Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Riou,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a ouvert, le 15 avril 1994, une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. C...D..., gérant de la société dénommée " Société d'équipement Chambres froides Grandes cuisines Climatisation ", puis transformé cette procédure en liquidation judiciaire. Le trésorier principal des Abymes-Gosier a déclaré auprès du tribunal de commerce, le 26 juillet 1994, les créances d'impôt sur le revenu et de taxes locales qu'il estimait détenir sur M. C...D...pour un montant total de 373 602,70 euros. Par une ordonnance du 30 mai 2008, le juge commissaire à la liquidation a admis les créances fiscales à concurrence de la somme de 310 679,67 euros. Se fondant sur les dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, MM. B...et E...D..., agissant en qualité d'ayants droit de leur père décédé le 11 mars 2010, ont saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe, le 5 septembre 2011, d'une demande en décharge de l'obligation de payer l'ensemble des créances fiscales admises au passif de M. D...par l'ordonnance du 30 mai 2008. Par une ordonnance du 28 décembre 2012, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Par une ordonnance n°13BX00240 du 1er juillet 2013, le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé contre cette ordonnance. Saisi d'un pourvoi, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, après avoir, par une décision du 15 octobre 2014, renvoyé l'affaire au Tribunal des conflits, a, par sa décision n° 371791 du 31 juillet 2015, annulé l'ordonnance du 1er juillet 2013 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
2. Statuant sur le renvoi du Conseil d'Etat du 15 octobre 2014, le Tribunal des conflits a jugé que la contestation soulevée, en l'espèce, par MM. D... n'était pas relative à la mise en oeuvre des règles propres à la procédure collective ouverte à l'encontre de leur père et que la juridiction administrative était, dès lors, seule compétente pour connaître du litige. Par suite, c'est à tort que, par l'ordonnance du 28 décembre 2012, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe a, sur le fondement du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté la demande de MM. B...et E...D...comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Les requérants sont fondés à demander l'annulation de cette ordonnance.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par MM. B... et E...D...devant le tribunal administratif. En l'état de leurs dernières écritures, les conclusions des requérants tendent à la décharge de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu établies au nom de leur père au titre des années 1977 à 1979, figurant au nombre des créances déclarées par le comptable public au passif de la procédure collective en juillet 1994 pour un montant total de 300 495, 16 euros.
4. MM. B... et E...D...soutiennent qu'à la date du 26 juillet 1994 à laquelle le trésorier principal des Abymes-Gosier a déclaré auprès du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre les créances d'impôt, l'action en recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu des années 1977 à 1979, mises en recouvrement le 30 avril 1983, était atteinte par la prescription.
5. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux faits du litige : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable./ Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription ".
6. Il résulte de l'instruction que, par un courrier daté du 5 septembre 1984, concernant les impositions en litige, M. C...D...a sollicité le percepteur des Abymes en ces termes : " suite à nos différents entretiens, concernant les impôts que vous me réclamez, je vous propose de discuter avec vous sur la base de mensualités d'environ 3000 francs étalées sur plusieurs années, ainsi que de convenir d'une garantie hypothécaire sur un de mes terrains ". Par ce courrier, M. C...D...a admis son obligation de payer les impôts en litige, reconnaissant ainsi l'exigibilité de sa dette. Ce courrier, conformément aux dispositions précitées, a donc interrompu avant son terme le délai de quatre ans qui a couru à compter de la mise en recouvrement, le 30 avril 1983, des impositions dont il s'agit. Le nouveau délai de quatre ans qui a ensuite couru a été interrompu avant son terme par l'acte de poursuite constitué par la saisie-exécution pratiquée le 18 juin 1987, qui a fait l'objet du procès-verbal dressé le même jour, versé au dossier par l'administration. Enfin, il ressort des mentions précises, et non sérieusement contestées, de la fiche du compte de M. C...D...tenue par le service chargé du recouvrement et produite au dossier, qui recense les actes de poursuite émis et les versements effectués par le contribuable et qui n'avait pas à lui être signifiée, que ce dernier a effectué, le 13 novembre 1989, le 6 mars 1990 et le 1er octobre 1991, trois paiements partiels des impositions à l'impôt sur le revenu en litige, mises en recouvrement en 1983 à l'issue d'un contrôle fiscal indiqué " CF " sur cette fiche. Ces paiements, constitutifs d'actes de reconnaissance par le contribuable de sa dette d'impôt, ont également eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription. Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le délai de l'action en recouvrement n'était pas expiré lorsque, le 26 juillet 1994, le trésorier principal des Abymes-Gosier a déclaré auprès du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre les créances d'impôt dont il s'agit.
7. Il résulte de ce qui précède que MM. B... et E...D...ne sont pas fondés à demander la décharge de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu établies au nom de leur père au titre des années 1977 à 1979, figurant au nombre des créances déclarées par le comptable public au passif de la procédure collective en juillet 1994 pour un montant total de 300 495, 16 euros.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n°110721 du 28 décembre 2012 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulée.
Article 2 : La demande présentée par MM. B... et E...D...devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.
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N° 15BX02703