1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile correspondante, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- cette décision a été édictée en méconnaissance de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en raison du recours à un interprète par téléphone en l'absence de " nécessité " ; la préfecture ne justifie d'aucune recherche d'un interprète physique en langue peulqui se serait révélée vaine ;
- la préfecture ne justifie pas que l'organisme AFTCOM sollicité était titulaire d'un agrément de l'administration ;
- il ressort de l'attestation de réalisation de prestation d'interprétariat téléphonique que l'entretien n'a duré que 19 minutes, démontrant qu'elle n'a pas été en mesure d'informer la préfecture de sa situation précise ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des articles 53-1 de la Constitution et 17 du règlement UE n°604/2013 dès lors que le préfet aurait dû faire application de la clause discrétionnaire en raison de la présence en France de son compagnon, dont elle est enceinte et qui est en situation régulière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête et informe la cour de ce que Mme C... a été transférée en Espagne le 19 septembre 2019.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante guinéenne, née le 1er mai 2000, est entrée en France en provenance d'Espagne le 24 janvier 2019, selon ses déclarations, et s'est présentée à la préfecture de la Gironde le 28 février 2019 pour y déposer une demande d'asile. Le relevé de ses empreintes décadactylaires ayant révélé qu'elle est entrée sur le territoire de l'Union européenne par l'Espagne le 23 janvier 2019, les autorités espagnoles ont été saisies, le 19 mars 2019, d'une demande de reprise en charge, sur le fondement de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, explicitement acceptée le 14 mai 2019. Par un arrêté du 29 mai 2019, la préfète de la Gironde a prononcé le transfert de Mme C... aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile. Mme C... relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'entretien individuel de Mme C... du 28 février 2019 a été mené par un agent de la préfecture de la Gironde avec l'assistance d'un interprète en langue peul par le biais de la société d'interprétariat AFTCOM. La circonstance que cette société n'a reçu l'agrément prévu par les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par un décret du 23 avril 2019 est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Il ressort en effet des pièces du dossier que, l'appelante, qui a reconnu en fin de compte-rendu d'entretien, qu'elle a signé sans émettre aucune réserve, avoir compris les informations qui lui avaient été communiquées dans le cadre de la procédure, n'établit pas que le défaut d'agrément incriminé aurait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise à son encontre ou qu'elle aurait été privée d'une garantie. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet entretien individuel aurait été conduit dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité.
5. En deuxième lieu, Mme C... reprend en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux ni de critiques utiles du jugement, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait du recours à une assistance par voie téléphonique. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de l'attestation de réalisation de prestation d'interprétariat téléphonique indiquant que l'entretien a duré 19 minutes que le recours à cette méthode aurait eu une incidence sur le sens de la décision litigieuse. Ainsi, et alors que l'intéressée ne fait état d'aucun élément, ni d'aucune circonstance particulière tenant au déroulement de cet entretien, de nature à démontrer que celui-ci aurait été mené en l'absence des garanties prévues par les dispositions précitées, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.
7. En troisième lieu, en vertu de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque État membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
8. Mme C..., en se bornant à faire valoir une situation de concubinage qui aurait débuté en février 2019 avec M. A..., qui serait le père de son enfant à naître, ne justifie, au regard du caractère très récent de cette relation, d'aucune circonstance particulière qui impliquerait que sa demande d'asile fût instruite par la France sur le fondement des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 précité. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté de transfert en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, en ne mettant pas en oeuvre la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C..., dont le transfert en Espagne a été exécuté le 19 septembre 2019, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme G..., présidente-assesseure,
Mme D... E..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°20BX01181