Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 décembre 2018, M. et Mme A..., représentés par Me Fouilleul, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Barthélemy du 16 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la délibération du 10 mars 2016 du conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de la collectivité de Saint-Barthélemy la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a commis des erreurs matérielles dans l'appréciation des faits et une erreur de droit en regardant la parcelle comme située en zone non urbanisée ; il n'a pas recherché si le projet se situait dans une partie urbanisée de l'île ;
- la délibération en litige ne mentionne pas à tort l'état des équipements publics existants en méconnaissance de l'article 52 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy ; cette omission d'information entache cette délibération d'incomplétude ;
- le terrain d'assiette du projet est situé dans une zone urbanisée du territoire et non dans une zone d'urbanisation dispersée, il jouxte des habitations ainsi qu'un chemin communal carrossable et il est viabilisé ; dès lors le projet de construction ne méconnait pas l'article R. 111-14 a du code de l'urbanisme repris à l'article 2-1 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy qui ne s'applique qu'aux zones situées hors des parties urbanisées ;
- en estimant que le projet en litige porte atteinte à un espace naturel, la délibération attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- des permis de construire ont été délivrés à plusieurs terrains voisins ces dernières années.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2019, la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy, représentée par Me Lacassagne, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. et Mme A... à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 16 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2020 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy l'annulation de la délibération n° 2016-292 CE du 10 mars 2016 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy leur a délivré un certificat d'urbanisme déclarant non réalisable une opération de construction d'une maison d'hôte et de cinq bungalows de 500 m² de surface hors oeuvre nette totale, sur les parcelles AL 666 et AL 667 à Gustavia, sur le territoire de la collectivité de Saint-Barthélemy aux motifs que le terrain d'assiette du projet se situe en dehors des parties urbanisées et qu'elle méconnait l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté leur demande.
Sur la légalité de la délibération portant certificat d'urbanisme négatif :
2. Aux termes de l'article 1er du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy : " (...) Sauf mention contraire, les dispositions du présent code qui mentionnent des textes législatifs ou réglementaires nationaux sont applicables dans la rédaction de ces textes en vigueur au 1er janvier 2014 ". Aux termes de l'article 2 du code de l'urbanisme de la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy applicable à la date de la décision attaquée : " En l'absence d'une carte d'urbanisme opposable aux tiers, les règles de constructibilité sont les suivantes : 1° En dehors des espaces urbanisés de la collectivité, seuls peuvent être autorisés l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension extrêmement mesurée des constructions existantes ainsi que les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l'exploitation agricole, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation des opérations d'intérêt général. (...) 2° Sur l'ensemble du territoire de la collectivité, les règles nationales d'urbanisme prévues aux articles R. 111-2, R. 111-3, R. 111-4, R. 111-5, R. 111-7, R. 111-8, R. 111-9, R. 111-10, R. 111- 11, R. 111-12, R. 111-13, R. 111-14, R. 111-15, R. 111-16, R.111-21, R. 111-22, R. 111-23 et R. 111-24 du Code National de l'Urbanisme, dont le texte est reproduit en annexe au présent code, sont applicables (...) " Aux termes de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2014 : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination : a) À favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés (...) "
3. Il est constant qu'à la date de la décision en litige, la collectivité de Saint-Barthélemy n'était dotée ni d'un plan local d'urbanisme, ni d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, opposable aux tiers. Il ressort des pièces du dossier que le terrain de M. et Mme A..., situé à flanc d'un des mornes qui dominent la baie de Gustavia, jouxte à l'ouest la partie urbanisée de Gustavia située en contrebas, mais est entourée sur ses autres côtés, et notamment dans toute la partie du morne qui la surplombe, de terrains restés à l'état naturel. Si des constructions se trouvent à proximité immédiate du projet côté ouest, il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies aériennes, que cette zone urbanisée est séparée des parcelles en cause par la route de la Paix, qui fait office de limitation entre la zone urbanisée et la zone naturelle à cet endroit. Ainsi ces constructions, d'ailleurs peu nombreuses, ne permettent pas de regarder le terrain d'assiette du projet comme situé en zone urbanisée alors qu'il se rattache au contraire à l'espace naturel pentu et boisé qui le surplombe et apparaît dès lors comme situé en dehors des parties du territoire comportant déjà un nombre et une densité significatifs de constructions.
4. Il résulte de ce qui précède que le terrain d'assiette du projet ne peut être regardé comme situé dans un espace urbanisé de l'île, au sens de l'article 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy. Par suite la collectivité pouvait à bon droit pour ce motif opposer un certificat d'urbanisme négatif aux requérants. A cet égard, est sans incidence, la circonstance que des permis de construire auraient été délivrés pour des parcelles avoisinantes. Le projet de construction d'une maison d'hôte sur deux niveaux et de cinq bungalows, d'un poste d'entrée à l'accueil et d'une piscine pour une surface hors oeuvre nette totale de 500 mètres carrés, n'entre dans aucune des exceptions à l'interdiction de construire hors des parties urbanisées prévues par cet article.
5. M. et Mme A... soutiennent que la collectivité de Saint-Barthélemy ne pouvait leur opposer les dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme seulement applicable aux projets situés en dehors des parties urbanisées. Toutefois, le motif tiré de ce que le projet est situé en dehors des parties urbanisées suffisait à lui seul pour justifier le certificat d'urbanisme du 10 mars 2016 dès lors que le projet n'est pas au nombre des exceptions dont la réalisation peut être admise. Il résulte également de l'instruction que la collectivité aurait pris la même décision si elle ne s'était pas fondée sur les dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme qui ne trouvent à s'appliquer qu'aux opérations admises dans les parties non urbanisées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ainsi qu'il a été dit précédemment.
6. Aux termes de l'article 52 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy, alors applicable : " Le certificat d'urbanisme indique, en fonction de la demande : / 1) les règles de constructibilité applicables ainsi que, le cas échéant les limitations administratives au droit de propriété (...) / 2) si le terrain peut être utilisé pour la réalisation d'une opération mentionnée dans la demande ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus ". Il résulte de ces dispositions que la mention de l'état des équipements publics est toujours obligatoire, quelle que soit la réponse apportée sur la possibilité de réaliser un projet déterminé sur le terrain.
7. Le certificat d'urbanisme du 10 mars 2016 n'a pas indiqué l'état des équipements publics. Ainsi, alors même qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que le terrain ne pouvait pas être utilisé pour l'opération projetée, M. et Mme A... sont fondés à demander l'annulation du certificat d'urbanisme en date du 10 mars 2016 en tant qu'il n'a pas indiqué l'état des équipements publics, et la réformation du jugement dans cette seule mesure.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le certificat d'urbanisme du 10 mars 2016 est annulé en tant que la collectivité de Saint-Barthélemy n'a pas indiqué l'état des réseaux publics desservant le terrain.
Article 2 : Le jugement no 1600018 du 16 octobre 2018 du tribunal administratif de Saint-Barthélemy est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et à la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04273