1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau du 4 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2020 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'éloignement et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du 13 janvier 2020 par lequel le même préfet a décidé de maintenir son placement en rétention ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ainsi qu'une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
l'arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire et portant refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivé ;
cet arrêté a méconnu les dispositions des articles L. 741-1, L. 742-3 et du I de L. 511-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
cet arrêté a méconnu les stipulations des articles 3, 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
il est fondé à demander l'application des dispositions des articles R. 511-3 et L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
les décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de revenir sur le territoire français sont privées de base légale par l'illégalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre ;
la décision lui faisant interdiction de revenir sur le territoire français est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu tel qu'il est protégé par les principes généraux de l'Union européenne ainsi que des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
* la décision prononçant son maintien en rétention est insuffisamment motivée, ne précise pas la qualité de son signataire et a méconnu les dispositions de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile..
M A... s'est vu attribuer le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté en date du 8 janvier 2020, le préfet de la Gironde a obligé M. A..., ressortissant turc né le 5 mars 1994, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 4 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que les décisions litigieuses seraient insuffisamment motivées, de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation, de ce que la décision lui faisant interdiction de revenir sur le territoire français est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu tel qu'il est protégé par les principes généraux de l'Union Européenne et en méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que la qualité de la signataire de la décision portant maintien de son placement en rétention n'est pas lisiblement précisée, de ce que cette décision a méconnu les dispositions de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire et interdiction de revenir sur le territoire national aurait méconnu les stipulations des articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de ce que la décision fixant le pays de renvoi a méconnu les stipulations de l'article 3 de la même convention, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.
3. En deuxième lieu, si M. A... soutient qu'il doit être regardé comme ayant sollicité l'asile en France, il résulte de son audition par les services de police du 8 janvier 2020 qu'il avait quitté la Turquie depuis près de quatre années, qu'il résidait en France depuis trois mois lors de son interpellation et n'avait entrepris aucune démarche en vue, notamment, d'obtenir l'asile en France antérieurement à l'édiction de la décision litigieuse. Par ailleurs, s'il a également précisé, lors de cette audition, qu'il ne souhaitait pas retourner en Turquie parce que les kurdes y sont maltraités, qu'il craignait d'être arrêté et placé en détention et que lui-même " y avait des problèmes ", il n'a fait état d'aucune circonstance permettant de considérer que sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait dû être considéré comme ayant sollicité l'asile à l'occasion de son interpellation. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait méconnu les dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les dispositions de l'article 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, lesquelles ne sont, au demeurant, pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elles ne créent pas d'obligation pour les États membres mais uniquement pour les institutions, organes et organismes de l'Union.
4. En troisième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre État ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'État membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre.
5. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. En effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dès lors, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises, mais de celles d'un autre État, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3. En revanche, en application des dispositions précitées de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013, lorsqu'il a été définitivement statué sur sa demande, l'étranger peut faire l'objet soit d'une procédure de réadmission vers l'Etat qui a statué sur sa demande, soit d'une obligation de quitter le territoire français.
6. M. A... soutient qu'il a sollicité l'asile en Allemagne et que, dès lors, il ne pouvait faire l'objet que d'une décision de transfert vers ce pays en application des dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais pas d'une obligation de quitter le territoire prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du même code. Toutefois, il n'a pas sollicité l'asile en France et n'a pas indiqué aux autorités françaises qu'il était demandeur d'asile en Allemagne mais s'est borné, lors de l'audition susmentionnée, à indiquer que les autorités allemandes avaient refusé de régulariser sa situation administrative, alors, en outre, qu'il résulte de ses propres écritures que les autorités allemandes ont refusé de lui accorder l'asile et qu'il ne produit aucun élément permettant de considérer que ce refus ne présenterait pas un caractère définitif. Dans ces conditions, faute d'établir qu'il serait réadmissible en Allemagne au titre de l'asile ou qu'il y disposerait d'un droit au séjour, l'appelant n'est fondé à soutenir ni qu'il aurait dû faire l'objet d'une mesure de transfert vers l'Allemagne ni qu'il aurait dû être renvoyé vers ce pays, ce qu'il n'a, au demeurant, pas demandé.
7. En quatrième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire pour demander l'annulation des décisions subséquentes.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés litigieux des 8 et 13 janvier 2020. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
M. Manuel C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
Le rapporteur,
Manuel C...Le président
Éric Rey-BèthbéderLa greffière,
Angélique Bonkoundou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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20BX0639