Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 3 novembre 2018, Mme C..., représentée par Me J... G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 avril 2017 ;
2°) de condamner l'établissement public Météo-France à lui verser la somme de 212 100 euros en réparation du préjudice subi du fait des agissements de harcèlement moral dont elle estime être victime, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2014 ;
3°) d'enjoindre à Météo-France de reconstituer sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de Météo-France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de se prononcer sur certains éléments faisant présumer son harcèlement moral ;
- elle a été victime d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral de la part de son employeur ;
- à la suite de sa mutation d'office, elle n'a pas eu de fiche de poste ;
- à partir de sa mutation de 2002, elle a été " mise au placard ", n'a pas disposé d'outil de travail adéquat, a été privé d'un bureau, d'une connexion à internet ;
- on lui a refusé un congé formation en 2004 ;
- à partir de 2009, chacune de ses absences était comptabilisée ;
- elle a été isolée professionnellement ;
- les demandes de justification tatillonnes de ses frais professionnels, le blocage opposé au printemps 2015 à l'accès des postes à pourvoir, la non-communication de son dossier administratif, le refus de prendre en compte sa demande de reconnaissance de sa maladie professionnelle, les demandes d'expertises psychiatriques faites par Météo-France, les rumeurs sur une maladie mentale, ébruitée par le médecin du travail lui ont causé des tracas ;
- elle a été victime d'agression de la part d'agents ;
- les rapports d'expertise qu'elle produit prouvent que ces agissements ont altéré son état de santé, lequel est imputable au service.
Par un mémoire, enregistré le 17 janvier 2018, Météo-France, représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de Mme C... ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable car elle ne comporte aucune critique du jugement ;
- Mme C... n'a pas lié le contentieux sur les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral dont elle se prévaut ;
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- aucun moyen n'est fondé ;
- ses préjudices ne sont pas établis.
Par ordonnance du 7 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2019.
Par une décision du 6 juillet 2017, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
-la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... A...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant Mme C..., et de Me F..., représentant Météo-France.
Une note en délibéré présentée par Me G... pour Mme C... a été enregistrée le 31 octobre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., technicienne supérieure de la météorologie a été affectée le 17 décembre 2002 au sein de la division commerce/communication du centre météorologique interrégional de Météo-France de Bordeaux, et placée en congés de longue maladie en 2009. Estimant avoir été victime d'agissements répétés de harcèlement moral, elle a adressé une réclamation indemnitaire préalable qui a été réceptionnée par Météo-France le 14 novembre 2014, puis a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner Météo-France à réparer les préjudices qu'elle prétendait avoir subis. Mme C... relève appel du jugement du 18 avril 2017, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Bordeaux, qui n'était pas tenu de se prononcer sur chacun des arguments invoqués par Mme C..., a suffisamment indiqué dans les motifs du jugement, les raisons pour lesquelles les agissements de harcèlement moral dont se plaint Mme C... n'étaient pas établis. Ainsi,le jugement attaqué n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
4. En premier lieu, si Mme C... produit des certificats médicaux remontant à 2004 et 2005 et deux rapports d'expertise des 17 août 2015 et 20 février 2017, ces éléments ne sont pas, en eux-mêmes, susceptibles de faire présumer l'existence des agissements de harcèlement moral.
5. En second lieu, Mme C... soutient qu'alors qu'elle était affectée au centre départemental de Météo-France de Bordeaux depuis 1991, elle a été mutée d'office au centre météorologique interrégional de Météo-France de Bordeaux en décembre 2002, et qu'elle est depuis lors victime d'une " mise au placard ", d'insultes publiques régulières, d'un blocage de sa notation, d'un traitement discriminatoire concernant l'accès à la formation, dans la gestion de ses demandes de congé et de reconnaissance de maladie professionnelle, d'une privation de ses outils de travail, d'une diffusion d'un faux diagnostic médical relatif à une maladie psychiatrique grave et de l'inertie de sa hiérarchie à prendre en compte les alertes relatives à sa situation de souffrance au travail .
6. Il résulte de l'instruction que Mme C... n'a pas été mutée d'office en 2002, mais a été affectée au centre météorologique interrégional de Météo-France de Bordeaux à compter du 17 décembre 2002, à sa demande, à la suite de la restructuration du centre météorologique départemental de Météo-France de Bordeaux où elle avait été réintégrée en surnombre après un congé de formation du 1er septembre 1998 au 9 juillet 1999 sur un poste d'assistante commerciale au service communication, qui était accompagné d'une fiche de poste. Contrairement à ce qu'elle soutient, la commission administrative paritaire a été consultée en novembre 2002 sur cette mutation. En outre, le poste sur lequel elle a été affectée répondait aux préconisations émises le 12 septembre 2002 par le médecin de prévention, qui avait estimé que Mme C... était inapte au travail de nuit et que son état de santé justifiait un changement de poste de travail. Par suite, Mme C... n'a pas été " placardisée " comme elle le soutient. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que Mme C... n'a accompli aucun travail réel à partir de 2004, ce qui a justifié ses mauvaises notations et qu'elle ne participait à aucune réunion, ce qui a conduit à son isolement professionnel. Il résulte également de l'instruction qu'un technicien supérieur de météorologie stagiaire a occupé son bureau dans le courant du mois d'août 2009 et ses droits d'accès au réseau ont été limités. Toutefois, ces agissements, compte-tenu que Mme C... n'accomplissait plus depuis 2004 aucun travail réel et de ses nombreuses absences injustifiées en 2008 et en 2009, n'a pas excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. De même, le refus de la directrice interrégionale de Météo-France sud-ouest de financer le congé de formation qu'elle souhaitait en vue de suivre une formation à l'école supérieure de commerce de Bordeaux, au motif que cette formation n'était pas prioritaire pour Météo-France dans un contexte de crédits destinés à la formation limités, n'a pas excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il n'est pas davantage établi que Météo-France aurait, notamment par son inertie, empêché Mme C... de changer de fonctions et de postuler sur des emplois vacants. Enfin, la demande d'expertise médicale de Mme C... par Météo-France en 1990 faisait suite aux conflits qui l'opposaient à ses collègues et à sa hiérarchie et celle demandée en 2015 par Météo-France faisait suite aux propos qu'elle avait tenus, selon lesquels elle aurait été victime d'une agression physique de la part d'un de ses collègues. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que Météo-France ait répondu dans un délai déraisonnable à ses demandes de reconnaissance de maladie professionnelle et d'accident du travail. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit, que les agissements répétés de harcèlement moral dont se plaint Mme C... ne sont pas établis.
7. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par Météo-France, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande indemnitaire. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Météo-France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme C..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par Météo-France, au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Météo-France présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... C... et à Météo-France.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme E... I..., présidente-assesseure,
Mme D... A..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
Déborah A...Le président,
Dominique NAVESLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°17BX03008