Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er octobre 2015 le préfet de la Dordogne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 septembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de Mme C...devant le tribunal administratif de Bordeaux.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Mège,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., de nationalité turque, entrée en France le 5 octobre 2012, a sollicité du tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du préfet de la Dordogne du 17 mars 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays d'éloignement. Le préfet de la Dordogne relève appel du jugement n° 1502812 du 24 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif a annulé cet arrêté.
2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à écarter cet avis médical.
3. Selon les deux certificats médicaux qu'elle produit, datés des 22 et 23 octobre 2014, Mme C...a présenté depuis 2002 des épisodes dépressifs d'intensité modérée à sévère qui ont nécessité l'administration, dans son pays d'origine, d'un traitement psychotrope. Ces troubles ont été majorés à la suite de l'installation en France de son mari en 2004. Elle souffre d'un trouble dépressif récurrent avec, à la date des certificats, une dépression sévère persistante pour lequel le traitement est constitué par la prise de Valdoxan et de Noctamide. Dans l'avis qu'il a émis le 28 novembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine. Pour écarter cet avis, le préfet de la Dordogne s'est fondé notamment sur le questionnaire " offre de soins en Turquie " mis à jour en 2008, dont la teneur n'est pas contestée et qui établit que le système de soins en Turquie est en mesure de prendre en charge la plupart des pathologies, notamment la prise en charge des troubles mentaux et du comportement, dont les états dépressifs, effectuée en assurant la distribution d'antidépresseurs et d'anxiolytiques. Il s'est également fondé sur les données relatives à la Turquie émanant du pole Eurasanté présentant les avancées réalisées par le système de soins en Turquie en 2014. Il en résulte que le préfet de la Dordogne doit être regardé comme justifiant des éléments qui l'ont conduit à écarter l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé.
4. Par suite, le préfet de la Dordogne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur une violation des dispositions de l'article L. 313-11-11° du CESEDA pour annuler l'arrêté du 17 mars 2015.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Bordeaux ainsi que ceux soulevés devant elle.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet a consulté le médecin de l'agence régionale de santé avant de prendre la décision contestée de refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'absence de consultation préalable de ce médecin manque en fait.
7. En deuxième lieu, le mari de MmeC..., également en situation irrégulière en France, a fait l'objet le 18 avril 2013 d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et sa requête devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de ces décisions a été rejetée. La seule circonstance que leurs deux enfants, âgés de douze et quatorze ans, nés comme leurs parents en Turquie et qui y ont vécu jusqu'en octobre 2012, soient scolarisés en France depuis trois ans ne fait pas obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Turquie ni à la poursuite dans ce pays des études secondaires suivies en France. Par suite, ni le refus de titre de séjour ni l'obligation de quitter le territoire français ne sont contraires à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il en est de même de la fixation à trente jours du délai de départ volontaire, expirant ainsi en fin d'année scolaire, pour lequel il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait omis de procéder à un examen de la situation de l'intéressée qui n'avait d'ailleurs porté à sa connaissance aucun élément de nature à justifier l'octroi d'un délai supplémentaire.
8. Aucun des moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour n'est fondé. Dès lors, Mme C...ne peut exciper ni de l'illégalité de cette décision pour contester celle l'obligeant à quitter le territoire français.
9. Pour les raisons exposées au point 3, le moyen tiré de la violation par l'obligation de quitter le territoire français des dispositions de l'article L. 511-4- 10°du CESEDA ne peut qu'être écarté.
10. Enfin, aucun des moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français n'étant fondé, Mme C...ne peut exciper de l'illégalité de cette décision pour contester celle désignant son pays d'éloignement.
11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Dordogne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 17 mars 2015.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par MmeC..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1502812 du 24 septembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Bordeaux ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 15BX03189