Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 20 avril 2016 et le 15 mars 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 31 décembre 2015 ;
2°) la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années d'imposition litigieuses.
Il soutient que :
- la proposition de rectification du 25 août 2011 n'est pas motivée conformément aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales car il incombait à l'administration d'annexer à cette proposition de rectification celle du 30 juin 2011 qui concernait l'EURL Bâti-Vert dont M. B...est le gérant et l'unique associé ;
- l'administration n'établit pas que les modifications de rehaussement qu'elle a décidées à la suite de l'intervention de l'interlocuteur départemental lui ont été notifiées conformément à l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ; cette preuve n'est pas apportée par la production d'une copie de l'accusé de réception qui ne comporte pas de datation postale justifiant de la distribution du pli ; de plus, il appartient à l'administration d'établir que le signataire du pli est bien le contribuable, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- l'administration n'établit pas la réalité de l'appréhension par le contribuable de revenus qu'elle a qualifiés comme des revenus réputés distribués.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 22 septembre 2016 et le 25 avril 2018, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- M.B..., en sa qualité de gérant et d'associé unique de l'EURL Bâti Vert, a été destinataire de la proposition de rectification du 30 juin 2011 concernant cette société ; cette proposition de rectification comportait l'exposé des motifs de droit et de fait des rehaussements de l'EURL ; dans ces conditions, M. B...ne peut soutenir que la proposition de rectification du 25 août 2011 le concernant est insuffisamment motivée au motif qu'elle ne précise pas elle-même les motifs sur lesquels ont reposé les rehaussements de la société ;
- conformément à l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, l'administration a notifié à M.B..., par pli recommandé, la modification des rehaussements le concernant et résultant de l'abandon de la taxation des revenus d'origine indéterminée de l'année 2009 ; la copie du pli produite au dossier montre que celui-ci a été distribué au contribuable le 10 mars 2012 ; l'avis produit fait foi de l'adresse à laquelle il a été envoyé, soit en l'espèce celle de M. B...lui-même ;
- s'il appartient à l'administration d'établir que le contribuable a été le bénéficiaire de revenus réputés distribués par la société en application de l'article 109 du code général des impôts, cette preuve est apportée en l'espèce par le fait que M.B..., gérant et associé unique de l'EURL Bâti Vert, était le seul maître de l'affaire de cette société ; en cette qualité, il a bénéficié de la distribution de sommes qui n'ont pas été mises en réserves ou incorporées au capital de la société ; par ailleurs, s'agissant des apports en compte courant d'associé, l'administration a fait application de la présomption spéciale, prévue à l'article 111 a du code général des impôts, qui lui a permis de regarder comme des revenus distribués les sommes mises à la disposition des associés, directement ou par personnes interposées, à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2008 et 2009 à l'issue duquel il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. Ces rectifications ont été effectuées selon la procédure contradictoire en ce qui concerne les sommes taxées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et par voie de taxation d'office en ce qui concerne les sommes représentatives de revenus d'origine indéterminée. Ces rehaussements, notifiés à M. B... par une proposition de rectification du 25 août 2011, ont été assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts et des majorations de 10 % visées aux articles 1728 et 1758 A du même code en ce qui concerne l'impôt sur le revenu de l'année 2008. M. B...relève appel du jugement rendu le 31 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit désigner l'impôt concerné, l'année d'imposition, la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
4. Lorsque, à la suite d'une vérification de comptabilité d'une société passible de l'impôt sur les sociétés, des revenus réintégrés au résultat imposable de la société sont regardés comme distribués entre les mains d'un tiers et que l'administration entend imposer le bénéficiaire des distributions sur le fondement de l'article 109 du code général des impôts, il lui appartient d'informer ce dernier des motifs du redressement notifié à la société, dont procède le redressement notifié à son égard, afin de lui permettre, le cas échéant, d'en contester utilement le bien-fondé. A cette fin, à défaut de reprendre la teneur de la proposition de rectification adressée à la société ou de la joindre à celle qu'elle adresse au bénéficiaire des distributions, l'administration est tenue, si ce dernier en fait la demande, de la lui communiquer, après en avoir, s'il y a lieu, occulté les passages couverts par le secret fiscal, ou de lui en communiquer la teneur.
