Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2020, M. C... D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau du 27 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 4 décembre 2019 ;
3°) à titre subsidiaire, de renvoyer la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) :
" L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux et l'article 9§3 de la directive 2013/33/UE établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale s'opposent-ils à une législation nationale qui, tout en prévoyant un délai de jugement de 96 heures pour contrôler la légalité de la décision maintenant un demandeur d'asile en rétention après le dépôt de sa demande de protection, ne rend pas ce délai impératif à peine de sanction, et prévoit au contraire que la juridiction ne puisse statuer qu'après notification de la décision sur la demande de protection internationale à l'intéressé, qui, dans les faits, n'intervient que plusieurs dizaines de jours après le dépôt de la requête, durant lesquels le demandeur est maintenu privé de liberté sur le fondement d'une décision dont il conteste la légalité ' "
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
- le jugement attaqué méconnaît l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux et l'article 9§3 de la directive 2013/33/UE ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit en ce qu'elle ne cite ni ne vise les articles L. 556-1 et R. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est insuffisamment motivée en fait en ce qu'elle ne fait pas mention de sa date de naissance, de sa nationalité et du jour de son placement en rétention ;
- elle est entachée d'une erreur de droit.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux ;
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... A... a été entendu au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tunisien, est entré en France en 2018 selon ses déclarations. Le 30 novembre 2019, le préfet de l'Isère a pris à son encontre, d'une part, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, un arrêté de placement en rétention administrative. Le 4 décembre 2019, alors qu'il était au centre de rétention administrative d'Hendaye, M. D... a présenté une demande d'asile. Par un arrêté du 4 décembre 2019, le préfet de l'Isère a alors maintenu l'intéressé en rétention administrative sur le fondement de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile. M. D... relève appel du jugement du 27 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet. ". Aux termes de l'article L. 556-1 du même code : " (...) L'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de maintien en rétention dans les quarante-huit heures suivant sa notification (...). Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue après la notification de la décision de l'office relative au demandeur, dans un délai qui ne peut excéder quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours, dans les conditions prévues au III de l'article L. 512-1 du présent code. (...) ". Aux termes de l'article R. 556-10 de ce code : " I. - Lorsque l'étranger a été maintenu en rétention et que l'office statue en procédure accélérée, le directeur général de l'office prend sa décision dans le délai prévu par le deuxième alinéa du I de l'article R. 723-4. / Il transmet sans délai au responsable du centre ou du local de rétention dans lequel l'étranger est maintenu en application de l'article L. 556-1 sa décision de rejet sous pli fermé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le pli fermé est remis à l'étranger par le responsable du centre ou du local de rétention. / Simultanément, le directeur général de l'office communique au chef du centre de rétention, à son adjoint ou au responsable de la gestion des dossiers administratifs du centre de rétention ou au responsable du local de rétention ou à son adjoint le sens de sa décision. (...) IV. - Le chef du centre de rétention, son adjoint ou le responsable de la gestion des dossiers administratifs du centre de rétention ou le responsable du local de rétention ou son adjoint informe le préfet ayant décidé du maintien en rétention du sens de la décision du directeur général de l'office. ". Selon l'article R. 723-4 dudit code : " Lorsque le demandeur d'asile est maintenu en rétention en application du premier alinéa de l'article L. 556-1, la demande d'asile est examinée par l'office dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de sa réception ".
3. M. D... soutient que le jugement attaqué méconnaît l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux et l'article 9§3 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013. Un tel moyen étant sans incidence sur la légalité de la décision contestée, il y a lieu de l'écarter comme étant inopérant. Au demeurant, saisi le 10 décembre 2019, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté la demande d'asile de M. D... en procédure accélérée le 13 décembre 2019 soit dans le délai de quatre-vingt-seize heures prescrit par les dispositions citées au point précédent. Après que cette décision de rejet a été notifiée à M. D... le 23 décembre 2019 et transmise au tribunal administratif de Pau le 24 décembre 2019, le magistrat désigné par le président dudit tribunal a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté contesté de maintien en rétention par un jugement du
27 décembre 2019.
4. En deuxième lieu, M. D... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le premier juge, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit et en fait. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.
5. En troisième lieu, M. D... soutient que la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit dès lors que, pour décider de le maintenir en rétention, le préfet de l'Isère s'est fondé sur le fait qu'il ne dispose ni de ressources ni d'adresse ni de documents d'identité. Il ressort toutefois de l'examen de la décision contestée que, pour estimer que le dépôt de la demande d'asile de M. D... était dilatoire, le préfet de l'Isère a relevé que celui-ci n'a jamais entendu, préalablement à son placement en rétention administrative, se prévaloir des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ou déposer une demande d'asile. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit par conséquent être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 4 décembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur. Copie-en sera transmise au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme B... A..., présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 novembre 2020.
Le rapporteur,
Karine A...Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX00045 2