Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2018, l'Eurl Acteam services, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 novembre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre des années 2008, 2009 et 2010, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie[BC1] au[MF2] titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre à ses moyens en ce que la jurisprudence fait une différence entre la déduction en matière de TVA et en matière d'impôt sur les sociétés ;
- les prestations rendues par les sous-traitants, les sociétés Mission sécurité et Euro sécurité assistance, lesquelles étaient immatriculées au registre du commerce et des sociétés, connues de l'Urssaf et disposaient du personnel nécessaire, sont réelles ;
- l'administration ne conteste pas que les prestations de services ont bien été rendues par la société ; elle a présenté un tableau justifiant des plannings des intervenants, des documents justifiant d'interventions sur place ainsi que les bons de commande ;
- dès lors que l'administration ne conteste pas la réalité des services qui lui ont été rendus, ni ceux qu'elle a elle-même rendus, ni la réalisation des services facturés par les sous-traitants, ni la réalité de ces prestations, la TVA facturée est déductible ;
- les rehaussements opérés en matière d'impôt sur les sociétés sont hors de toute réalité économique de l'entreprise ;
- les services facturés par les sous-traitants ayant été rendus, la charge de la preuve contraire incombe à l'administration ;
- dans la mesure où l'administration ne conteste pas que les services facturés par les sous-traitants ont été réalisés, les factures ne peuvent être qualifiées de fictives ; la jurisprudence admet la déduction des prestations rendues en cas de factures de complaisance ;
- la majoration de 40 % sanctionnant le caractère délibéré des manquements constatés, appliquée au rehaussement relatif aux factures émises par les sociétés Mission Sécurité et Euro sécurité Seine et Marne et celle de 80 % sanctionnant les manoeuvres frauduleuses appliquée au rehaussement relatif aux factures émises par la société Euro sécurité assistance Vaucluse ne sont pas justifiées dès lors que les prestations ont effectivement été rendues par les prestataires désignés et que l'existence de manoeuvres destinées à égarer l'administration n'est pas caractérisée.
Par un mémoire, enregistré le 30 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Acteam services ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Acteam services, dont Mme A... était l'associée unique, a exercé une activité de gardiennage et de sécurité des biens et des personnes du 1er avril 2008 au 31 août 2010. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'ensemble de cette période à l'issue de laquelle, par propositions de rectifications du 16 décembre 2011 et du 17 décembre 2012, la société a été informée des rappels de TVA et des rehaussements du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés, envisagés par le service au titre des exercices clos les 31 décembre 2008, 2009 et 2010. Saisi par le mandataire ad hoc de la société Acteam services d'une demande en décharge de ces impositions, le tribunal administratif de Limoges, par un jugement du 23 novembre 2017, a rejeté cette demande. La société Acteam services fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient la société Acteam services, les premiers juges qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur chacun des arguments figurant dans sa demande, ont, en l'occurrence, précisément exposé les motifs pour lesquels ils ont estimé que la réalité des prestations de sous-traitance facturées n'était pas établie. La société appelante n'est donc pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient, à cet égard, entaché leur jugement d'une omission à statuer. La circonstance que le tribunal aurait apporté une réponse erronée en droit à son argumentation n'affecte pas la régularité du jugement mais le bien-fondé de celui-ci.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
3. D'une part et en application des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts un assujetti n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe portée sur des factures correspondant à des biens ou à des prestations de services qui ne lui ont pas été effectivement fournis.
4. D'autre part, dans l'arrêt du 27 juin 2018 par lequel elle s'est prononcée sur la question dont le Conseil d'État, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires-Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, doit être interprété en ce sens que, pour refuser à l'assujetti destinataire d'une facture le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur cette facture, il suffit que l'administration établisse que les opérations auxquelles cette facture correspond n'ont pas été réalisées effectivement.
5. La société Acteam services a procédé à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures établies par les sociétés de gardiennage Mission sécurité pour la période d'avril 2008 à décembre 2009, Euro sécurité assistance Seine-et-Marne pour la période d'avril 2008 à février 2009 et Euro sécurité assistance Vaucluse pour la période de février 2009 à août 2010, présentées comme ses sous-traitants. Il résulte de l'instruction et notamment des propositions de rectifications adressées à l'entreprise appelante que la remise en cause du droit à déduction de la TVA facturée est tirée de ce que les factures en cause ne correspondraient pas à des prestations de services effectivement exécutées.
