Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 septembre 2018 et le 17 juillet 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 juillet 2018 en tant qu'il rejette sa demande dirigée contre l'arrêté du 11 mai 2016 prononçant sa révocation ;
2°) de mettre à la charge du SIVEER la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté portant révocation est insuffisamment motivé en droit et s'appuie sur des faits qui n'ont pas été présentés au conseil de discipline ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans les faits au demeurant pas établis ; il n'a jamais été formé au management alors qu'il le demandait ; ses conditions de travail étaient difficiles ; il a toujours bien été évalué ;
- il n'a pas été mis en mesure de s'expliquer sur les griefs dans le cadre de l'enquête interne ; le parquet n'a pas donné suite à la plainte du SIVEER.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2019, le SIVEER de Poitiers, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... F...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant le SIVEER.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., agent de maîtrise principal employé par le syndicat des eaux de la Vienne (SIVEER) depuis 1992, a été affecté en novembre 2013 sur le poste de chef de centre à Lusignan. Il a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 13 janvier 2016 du président du SIVEER le suspendant de ses fonctions, et d'autre part, de l'arrêté du 11 mai 2016 de la même autorité prononçant sa révocation. Il relève appel du jugement du 18 juillet 2018 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 11 mai 2016.
Sur la légalité de la décision du 11 mai 2016 :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, il résulte des termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires que la décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. En l'espèce, la décision contestée vise les textes dont elle fait application et mentionne les griefs retenus à l'encontre de M. A.... Elle est ainsi suffisamment motivée, en droit et en fait, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983.
3. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir que " les faits sur lesquels s'appuie l'arrêté de révocation ne sont pas ceux qui ressortent du dossier qui a été soumis à l'examen du conseil de discipline ", le requérant ne met pas le juge en mesure d'apprécier le bien-fondé de son moyen en ne précisant ni les faits dont il s'agit, ni les dispositions ou principes qui auraient été méconnus.
4. En troisième lieu, M. A... soutient qu'il n'a pas été mis en mesure de contester, lors de l'enquête administrative, les griefs qui lui étaient reprochés. Toutefois, les conditions dans lesquelles l'enquête administrative s'est déroulée sont sans influence sur la procédure suivie devant le conseil de discipline puis devant le juge de première instance, dès lors qu'il n'est pas contesté que le principe du contradictoire a été respecté devant eux.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Aux termes de l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les faits : a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle (...) ". L'article 6 quinquiès de la même loi dispose que : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Selon l'article 29 de la même loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". L'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupe : (...) Quatrième groupe : (...) la révocation (...) ".
6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des nombreux témoignages précis, circonstanciés et convergents, réalisés auprès du personnel du SIVEER tant dans le cadre de l'enquête administrative interne, que par les services de gendarmerie dans le cadre de l'enquête pénale, que M. A..., en sa qualité de chef de centre, faisait preuve d'un comportement particulièrement autoritaire et arbitraire, et avait coutume d'user à l'égard des agents placés sous son autorité de propos grossiers et humiliants. Ces pratiques, qui se sont reproduites de novembre 2013 à 2016, ont entraîné une dégradation des conditions de travail des agents et ont altéré la santé de certains d'entre eux placés sous l'autorité de M. A.... Les circonstances que M. A... n'a pas bénéficié de formation en " management " comme il le demandait et, qu'en outre il aurait hérité d'une situation existante difficile dans la gestion des agents lors de sa nomination en qualité de chef de centre en novembre 2013, si elles étaient de nature à rendre plus difficile l'exercice de ses fonctions, ne sauraient être regardées comme à l'origine des manquements et carences reprochés. Ainsi que l'a décidé à bon droit le juge de première instance, ces faits, qui ne peuvent être regardés comme de simples agissements accomplis dans les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, sont constitutifs d'un harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983.
8. Il ressort également de ces mêmes pièces du dossier, et notamment des déclarations des personnels féminins qui étaient amenées à côtoyer quotidiennement M. A..., que celui-ci s'est en outre livré à des agissements déplacés, qui ne peuvent être qualifiés de simple " comportement dragueur ", dès lors qu'ils ont consisté en des gestes répétés et augmentant en intensité consistant à " toucher les mains, prendre par la taille, toucher les fesses, et tenter d'embrasser sur la bouche ". Ces faits, qui sont établis par les pièces du dossier, sont également constitutifs de harcèlement sexuel au sens de l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983.
9. Enfin, le 28 décembre 2015, il est constant que M. A... s'est déplacé avec le camion benne du service, sur le chantier de sa maison en construction. S'il indique que ce camion était vide, qu'il devait se rendre à Poitiers pour une réparation dudit camion et que le chantier de sa future habitation se trouvait sur le trajet, les explications qu'il donne notamment quant à la circonstance que des matériaux dioritiques auraient bien été manipulés dans la cour du service mais qu'ils n'ont pas été chargés dans le camion benne pour être déversés sur son chantier, alors que le jour même des matériaux dioritiques étaient livrés par une entreprise tierce sur son chantier de construction, ne suffisent pas à rendre plausible sa version des faits alambiquée. Dès lors, ces faits de vol de matériaux doivent être regardés comme établis par les pièces du dossier.
10. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les juges de première instance ont estimé que les faits reprochés à M. A... et décrits aux points 7 à 9 étaient établis et constituaient des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. La circonstance que le parquet, saisi d'une plainte du SIVEER à l'encontre de M. A..., n'ait pas poursuivi le requérant, est sans incidence sur la qualification des fautes disciplinaires.
11. D'autre part, eu égard à la gravité des fautes commises par M. A..., à la circonstance que ces agissements ont été commis à l'encontre de plusieurs personnes, pendant une longue période de temps, le SIVEER n'a pas prononcé une sanction disproportionnée en faisant le choix de la révocation de M. A....
12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du SIVEER au titre des frais non compris dans les dépens dès lors qu'il n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... une somme à verser au SIVEER sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du SIVEER au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au syndicat des eaux de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 31 août 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme C... F..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 septembre 2020.
La rapporteure,
Fabienne F... Le président,
Dominique NAVES Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03446