Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 avril 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 14 novembre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- il n'a pu être assisté d'un avocat en raison du mouvement de grève ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il encourt des risques en cas de retour au Bangladesh ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi,
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est privée de base légale ;
- elle méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il encourt des risques en cas de retour au Bangladesh.
Par décision du 29 avril 2020, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de Mme C... D....
Considérant ce qui suit :
1. M. F... B..., de nationalité bangladaise, est entré en France en 2017 pour y déposer une demande d'asile, laquelle a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 septembre 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 avril 2019. Par arrêté du 14 novembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 21 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) I bis- L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant.(...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. (...) L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office (...) ". Aux termes de l'article L. 776-1 du code de justice administrative : " Les modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les obligations de quitter le territoire français, les décisions relatives au séjour qu'elles accompagnent, les interdictions de retour sur le territoire français et les interdictions de circulation sur le territoire français obéissent, sous réserve des articles L. 514-1 et L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux règles définies aux articles L. 512-1, L. 512-3 et L. 512-4 du même code ".
3. M. B... a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une requête présentée par un avocat, Me A..., désigné au titre de l'aide juridictionnelle. Il résulte des mentions du jugement attaqué que l'audience pendant laquelle il devait être statué sur la demande de M. B..., initialement fixée au 20 janvier 2020, a été reportée, à la demande de Me A..., au 7 février puis au 14 février 2020. Me A... a informé le tribunal de ce qu'il n'assisterait pas M. B... le 14 février 2020 et qu'il se " déconstituait ". M. B... a alors demandé la désignation d'un avocat commis d'office. Ne pouvant satisfaire cette demande, le bâtonnier du barreau de Bordeaux a sollicité auprès du tribunal le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, mais le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a maintenu l'affaire à l'audience du 14 février 2020, qui s'est donc tenue sans que l'intéressé soit assisté d'un avocat. Cette circonstance entache d'irrégularité le jugement attaqué.
4. Il y a lieu dès lors de prononcer l'annulation du jugement attaqué, avant d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, la décision attaquée, mentionne les principaux éléments de la situation de M. B... et notamment son entrée en France en juin 2017, à l'âge de 28 ans, le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, les circonstances qu'il est célibataire, ne dispose pas de liens personnels et familiaux en France et n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Elle est par suite suffisamment motivée en fait, et cette motivation révèle que le préfet s'est livré à un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé.
6. En deuxième lieu, le moyen tiré des risques encourus en cas de retour au Bangladesh est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'emporte pas par elle-même retour de M. B... dans son pays d'origine.
7. En troisième lieu, M. B... se prévaut de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait valoir qu'il bénéficie d'une prise en charge médicale. Toutefois, l'intéressé, qui n'a pas déposé de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, se borne à produire un courrier, à l'en-tête de l'hôpital Pierre-Paul Riquet de Toulouse mais dont l'auteur ne peut au demeurant être identifié, qui fait état des " suites d'une plaie à la face antérieure du poignet droit avec lésion du nerf médian " et conclut " je me tiens à la disposition de M. B... pour programmer éventuellement une chirurgie s'il le souhaitait ". Il est constant, de plus, que M. B... est célibataire et sans enfant, qu'il ne fait état d'aucune insertion en France et n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré par M. B... de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. En deuxième lieu, la décision litigieuse, qui mentionne que M. B... " n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine " est suffisamment motivée.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile et aurait ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit.
11. En quatrième et dernier lieu, M. B... soutient qu'il encourt des risques en cas de retour au Bangladesh, où il aurait été agressé à plusieurs reprises par des cousins en raison d'un conflit foncier et de son militantisme politique au sein de la branche étudiante du Bangladesh Nationalist Party. Toutefois, l'intéressé, dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 septembre 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 avril 2019, n'apporte aucun élément au soutien de ces allégations. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2019. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 février 2020 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande portée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier-conseiller.
Rendu public par dépôt au greffe le 18 décembre 2020.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01259