Procédure devant la cour :
I°) Par une requête, enregistrée le 19 mars 2020 sous le n° 20BX01036, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de prononcer son admission à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 février 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 6 janvier 2020 ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de l'autoriser à enregistrer sa demande d'asile en France et de lui délivrer un dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 72 heures sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé, dès lors qu'il ne fait pas apparaître le critère de responsabilité retenu ;
- l'arrêté est également insuffisamment motivé s'agissant du refus de mise en oeuvre de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement UE 604/2013, dès lors qu'il ne mentionne pas la lettre d'observations du 5 novembre 2019 dans laquelle il sollicitait l'application de la clause discrétionnaire, ce qui démontre également un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- l'arrêté méconnaît l'article 4 du règlement 604/2013, dès lors que si la brochure B lui a bien été remise en langue dari, la brochure A lui a été remise préalablement le 12 septembre 2019 en langue pachtou, langue qu'il ne comprend pas ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement UE 604/2013, dès lors qu'il a fait l'objet en Allemagne d'une décision de rejet de sa demande d'asile et que l'Allemagne éloigne les ressortissants afghans.
Par un courrier, enregistré le 24 août 2020la préfète de la Gironde a informé la cour de l'exécution de la décision de transfert le 23 juillet 2020.
II°) Par une requête, enregistrée le 28 avril 2020 sous le n° 20BX01482M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 février 2020 ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... se prévaut des mêmes moyens que dans sa requête n° 20BX01036.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant afghan, a déposé une demande d'asile le 12 septembre 2019. Le relevé de ses empreintes décadactylaires ayant révélé qu'il avait déposé une demande d'asile en 2015 en Norvège, puis en Allemagne en 2017, la préfète de la Gironde a saisi les autorités norvégiennes et allemandes d'une demande de reprise en charge. Les autorités allemandes ayant fait connaître leur accord explicite le 24 septembre 2019, la préfète de la Gironde, par un arrêté du 6 janvier 2020, a décidé du transfert de l'intéressé aux autorités allemandes. M. B... relève appel du jugement du 26 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Les requêtes n° 20BX01036 et n° 20BX01482 présentées par M. B... sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
4. Par courrier du 19 août 2020, le greffe de la cour a invité Me A... à déposer une demande d'aide juridictionnelle, ce qu'elle n'a pas fait. Par suite, les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2020 :
5. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
7. Le préfet a produit devant les premiers juges les brochures d'information A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " remises à M. B.... Toutefois, si la brochure B remise en main propre le 16 septembre 2019 est en langue dari, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, en revanche, ainsi que le fait valoir M. B..., l'exemplaire de la brochure A remis en main propre le 12 septembre 2019 est en langue pachtou. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que les informations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne lui ont pas été remises dans une langue qu'il comprend, et qu'il a de ce fait été privé d'une garantie. Par suite, l'arrêté du 6 janvier 2020 doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête.
8. Le présent arrêt implique nécessairement que la préfète de la Gironde enregistre la demande de M. B... et lui délivre une attestation de demande d'asile. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
9. Le présent arrêt statuant sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 26 février 2020, les conclusions de la requête n° 20BX01482 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20BX01482 de M. B....
Article 2 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 26 février 2020 et l'arrêté du 6 janvier 2020 de la préfète de la Gironde sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde d'enregistrer la demande de M. B... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme C..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01036, N° 20BX01482