Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2018 et des mémoires, enregistrés les 30 août 2018 et 31 octobre 2019, la société Silvestri-Baujet, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 novembre 2017 en tant qu'il n'a pas procédé à la rectification du déficit reportable qu'elle a constitué au titre des années 2009, 2010 et 2011 et a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 avril 2012 ;
2°) de prononcer la décharge de ce complément de taxe sur la valeur ajoutée ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée et ne comporte en particulier pas le détail des frais rejetés par le service ;
- l'ensemble des frais de déplacement de MM. E... et D... ont été exposés dans l'intérêt de la société et que des employés de la société utilisaient les véhicules de la société ;
- le service ne justifie pas que les sommes regardées comme distribuées ont été mises à la disposition de M. B... E... et qu'en tout état de cause, celui-ci n'en était pas le seul bénéficiaire ;
- les frais rejetés n'étaient pas tous soumis à la TVA et ne caractérisent pas une livraison à soi-même.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G...,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,
1. La société Laser 3S, aux droits de laquelle vient la SCP Silvestri-Baujet, en sa qualité de liquidateur judiciaire, exerce une activité de fabrication et maintenance d'équipements de laser médical. À l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration lui a adressé, le 10 octobre 2012, une proposition de rectification modifiée à plusieurs reprises à raison de la prise en compte partielle des réclamations présentées par la société Laser 3S. Cette société, qui a été dégrevée d'une partie du complément de taxe sur la valeur ajoutée trouvant son origine dans le contrôle précité au cours de la procédure précontentieuse puis en cours d'instance, demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 novembre 2017 en tant qu'il n'a pas procédé à la rectification du déficit reportable qu'elle a constitué au titre des années 2009, 2010 et 2011 et a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 avril 2012.
2. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que la proposition de rectification litigieuse n'aurait pas été assez motivée et ne mentionnerait en particulier pas le détail des frais rejetés comme n'ayant pas été exposés dans l'intérêt de la société, de ce que le service ne justifie pas que les sommes regardées comme distribuées ont été mises à la disposition de M. B... E... et qu'en tout état de cause, celui-ci n'en était pas le seul bénéficiaire, enfin, de ce que les frais rejetés n'étaient pas tous soumis à la TVA et ne caractérisent pas une livraison à soi-même, la société appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
3. En second lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...)"Sont également déductibles les dépenses suivantes : a. les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; b. les frais de voyage et de déplacement exposés par ces personnes; c. les dépenses et charges afférentes aux véhicules et autres biens dont elles peuvent disposer en dehors des locaux professionnels ; (. . .) f les frais de réception, y compris les frais de restaurant et de spectacles. Pour l'application de ces dispositions, les personnes les mieux rémunérées s'entendent, suivant que l'effectif du personnel excède ou non 200 salariés, des dix ou des cinq personnes dont les rémunérations directes ou indirectes ont été les plus importantes au cours de l'exercice. Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. Lorsqu'elles augmentent dans une proportion supérieure à celle des bénéfices imposables ou que leur montant excède celui de ces bénéfices, l'administration peut demander à l'entreprise de justifier qu'elles sont nécessitées par sa gestion. ".
4. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
5. En l'occurrence, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité d'une partie des frais de déplacement et de voyage comptabilisés au compte n° 625100, consistant essentiellement en des frais de déplacement en avion, train, taxi, ainsi que des frais d'hôtel et de restauration, exposés par M. A... E..., M. F... D... et M. B... E..., au motif qu'ils n'avaient pas été exposés dans l'intérêt de l'exploitation alors que ces frais participent de manière significative à la formation du résultat déficitaire enregistré par la société Laser 3S sur la période considérée. Si la société soutient que les dirigeants et les employés de la société ont nécessairement dû réaliser de nombreux déplacements pour démarcher de nouveaux clients puis assurer la mise en place ainsi que la maintenance du matériel, elle n'a produit, au cours de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, aucun élément permettant de justifier que les frais de déplacement et de voyage rejetés correspondaient à des déplacements auprès de clients ou de prospects et auraient ainsi été effectués dans l'intérêt de l'entreprise, et ne produit devant la cour qu'une liste des professionnels de santé qui auraient été visités puis formés par ses dirigeants ainsi qu'un certain nombre d'attestations établies par des clients de la société mentionnant plusieurs rendez-vous en 2009-2010 et 2011 qui sont toutes parfaitement identiques et ne sont, au demeurant, pas assorties de justificatifs de l'identité de leur auteur, enfin de tableaux de concordances établis pour les besoins de la cause et qui ne sont assortis d'aucun justificatif. En outre, s'agissant spécifiquement des kilomètres successivement parcourus par les véhicules de marque Mercedes de la société, la société n'établit pas non plus qu'ils auraient été surévalués par le service, qu'ils auraient été utilisés par des salariés et non uniquement par son dirigeant M. B... E... - alors, au demeurant, que celui-ci a indiqué, dans sa réponse au service du 5 décembre 2012, avoir personnellement parcouru, au volant de ces véhicules près de l'intégralité du kilométrage relevé sur leurs compteurs - enfin, elle ne conteste pas que les déplacements de celui-ci entre son domicile situé à Villebougis (Yonne) et le siège de la société situé à Pessac (Gironde) n'ont pas été exposés dans l'intérêt de l'entreprise. Dans ces conditions, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle n'établissait pas la fréquence, la durée et les modalités précises des déplacements en cause, ni l'identité des interlocuteurs rencontrés et l'objet des entrevues et en ont déduit que l'administration avait pu, à bon droit, considérer que les frais correspondants ne se rattachaient pas aux nécessités de l'exploitation normale de la société.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Laser 3S n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile professionnelle Silvestri-Baujet, venant aux droits de la société par actions simplifiée Laser 3S, et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie sera adressée à la direction de contrôle fiscal du Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme H... présidente-assesseure,
M. Manuel G..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019
Le rapporteur,
Manuel G...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°18BX00324