Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 janvier 2018, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 août 2017 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des stipulations du 3ème alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien dès lors qu'il justifie d'un séjour régulier en France depuis 2011 pour raisons de santé, ainsi que de ressources suffisantes comme en attestent ses bulletins de salaire ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne l'examen de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;
- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., né le 23 octobre 1998, de nationalité tunisienne, est entré selon ses déclarations en France en 2010. Le préfet a prononcé à son encontre une mesure d'éloignement le 17 mai 2011 qui n'a pas été exécutée. M. C...a résidé ensuite régulièrement sur le territoire du 14 novembre 2012 au 15 janvier 2016 en qualité d'étranger malade. Le 6 novembre 2015, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il a également sollicité un titre de séjour salarié et une carte de résident sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien. Par un arrêté du 3 août 2017, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé : "Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1- du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié". / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1- sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans. / Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1- du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à 1 'appui de leur demande./ Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit. ".
3. Les stipulations du troisième alinéa de l'article 3 précité ne créent pas de droit à l'obtention d'un titre de séjour de dix ans pour les ressortissants tunisiens qui justifient d'une résidence en France de trois années. Toutefois, lorsque le ressortissant tunisien invoque le bénéfice d'un titre de séjour de dix ans sur le fondement de cet article, l'administration doit statuer sur la demande en examinant également si ce ressortissant peut prétendre à un tel titre en vertu du troisième alinéa de l'article au vu de l'ensemble des justificatifs produits.
4. Pour rejeter la demande de M.C..., le préfet de la Gironde s'est borné à opposer à l'intéressé qu'il ne pouvait se voir délivrer la carte de résident puisqu'il ne remplissait pas les conditions lui permettant d'obtenir un titre de séjour, ni sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11, ni sur celui du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à aucun autre titre.
5. Toutefois, en s'étant abstenu de se prononcer sur la demande de carte de résident présentée par M.C..., compte tenu de la durée de sa résidence en France et des justificatifs apportés quant à ses moyens d'existence, le préfet de la Gironde a méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 3 août 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique seulement, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C...de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du préfet de la Gironde du 3 août 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. C...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M.C..., une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
Le rapporteur,
Caroline GaillardLe président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre d'état, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00243