Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2018, M.C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 octobre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 80 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ne subordonnent pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " salarié " à l'agrément, ni même à l'enquête de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ;
- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ressort clairement du contrat qu'il a produit qu'il avait été recruté en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2016 ; en outre, il n'est pas établi par les pièces du dossier que les services de l'Etat aient effectivement demandé à l'employeur la production de pièces complémentaires ;
- cette décision a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est entré pour la première fois sur le territoire français en septembre 2001, qu'il a obtenu son permis de conduire français le 23 octobre 2001 et que de nombreux membres de sa famille sont régulièrement présents sur le territoire français ; en outre, c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'apportait pas la preuve de l'intensité de ses liens familiaux avec ses frères et soeurs ;
- le préfet de la Gironde a entaché la décision contestée d'une erreur de fait en considérant qu'il n'était pas isolé dans son pays d'origine ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et le pays de renvoi :
- ces décisions sont illégales, par voie de conséquence, de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 14 février 2018 à 12 heures.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C..., ressortissant marocain, né le 15 avril 1966, est entré pour la première fois en septembre 2001 sur le territoire français où il a bénéficié d'une carte de résident valable jusqu'au 31 août 2011. Il est ensuite retourné au Maroc avant de revenir en France le 2 décembre 2015 sous couvert d'un visa de long séjour. Bénéficiaire d'un titre de séjour en qualité de saisonnier valable du 11 mars 2016 au 27 mars 2017, M. C...a sollicité, le 21 juillet 2016, un changement de statut en vue de l'obtention d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 26 juin 2017, le préfet de la Gironde a rejeté cette demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la désignation du pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement rendu le 31 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 juin 2017.
En ce qui concerne le refus de délivrance du titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord entre la République française et le Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salarié en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord (...) ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. (...) ". Les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain ne font pas obstacle à l'application des dispositions du code du travail relatives aux conditions d'analyse des demandes d'autorisation de travail qui ne font pas l'objet de stipulations spécifiques dans l'accord.
3. Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du même code : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) / 6° La carte de séjour temporaire portant la mention salarié, délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à douze mois conclu avec un employeur établi en France, en application du 1° de l'article L. 313-10 du même code (...)". Aux termes de l'article R. 5221-11 dudit code : " La demande d'autorisation de travail (...) est faite par l'employeur. (...) ".
4. En application des stipulations et dispositions précitées, le bénéfice de l'article 3 de l'accord franco-marocain est conditionné par la présentation d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).
5. Ainsi, il appartenait au préfet d'instruire la demande de titre de séjour en qualité de salarié présentée par M. C...en vérifiant que celui-ci justifiait d'un contrat de travail visé par la DIRECCTE. En procédant ainsi, le préfet de la Gironde n'a pas entaché l'arrêté contesté d'une erreur de droit.
6. M. C...a demandé un changement de statut le 21 juillet 2016 en vue d'occuper un emploi en qualité de " manoeuvre polyvalent " au sein d'une société et a présenté à cette fin un contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er juillet 2016. Pour prendre le refus contesté, le préfet de la Gironde s'est fondé sur le classement sans suite prononcé par la DIRECCTE sur la demande de M. C...au motif que l'employeur de ce dernier n'avait pas complété le dossier de demande. Il ressort des pièces du dossier que l'employeur du requérant s'est effectivement abstenu de compléter la demande de titre de séjour en dépit de deux invitations en ce sens adressées par la DIRRECTE le 12 janvier et le 17 février 2017. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde a pu légalement refuser de délivrer un titre de séjour sollicité.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et en vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
8. Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
9. Pour soutenir que la décision contestée a méconnu les stipulations et dispositions précitées, M. C...se prévaut, d'une part, de son ancienneté et de son intégration sur le territoire français et, d'autre part, de la présence sur ce territoire de ses frères et soeurs dont la plupart sont de nationalité française. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C...n'a pas séjourné continument sur le territoire français depuis 2001 et que la majorité de ses frères et soeurs vivent au Maroc. Il ne peut se prévaloir de la présence en France de son épouse dont il est divorcé depuis le 20 décembre 2016. Quant au titre de séjour " saisonnier " d'un an que M. C... a obtenu en mars 2016, il ne lui ouvrait pas un droit à séjourner en France au titre de la vie privée et familiale. Et si le préfet a certes commis une erreur de fait en relevant que l'ensemble de la fratrie de M. C...séjournait au Maroc, les autres motifs tirés de la situation familiale et personnelle du requérant étaient suffisants pour fonder la décision contestée. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à exciper de la décision portant refus de séjour à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me D.... Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mai 2018.
Le rapporteur,
Frédéric B...Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00072