6. S'il est constant que ces sociétés de gardiennage étaient régulièrement inscrites au registre du commerce et des sociétés, l'administration fait valoir que la société Euro sécurité assistance Seine-et-Marne s'est trouvée en cessation de paiements dès le 15 janvier 2008 puis en liquidation judiciaire à compter du 6 avril 2009 et qu'aucun justificatif de l'activité de cette entreprise en 2009 à destination de la société Acteam services n'a été apporté. L'administration indique également que la société Mission sécurité, créée le 1er mars 2006 à Garges-lès-Gonesse et dissoute en décembre 2009, a cessé toute activité à cette adresse le 31 janvier 2009 et qu'aucun justificatif de l'activité de cette entreprise après le transfert de son siège à Bobigny n'a été apporté. En réponse au droit de communication exercé le 28 novembre 2011, l'Union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (Urssaf) de Paris Région Parisienne a d'ailleurs précisé que cette société n'a été immatriculée auprès de l'Urssaf en qualité d'employeur que du 2 mars 2007 au 31 décembre 2008. L'administration rend ainsi vraisemblable que l'entreprise Euro sécurité assistance Seine-et-Marne, radiée de l'Urssaf le 6 mars 2009, était dans l'impossibilité de réaliser les opérations facturées à la société appelante, et, d'autre part, que la société Mission sécurité ne disposait plus de moyens matériels et humains à compter du 31 décembre 2008, pour réaliser les prestations facturées. Par ailleurs, l'administration fait valoir que si la société appelante a indiqué qu'à compter du mois de février 2009 elle avait eu recours à la société Euro assistance Vaucluse, cette dernière, en réponse au droit de communication exercé par l'administration, a attesté ne jamais avoir eu de rapport commercial avec la société Acteam services. Cet ensemble de circonstances permet[MF3] de penser que les factures dont se prévaut l'entreprise appelante ne correspondent pas à des opérations réelles. En se bornant à produire des tableaux de planning au contenu imprécis et des bons de commandes établis par ses clients, la société Acteam services, qui n'a été en mesure de présenter ni les documents et attestations concernant les sous-traitants exigés par la réglementation du travail, ni les fiches de présence des salariés sur les sites d'intervention ni aucune correspondance commerciale ou compte-rendu des prestations réalisées, ne combat pas utilement cette vraisemblance. Par suite, l'administration qui établit suffisamment que les factures en litige ne font pas état de prestations qui auraient été effectivement réalisées, était fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces factures.
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
7. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.
8. L'administration a réintégré dans les résultats imposables de la société Acteam services, au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, les sommes qu'elle avait déduites à titre de charges et correspondant aux factures établies par les sociétés de gardiennage Mission sécurité pour la période d'avril 2008 à décembre 2009, Euro sécurité assistance Seine-et-Marne d'avril 2008 à février 2009 et Euro sécurité assistance Vaucluse de février 2009 à août 2010. Dans un souci de réalisme économique, le service a néanmoins admis en déduction, au titre des charges de sous traitance, un montant forfaitaire correspondant à 10 % du chiffre d'affaires hors taxe de chacun des exercices vérifiés. Pour les motifs énoncés au point 6, la déductibilité de ces factures n'est pas établie par l'appelante en tant que charges imputables sur le bénéfice imposable en application de l'article 39 du code général des impôts et c'est donc à bon droit que l'administration a réintégré celles-ci dans les résultats imposables.
En ce qui concerne les majorations :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré. / b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les rehaussements et rappels contestés procèdent du caractère fictif des prestations que l'appelante a prétendu avoir exposées et que cette fictivité est établie. Par suite, la société Acteam services n'est pas fondée à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré correspondantes.
11. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a appliqué les pénalités pour manoeuvres frauduleuses aux rehaussements relatifs aux factures prétendument émises par l'entreprise Euro assistance Vaucluse. L'administration a constaté que l'entreprise Euro assistance Vaucluse a attesté aux services fiscaux ne jamais avoir entretenu de relations commerciales avec la société appelante et a également relevé que les factures considérées ne correspondaient pas à celles habituellement émises par la société Euro assistance Vaucluse. La justification de la déduction par la présentation de fausses factures caractérise des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. Il s'ensuit que l'administration établit l'existence de manoeuvres frauduleuses de nature à justifier l'application de la majoration de 80 % dont ont été assortis les rappels et rehaussements notifiés au titre des exercices clos en 2009 et 2010. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à demander la décharge de cette majoration.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Acteam services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Acteam services est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Acteam services et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie sera adressée à la direction de contrôle fiscal du Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme C... D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
Le rapporteur,
Florence D...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
[BC1]J'ai un doute, soit la sté a été assujettie à l'IS et il n'y a pas de e, soit elle a été assujettie aux cotisations supplémentaire d'impôt et dans ce cas, il y a es
[MF2]Non c'est bien accordé au sujet " elle "
[MF3]Sinon c'était bien " permettent " " l'ensemble de ces circonstances " étant assimilé à " toutes "
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N° 18BX00255