Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2013, la société PES 33, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale pour vol initiée à l'encontre de M. C...A... ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement n° 1200202 du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Bordeaux ainsi que la décision du 24 novembre 2011 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 03 de l'unité territoriale de la Gironde a reconnu M. C... A...inapte à son poste de travail et à tous les postes au sein de la société PES 33, ainsi que l'avis d'inaptitude du 21 septembre 2011.
Elle soutient que :
- l'inspecteur du travail a commis une appréciation inexacte matérielle des faits ;
- tant l'enquête des services de police que le procès verbal de constat dressé par Me B..., huissier de justice, le 27 septembre 2011, permettent d'établir que l'entretien du 18 septembre 2011, au cours duquel il a reconnu les faits de vol, s'est tenu sans aucune agressivité ni pression psychologique telles que prétendument invoquées par l'intéressé ;
- elle n'a commis aucune infraction à la réglementation du travail ;
- les déclarations mensongères de pressions psychologiques ou d'infraction à la durée légale du travail ne sont aucunement établies et constituent un parfait ajustement de cause pour s'exonérer d'une responsabilité pénale pour l'infraction de vol ;
- c'est à tort que le ministre et le tribunal ont considéré que la décision du 24 novembre 2011 était antérieure à la résiliation du contrat d'apprentissage puisqu'elle a saisi le conseil des prud'hommes en résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage pour vol le 28 septembre 2011 et que la Direccte a notifié la suspension puis le refus du contrat d'apprentissage à compter du 10 octobre 2011.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2014, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par lettre en date du 6 janvier 2016, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de fonder la solution du litige sur un moyen d'ordre public soulevé d'office.
Par ordonnance du 10 juillet 2014, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2014 à 12 heures.
Un mémoire, présenté par la société PES 33, a été enregistré le 14 janvier 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Philippe Delvolvé,
- et les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...a été recruté par la société PES 33 le 31 août 2010 dans le cadre d'un contrat d'apprentissage. Lors d'un entretien du 18 septembre 2011, le gérant de la société a reproché à M. A...des détournements de fonds et lui a proposé une rupture amiable du contrat de travail. Le 21 septembre suivant, le salarié a consulté le médecin du travail, qui, dans le cadre de la procédure de danger immédiat prévue par l'article R. 4624-31 du code du travail, en une seule visite, a rendu un avis d'inaptitude à tous les postes de l'entreprise sans reclassement possible dans l'établissement. Le 29 septembre 2011, l'employeur a contesté la décision d'inaptitude du salarié devant l'inspecteur du travail. Au vu de l'avis du médecin inspecteur régional du 24 octobre suivant, l'inspecteur du travail a, le 24 novembre 2011, constaté l'inaptitude de M. A...à son poste de travail et à tout poste dans la société PES 33. Cette dernière relève appel du jugement du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale et à l'annulation de cette décision.
Sur la demande de sursis à statuer :
2. La société PES 33 demande, à titre principal, à ce qu'il soit sursis à statuer sur sa requête dans l'attente de l'issue de la procédure pénale diligentée à l'encontre de M.A.... Cependant, la requérante ne conteste pas les affirmations du ministre selon lesquelles un jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux a été rendu le 18 décembre 2013 suite à sa plainte. N'ayant pas produit un tel jugement, elle n'est pas fondée, en tout état de cause, à demander à ce qu'il soit sursis à statuer sur sa requête.
