Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2019, l'Association Compagnie Privilégiée des Grands Archers de Saint-Sébastien de Doullens - 1408, représentée par la SCP Frison et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure en cours devant le tribunal judiciaire d'Amiens ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions attaquées ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Doullens la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Compagnie Privilégiée des Grands Archers de Saint-Sébastien de Doullens - 1408 a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le maire de Doullens a interdit toute pratique du tir à l'arc ou à l'arbalète sur le site situé 16-18 rue des archers, d'autre part, la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux. Le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 2 juillet 2019 dont l'association fait appel.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le cadre juridique du litige :
2. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. (...) ".
En ce qui concerne la forme :
3. D'une part, si l'arrêté attaqué, tout en se référant aux dispositions du code général des collectivités territoriales qui étaient applicables à l'espèce, a visé des dispositions qui ne lui étaient pas applicables, une erreur dans les visas d'une décision administrative est en tout état de cause sans influence sur sa légalité.
4. D'autre part, si l'arrêté litigieux est une mesure de police qui en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration devait être motivée, il a visé les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et précisé que le rapport d'expertise du 9 août 2017 établi par M. A... B... avait relevé le danger que présentait l'utilisation du stand de tir pour la sécurité des riverains. Par suite et même s'il n'a pas fait état de toutes les circonstances de fait, l'arrêté attaqué était suffisamment motivé.
En ce qui concerne la procédure :
5. D'une part, il ne résulte d'aucun texte et d'aucun principe que la mesure de police en cause devait être précédée d'une mise en demeure adressée à l'association.
6. D'autre part, et alors en tout état de cause que le moyen tiré de la violation d'un contrat est inopérant devant le juge de l'excès de pouvoir, la convention passée par l'association et la commune de Doullens pour l'occupation du site en cause relevant du domaine privé communal n'imposait pas l'envoi préalable d'une mise en demeure.
En ce qui concerne la méconnaissance de la convention du 16 avril 1981 :
7. L'association requérante soutient que l'arrêté attaqué est contraire à la convention du 16 avril 1981 par laquelle le terrain accueillant le stand de tir a été cédé à la commune sous condition de sa mise à la disposition gratuite de l'association, dès lors que l'exécution de cet arrêté fait obstacle au droit de libre disposition et jouissance de l'immeuble ainsi reconnu à l'association.
8. Toutefois, la méconnaissance des stipulations d'un contrat, si elle est susceptible d'engager, le cas échéant, la responsabilité d'une partie vis-à-vis de son contractant, ne peut être utilement invoquée comme moyen de légalité à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre d'une décision administrative telle que la mesure de police administrative contestée.
En ce qui concerne le caractère nécessaire et proportionné de la mesure :
9. Une mesure de police ne peut légalement intervenir que pour autant qu'elle soit strictement nécessaire et ne porte pas aux droits des intéressés une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi et aux motifs qui la justifient.
S'agissant de la nécessité de la mesure :
10. D'une part, il ressort du rapport de l'expertise judiciaire de M. A... B... du 9 août 2017 que le stand de tir, qu'il s'agisse de l'installation dite " Beursault " " ou des pas de tir à la cible anglaise, ne présente pas les caractéristiques, au regard des recommandations de la fédération française de tir à l'arc, permettant d'assurer la sécurité des riverains, notamment en raison de l'existence d'une promenade et d'une zone de jeux pour enfants au sud du champ de tir.
11. D'autre part, ce rapport a aussi relevé que, quand bien même les travaux recommandés par la Fédération française de tir à l'arc en 2009 et 2016 auraient été réalisés, la sécurité n'aurait pas été entièrement assurée.
12. Dans ces conditions et sans que les circonstances que l'expert a proposé des mesures de mise en conformité qui entreraient dans le cadre des obligations de réparation et d'entretien mises à la charge de la commune par l'acte notarié du 16 avril 1981 ou que les archers ont suspendu leur activité depuis octobre 2016 n'aient d'incidence sur ce point, le caractère nécessaire de l'arrêté du 19 mars 2018, qui n'a pas prévu son application rétroactive, est établi.
S'agissant de la proportionnalité de la mesure :
13. D'une part, ainsi qu'il a été dit plus haut, aucun des pas de tirs du site en cause ne présente les caractéristiques permettant d'assurer la sécurité des riverains.
14. D'autre part, lorsque les circonstances qui ont pu motiver légalement l'intervention d'une mesure de police disparaissent, il est loisible tant à l'autorité de tutelle qu'à toute personne intéressée de saisir à toute époque l'auteur de cette mesure d'une demande tendant à la modification ou à l'abrogation de la mesure. Par suite, si l'arrêté en litige devait se révéler inutile, notamment après la réalisation de travaux de mise en conformité, cette circonstance serait sans incidence sur sa légalité mais entraînerait l'obligation de l'abroger ou de l'adapter.
15. Enfin, il n'est pas contesté que la pratique du tir demeure possible dans un gymnase de la commune, grâce à l'accord d'un autre club de tir local.
16. Dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la mesure de police en litige serait disproportionnée par rapport au but poursuivi et aux motifs qui la justifient.
En ce qui concerne le détournement de pouvoir :
17. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la mesure de police étant justifiée, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché de détournement de pouvoir.
18. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer sur la requête, que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
19. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Doullens, qui n'est pas la partie perdante, le versement à l'association requérante de la somme que celle-ci réclame sur ce fondement.
20. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la l'association requérante, sur le même fondement, le versement de la somme de 1 500 euros la commune de Doullens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Compagnie Privilégiée des Grands Archers de Saint-Sébastien de Doullens - 1408 est rejetée.
Article 2 : L'association Compagnie Privilégiée des Grands Archers de Saint-Sébastien de Doullens - 1408 versera à la commune de Doullens une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la scp Frison et Associés pour l'association Compagnie Privilégiée des Grands Archers de Saint-Sébastien de Doullens - 1408 et à la commune de Doullens.
N°19DA02075 2