'âge à compter du 20 janvier 2013 et après avoir lié le contentieux par une demande indemnitaire préalable en date du 20 mars 2015, il a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de l'INRA à lui verser la somme de 181 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis dans le déroulement de sa carrière du fait de sa non-admission au concours de recrutement des directeurs de recherche de l'INRA entre 1998 et 2012. Il relève appel du jugement du 19 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 précité du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à M. B... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur la responsabilité de l'INRA :
4. Aux termes de l'article 16 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires sont recrutés par concours, sauf dérogation prévue par la loi ". Aux termes de l'article 40 du décret susvisé du 30 décembre 1983 fixant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques : " Peuvent être admis à concourir pour l'accès au grade de directeur de recherche de 2e classe : / 1° Des candidats appartenant à l'un des corps de chargé de recherche régis par le présent décret et justifiant d'une ancienneté minimale de trois années de service en qualité de chargé de recherche de 1ère classe (...) ". Selon l'article 42 du même décret : " Les concours de recrutement des directeurs de recherche comportent une admissibilité et une admission. ". L'article 44 du même décret dispose que : " Le jury d'admission (...) arrête la liste des candidats admis au vu des dossiers des candidats admissibles qui comportent notamment le rapport établi sur la candidature par le jury d'admissibilité. (...) ".
En ce qui concerne les concours de recrutement organisés au titre des sessions 2000 et 2007 :
5. Par une décision du 15 mai 2002, le Conseil d'État a annulé la délibération proclamant les résultats du concours de recrutement de directeur de recherche de 2ème classe organisé à l'INRA dans le groupe de disciplines " société, économie et décision ", session 2000, au motif que les épreuves du concours n'étaient pas organisées de façon à assurer l'impartialité du jury et l'égalité en les candidats. Par une autre décision du 10 juillet 2009, le Conseil d'Etat a annulé la délibération finale du 11 octobre 2007 du jury de concours d'accès au corps des directeurs de recherche de 2ème classe organisé par l'INRA dans le groupe de disciplines précité au motif que l'arrêté du 31 août 2007 du directeur général délégué de l'Institut portant désignation des membres du jury d'admission était entaché d'incompétence. Ces illégalités commises constituent des fautes susceptibles d'engager sa responsabilité, si elles ont privé le requérant d'une chance sérieuse d'être recruté dans le corps des directeurs de recherches.
6. Il résulte de l'instruction que M. B..., historien spécialiste du monde rural, chargé de recherches à l'INRA, se présentait au concours d'accès au corps des directeurs de recherche de 2ème classe dans le groupe de discipline " société, économie, décision " et était en compétition avec d'autres candidats relevant d'autres disciplines telles l'économie, la biologie, la sociologie, la philosophie et le droit. Malgré la qualité de son parcours professionnel et ses nombreuses publications et travaux de recherches, M. B... n'établit pas que ses mérites propres, notamment pour ce qui concerne ses capacités à encadrer et animer une équipe de recherche, auraient été supérieurs à la valeur des autres candidats en compétition. Dès lors, M. B..., qui n'a d'ailleurs jamais été admissible aux sessions du concours auxquelles il s'est ultérieurement présenté, ne peut être regardé comme ayant été privé, par les délibérations illégales du jury de concours d'accès au corps des directeurs de recherche de 2ème classe organisé par l'INRA au titre des session 2000 et 2007, d'une chance sérieuse d'être déclaré admis au concours d'accès au corps des directeurs de recherche de 2ème classe. Par suite, les préjudices dont se prévaut le requérant ne présentent pas un caractère certain. M. B... n'est, dès lors, pas fondé à en demander réparation.
En ce qui concerne les concours de recrutement organisés au titre des autres sessions :
7. Il ne résulte pas du courrier rédigé par M. A... le 13 novembre 2002, membre du jury de concours pour l'admissibilité pour le recrutement de directeurs organisé au titre de l'année 2002, adressé au directeur scientifique de l'INRA, ni de l'attestation rédigée par cette même personne le 10 décembre 2014, que le jury aurait fait preuve d'une animosité personnelle à l'encontre de M. B... ou que certains membres du jury auraient eu, avec d'autres candidats, des liens tenant aux activités professionnelles dont l'intensité était de nature à influer sur leur appréciation. Il en est de même de l'attestation de M. E... rédigée le 2 décembre 2014, qui indique d'une façon générale que M. B... a dû être " probablement défavorisé par la composition des jurys devant lesquels il s'était présenté, où les historiens étaient minoritaires ". ll ne résulte pas davantage de l'instruction que les jurys n'auraient déclaré admissibles que des candidats économistes, comme le soutient M. B.... Par suite, l'appelant n'établit pas que pour les concours organisés par l'INRA pour le recrutement de directeurs de recherche de 2ème classe, au titre des sessions 1998, 1999, 2001 à 2006 et 2008 à 2012, les épreuves n'étaient pas organisées de façon à assurer l'impartialité du jury et l'égalité des candidats.
8. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge administratif de contrôler l'appréciation portée par le jury sur les mérites des candidats. C'est pourquoi, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les jurys de concours pour l'accès au corps de directeur se soient fondés sur des éléments autres que ceux tirés de l'examen des mérites des candidats, l'appréciation que le jury a porté sur les mérites de M. B... n'est pas susceptible d'être discutée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais d'instance:
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'INRA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre de ses frais exposés non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... B... et à l'Institut national de la recherche agronomique.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme F... H..., présidente-assesseure,
Mme D... C..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
Déborah C...Le président,
Dominique NAVESLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, chacun en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No17BX02840