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre l'avis d'inaptitude du 21 septembre 2011 :
3. La société PES 33 demande à la cour d'annuler notamment l'avis d'inaptitude rendu le 21 septembre 2011 par le médecin du travail. Aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. /En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. " Aux termes de l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige : " Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. "
4. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, de se prononcer définitivement sur cette aptitude. Son appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, se substitue à cet avis et seule la décision rendue par l'inspecteur du travail est susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir. Par suite, les conclusions présentées par la société PES 33 à l'encontre de l'avis du 21 septembre 2011 sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les autres conclusions :
5. Il ressort des pièces du dossier que le médecin du travail s'est prononcé dans le cadre de la procédure de danger immédiat. Le médecin inspecteur régional du travail a considéré, le 24 octobre 2011, que, compte tenu de l'état de santé du salarié et du contexte conflictuel existant avec son employeur, l'intéressé était inapte à tout poste dans l'entreprise. En se bornant à affirmer que la démarche de M. A...auprès du médecin du travail serait une manoeuvre pour échapper à ses responsabilités dans le cadre des faits de détournement de fonds dont elle l'accuse, la société n'apporte aucun élément d'ordre médical de nature à établir que le salarié aurait été apte à son poste de travail. Elle n'établit pas, en tout état de cause, que l'intéressé aurait reconnu, au cours de l'entretien du 18 septembre 2011 qu'il a eu avec son employeur, avoir été l'auteur de vols répétés au sein de l'entreprise. De la même manière, à supposer que cet entretien se soit déroulé sans violence, le contexte conflictuel et les pressions psychologiques exercées par la société PES 33 pour pousser M. A...à démissionner sont clairement établis par les accusations portées par la société PES 33 à l'encontre de l'intéressé, la demande de rupture du contrat de travail faite à l'employé ainsi que par le dépôt de plainte à son encontre et l'action en résiliation judiciaire du contrat qu'elle a introduite devant le conseil des prud'hommes. Dans ces circonstances, la décision de l'inspecteur du travail n'est ni entachée d'une erreur de fait ni d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Aux termes de l'article L. 3121-35 du code du travail : " Au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures. En cas de circonstances exceptionnelles, certaines entreprises peuvent être autorisées à dépasser pendant une période limitée le plafond de quarante-huit heures, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine. " Aux termes de l'article R. 3121-23 de ce code : " La dérogation à la durée maximale hebdomadaire absolue du travail prévue à l'article L. 3121-35 est accordée par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Elle ne peut l'être qu'en cas de circonstance exceptionnelle entraînant temporairement un surcroît extraordinaire de travail. / La demande de dérogation est adressée par l'employeur à l'inspecteur du travail. (...) La décision précise l'ampleur de la dérogation ainsi que la durée pour laquelle elle est accordée. "
7. Il ressort des pièces du dossier que le travail de M. A...se réalisait tous les mercredis, samedis et dimanches. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, elle ne respectait pas la législation du travail dès lors que le salarié était amené à travailler, une semaine sur deux, le week-end après sa semaine de cours et, en conséquence, au-delà de la durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures fixée par l'article L. 3121-35 du code du travail, l'employeur n'établissant pas avoir déposé la demande de dérogation prévue par l'article R. 3121-23 de ce même code.
8. Il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article L. 4624-1 du code du travail, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que la contestation, présentée par l'employeur devant l'inspecteur du travail sur le fondement de l'article L. 4624-1 du code du travail, de l'avis émis par le médecin du travail sur l'aptitude d'un de ses salariés à occuper son emploi, doive être introduite avant que le licenciement du salarié déclaré inapte ait pris effet. Par suite, la circonstance que la décision de l'inspecteur du travail soit intervenue après la rupture du contrat de travail de M.A..., le 10 octobre 2011, à la suite de la notification de la décision de refus de poursuite du contrat d'apprentissage prise par le directeur de l'unité territoriale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine, alors qu'au demeurant, la société PES 33 avait déposé son recours antérieurement à cette rupture, n'est pas, en tout état de cause, de nature à entacher cette décision d'illégalité.
9. La circonstance, au demeurant non établie, que la procédure contradictoire n'aurait pas été respectée dans le cadre de la suspension du contrat d'apprentissage de M. A...est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
10. Il résulte de ce qui précède que la société PES 33 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
DECIDE :
Article 1 : La requête de la société PES 33 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société PES 33, au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social et à M. C...A....
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Antoine Bec, président-assesseur,
M. Philippe Delvolvé, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 février 2016.
Le rapporteur,
Philippe Delvolvé
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Martine Gérards
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Martine Gérards
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N° 13BX03200 3