Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 5 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du préfet de la Haute-Vienne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 920 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- étant arrivé mineur en France, il ne peut pas repartir en Algérie pour demander un visa de long séjour en qualité d'étudiant ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- la décision en litige méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 octobre 2019 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant algérien né le 21 juin 1997, est entré en France le 22 mars 2013 muni d'un visa de 30 jours. Le 19 juillet 2016, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence. M. B... relève appel du jugement du 5 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du préfet de la Haute-Vienne.
Au fond :
2. En premier lieu, aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien susvisé : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourse ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention "étudiant" ou "stagiaire" (...) ". Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis, alinéa 4 " (lettres c et d) ", et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré mineur en France en 2013. A compter de sa majorité, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence mais s'est vu opposer le 6 juin 2016 un arrêté préfectoral lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français. Ainsi, il n'a jamais été titulaire d'un certificat de résidence. Dans ces conditions, M. B..., qui ne disposait pas d'un visa de long séjour, ne remplissait pas les conditions de délivrance du certificat de résidence qu'il sollicitait en qualité d'étudiant, et dès lors, sa nouvelle demande du 19 juillet 2016 pouvait légalement être rejetée au regard des stipulations précitées.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ".
5. D'une part, les stipulations de l'accord franco-algérien régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Compte tenu des stipulations, citées au point précédent, du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. D'autre part, le requérant soutient, sans l'établir, qu'à la date de la décision en litige, sa compagne était enceinte. Dans ces conditions, M. B... ne saurait être regardé, à la date de la décision en litige, comme exerçant l'autorité parentale sur un enfant à naître ou comme subvenant effectivement aux besoin de celui-ci. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2013 à l'âge de 16 ans et a été placé auprès de sa tante. Il a suivi une scolarité en France, notamment en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP). S'il se prévaut d'une relation avec une ressortissante française avec laquelle il attendrait un enfant, il ne produit aucune pièce de nature à corroborer, à la date de la décision en litige, l'antériorité et le sérieux de cette relation. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet n'a, en tout état de cause, pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
10. Eu égard aux circonstances exposées aux points 6 et 8, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur. Copie sera transmise au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller
Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.
Le rapporteur,
Romain RousselLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02307