5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 25 août 2011 adressée à M. B...indiquait que ce dernier était regardé comme bénéficiaire de revenus distribués par l'EURL Guyane Bâti-Vert dont il était le maître de l'affaire en ses qualités de gérant et d'associé unique. La proposition de rectification précisait la nature de ces distributions (produits non comptabilisés, dépenses et passif injustifiés) et visait les articles 109-1°, 109-1-2° et 111 c du code général des impôts en application desquels les rectifications étaient effectuées. Elle mentionnait également le montant et les années de l'imposition due au titre des revenus de capitaux mobiliers auxquels M. B...serait assujetti à la suite de la vérification de comptabilité de l'EURL Guyane Bâti Vert. De plus, la proposition de rectification du 25 août 2011 se référait expressément à celle du 30 juin 2011, adressée à l'EURL Guyane Bâti-Vert le 15 juillet 2011, laquelle exposait les motifs par lesquels le vérificateur a estimé que cette dernière société n'avait pas comptabilisé des produits ou comptabilisé des charges et passifs injustifiés. Ainsi, M.B..., qui, en sa qualité d'associé unique et de gérant de l'EURL Guyane Bâti Vert, a nécessairement reçu la proposition de rectification adressée à la société, ce qu'il ne conteste pas, pas plus qu'il n'en conteste la motivation, ne peut soutenir qu'il était insuffisamment informé des motifs de droit et de fait des rectifications le concernant pour lui permettre de présenter utilement ses observations. Par suite, et alors même que la proposition de rectification du 30 juin 2011 n'avait pas été annexée à celle reçue par M.B..., le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette dernière proposition de rectification ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la notification au contribuable de la modification des rehaussements d'impositions avant l'avis de mise en recouvrement :
6. Aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai (...) ".
7. Au cours des opérations de contrôle, le vérificateur, faisant application de la règle dite du " double " prévue au troisième alinéa de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, a constaté qu'il existait un écart au moins supérieur au double entre les crédits figurant sur les comptes bancaires de M. B...et les revenus que ce dernier a déclarés au titre des années 2008 et 2009. Les sommes en cause ont alors été qualifiées par le service de revenus d'origine indéterminée et taxées d'office. Toutefois, après avoir été saisi par M.B..., l'interlocuteur départemental a rendu un avis le 28 février 2012 dans lequel il a estimé que la " règle du double " ne trouvait pas à s'appliquer pour l'année 2009.
8. L'administration a suivi l'avis de l'interlocuteur départemental et, par un courrier daté du 2 mars 2012, détaillé les conséquences financières de l'abandon des rectifications envisagées pour 2009 sur les impositions dues par M.B....
9. L'administration produit au dossier la copie de l'accusé de réception de l'envoi recommandé du courrier du 2 mars 2012 adressé à M.B.... Il résulte des mentions portées sur cet avis que le courrier dont il s'agit a été présenté le 6 mars 2012 et distribué le 10 mars 2012. Ces mentions font foi de l'adresse à laquelle le pli a été envoyé, qui est celle de M.B..., alors même que l'avis produit ne comporte pas le cachet de La Poste. Le requérant soutient il est vrai que la signature figurant sur l'avis de réception n'est pas la sienne, mais dans ce cas il lui appartient d'établir que le signataire n'avait pas qualité pour recevoir le pli. A cet égard, en appel comme en première instance, M. B...n'a fourni aucune précision sur l'identité de la personne signataire de l'accusé de réception et s'est abstenu d'indiquer la liste des personnes qui, même non expressément habilitées, auraient entretenu avec lui des relations susceptibles de leur donner qualité pour réceptionner ce pli. Par suite, c'est à bon droit qu'en application des règles gouvernant la charge de la preuve, le tribunal a jugé que le courrier du 2 mars 2012 avait été régulièrement notifié à M. B...conformément aux exigences de l'article L. 48 précité du livre des procédures fiscales.
Sur le bien fondé des impositions :
10. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ".
11. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas de refus de la proposition de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
12. A 1'issue de la vérification de comptabilité de l'EURL Guyane Bâti-Vert, le service a notamment réintégré, dans les résultats imposables de la société, des produits non comptabilisés, des charges injustifiées (frais généraux, pertes sur exercices antérieurs, charges exceptionnelles et dons) ainsi que des apports inexpliqués au compte courant d'associé de M. B.... Les sommes correspondantes ont ensuite été considérées comme des revenus distribués au profit de M. B...en application des articles 109-1 1°, 109-1 2° et 111 c précités du code général des impôts.
13. Il résulte de l'instruction que M.B..., gérant et associé unique de l'EURL Guyane Bâti-Vert, dont il détient 100 % des parts sociales, était le seul maître d'affaires de cette société et qu'il disposait ainsi des pouvoirs les plus étendus pour opérer toutes opérations sur les fonds sociaux. Et il ne résulte pas de l'instruction que l'appréhension des revenus réputés distribués aurait été le fait d'un préposé ou d'un tiers ou que tout ou partie des sommes litigieuses seraient demeurées investies ou auraient été réinvesties dans l'EURL Guyane Bati-Vert. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a regardé M. B...comme le maître de l'affaire ayant appréhendé les distributions réalisées par la société dont il avait le contrôle.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera transmise à la ministre des outre-mer et à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mai 2018.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Elisabet JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics. en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01343