Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2018, M.D..., représenté par Me I..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 juillet 2017 ;
2°) d'annuler la décision précitée du préfet de la Gironde du 7 mai 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard dans l'un comme dans l'autre cas ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'illégalité externe de la décision attaquée, ce qui l'entache d'irrégularité ;
- la signataire de l'acte ne justifie aucunement d'une délégation de signature régulièrement publiée afin de signer des décisions de refus de titre de séjour ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; il justifie de sa résidence habituelle en France depuis qu'il a définitivement quitté l'Espagne ; le fait qu'il ait effectué des séjours au Maroc n'empêche pas la continuité de son séjour en France ; il s'est simplement rendu à plusieurs reprises au Maroc où il a des attaches familiales ; il vit donc depuis près de cinq ans en France avec son épouse et ses trois enfants, dont l'un est mineur et scolarisé depuis quatre ans ; il ne dispose plus d'attaches familiales au Maroc en dehors de sa mère et d'un seul frère ; il est bien intégré en France et maîtrise le français, comme le prouvent les attestations produites ; il dispose d'une promesse d'embauche ; le préfet a donc également commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés
Par une décision en date du 26 octobre 2017, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. D...B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...D..., ressortissant marocain né le 21 septembre 1964, qui déclare résider en France depuis la fin de l'année 2011 et qui était titulaire d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 9 décembre 2015, a sollicité, le 28 octobre 2014, la délivrance d'un titre de séjour en application des articles L. 313-117 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 juillet 2017, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 mai 2015, par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Sur la régularité du jugement :
2. Si M. D...fait valoir que le tribunal administratif a omis de statuer sur la légalité externe de la décision attaquée, il est constant qu'en première instance, il n'avait invoqué aucun moyen se rattachant à cette cause juridique, précisant même, en page 4 de son recours que : " Le requérant limite sa requête aux moyens tirés de l'illégalité interne de la décision attaquée ". Par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer manque en fait.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, si M. D...se plaint de ce que " la signataire de l'acte " attaqué, " Mme G...H..., directrice de la réglementation et de services au public " ne justifie pas de sa compétence pour signer un tel acte, il est constant que la décision en litige n'a pas été signée par MmeH..., mais par M. E...A..., chef du pôle des étrangers à la préfecture de la Gironde. M. E...A..., chef du pôle des étrangers à la préfecture de la Gironde, qui a signé la décision attaquée, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Gironde en date du 20 avril 2016, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Gironde (recueil n° 44 du 27 avril 2016), à l'effet de signer notamment les décisions de refus de délivrance de titres de séjour, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme F...C..., chef du service de l'immigration et de l'intégration. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.
4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. D...fait valoir qu'il réside en France de façon habituelle depuis 2011 après avoir quitté définitivement l'Espagne avec son épouse, qu'il n'a depuis lors effectué que quelques séjours au Maroc où il a conservé des attaches familiales, qu'il s'occupe effectivement de son fils encore mineur, que ses deux autres enfants résident également en France, qu'il ne dispose plus d'attache familiale effective au Maroc où ne résident plus que sa mère et un de ses frères, qu'il est bien intégré en France, maîtrise la langue et dispose d'une promesse d'embauche en qualité d'ouvrier agricole. Cependant, si M. D...allègue résider habituellement en France depuis 2011, il ne l'établit pas plus en appel que devant les premiers juges, en ne produisant aucun document pour l'année 2011 et pour l'année 2012, qu'un compte rendu d'examen médical du 19 décembre 2012 avec la note d'honoraires. Si, pour l'année 2013, il produit des documents attestant de sa présence en France en avril, juin et août, et pour l'année 2014 une promesse d'embauche en qualité d'ouvrier agricole du 19 septembre et une ordonnance du 28 septembre, son passeport montre que, sur cette même période, il a effectué de nombreux séjours au Maroc, notamment en avril, juillet, septembre 2013, mai et octobre 2014. A cet égard d'ailleurs, le requérant ne saurait affirmer tout à la fois qu'il s'est fréquemment rendu au Maroc en raison du fait qu'il y a " conservé des attaches familiales ", puis qu'il " ne dispose plus d'attache familiale effective " dans son pays d'origine, tout en reconnaissant qu'y résident sa mère et un de ses frères. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. D...a fait renouveler son titre de séjour en Espagne en décembre 2015, ce qui implique qu'il justifiait d'une adresse dans ce pays à cette date et qu'il a l'intention de continuer à y séjourner. Par suite, il ne peut donc se prévaloir d'une résidence habituelle et continue en France. En outre, le préfet affirme sans être contesté qu'il ne vit pas de façon habituelle avec son épouse depuis des années, laquelle a en charge leur fils mineur et a déclaré être " divorcée " et être en situation de " parent isolé " dans ses déclarations de revenus de 2008 à 2013. Enfin, M. D...ne fait état d'aucun revenu perçu en France. Dans ces conditions, en refusant à M. D...la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels sa décision a été prise. Le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour ces mêmes motifs, le préfet de la Gironde n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. Le présent arrêt rejette les conclusions de M. D...à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. D...sur ces fondements.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la région Nouvelle Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 18BX00250